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Suppression de la TP - Le Sénat vote la répartition des ressources des collectivités

Après des semaines de débats parfois vifs sur la répartition des ressources devant venir remplacer la taxe professionnelle, les sénateurs se sont mis d'accord sur un texte qui corrige nombre de défauts du scénario voté par les députés. Trois rendez-vous législatifs ont été instaurés pour ajuster les recettes des collectivités en fonction des simulations à venir et de la réforme territoriale.

Les sénateurs ont adopté le 5 décembre en séance publique les amendements de la commission des finances qui prévoient la répartition de la nouvelle contribution économique territoriale (CET), de "nouveaux systèmes de péréquation" et des "rendez-vous" dans les prochaines années pour ajuster la réforme liée à la suppression de la taxe professionnelle.
Confronté à l'un des casse-tête les plus difficiles qu'il ait eu à résoudre dans sa carrière, le rapporteur général de la commission des finances, Philippe Marini, avait dû, en commission, présenter pas moins de quatre moutures avant de satisfaire ses pairs.
Dans l'hémicycle, cette quatrième proposition a véritablement trouvé grâce aux yeux de la majorité. L'application aux bases des collectivités d'un taux unique de 1,5% de cotisation sur la valeur ajoutée, sans modifier le barème d'imposition des entreprises, relève d'un numéro de "magicien", a estimé l'UMP Alain Chatillon, tandis que pour le RDSE Michel Charasse, "s'il y avait un prix Pulitzer de la plus belle création législative, il faudrait le décerner à la commission des finances".
L'un des avantages de la mesure est notamment de permettre d'augmenter de 3,77 milliards d'euros le montant des ressources fiscales allouées aux collectivités locales. Une avancée saluée par Michel Charasse : "Pour la première fois depuis longtemps, une diminution des ressources fiscales des collectivités donnera lieu non pas à une compensation, c'est-à-dire à une duperie (...), mais à un dégrèvement, qui garantira aux collectivités le maintien de leurs ressources", a reconnu l'ancien ministre, avant de conclure que c'était "une petite révolution".
L'amendement Marini pose "un mécanisme novateur et fort intelligent", a souligné pour sa part la ministre de l'Economie, qui a cependant tenté de remplacer le principe du dégrèvement par une réduction de cotisation au profit des entreprises, mécanisme moins coûteux pour le budget de l'Etat. Sous la pression du président de la commission des finances et du président du groupe UMP, Christine Lagarde a dû finalement y renoncer.

 

L'autonomie fiscale réduite

L'opposition socialiste a jugé, elle, que l'autonomie fiscale des collectivités demeurait considérablement réduite. Quelque temps plus tôt, Jean-Pierre Raffarin (UMP) avait déclaré qu'il fallait selon lui "des taux locaux pour des impôts locaux". "Veut-on jouer la carte de la responsabilité des élus ?", s'était demandé l'ancien Premier ministre. Le sénateur de la Vienne s'en est pris, en outre, au bien-fondé même de la suppression de la taxe professionnelle, assurant qu'il n'est "pas en mesure de dire que la valeur ajoutée est une meilleure assiette pour l'avenir de notre économie que l'investissement".
Comme l'amendement qui élargit l'assiette fiscale des collectivités, celui qui prévoit des "clauses de revoyure" a suscité un quasi-consensus au sein de la majorité. Jean-Pierre Raffarin qui, avec 23 autres sénateurs, avait demandé "plus de temps" pour mener à bien la réforme, a accordé un satisfecit en reconnaissant que "le texte ne sera définitif qu'à l'issue d'une période probatoire", comme il le souhaitait. Pas moins de trois rendez-vous permettront aux parlementaires d'ajuster, si nécessaire, la répartition des ressources locales aux compétences des collectivités.
Selon l'amendement de Philippe Marini, ils devront se pencher sur la question avant le 31 juillet 2010. D'ici là, des parlementaires en mission pourraient avoir pour tâche de tenir informés l'ensemble des élus de l'évolution des simulations. Jean-Pierre Raffarin en a fait la demande, Christine Lagarde répondant qu'elle est "tout à fait disposée" à la satisfaire.
Un amendement de Hervé Maurey (UC) adopté par la Haute Assemblée instaure "deux rendez-vous législatifs complémentaires" : "le premier en 2011, lorsque les collectivités territoriales auront pu constater concrètement les effets de la réforme" ; "le second au terme de la réforme des collectivités territoriales", c'est-à-dire après la promulgation de la loi qui précisera les compétences des collectivités et encadrera les cofinancements.

 

"Epée de Damoclès"

Pour Jean-Claude Frécon, sénateur PS de la Loire, "cette clause de revoyure, loin de rassurer les inquiétudes des élus, maintient une épée de Damoclès au-dessus des budgets locaux et plonge les collectivités dans une insécurité financière inacceptable qui ne leur permet aucune prévisibilité".
L'opposition a été tout aussi sévère sur le volet péréquation de la réforme, en estimant qu'"une impasse" est faite sur la question. On sait que sur ce chapitre, le rapporteur général compte beaucoup sur la mutualisation à l'échelle nationale des trois quarts des ressources de cotisation sur la valeur ajoutée des départements et des régions et sur leur redistribution en fonction de critères définis en lien avec leurs compétences. La péréquation sera aussi horizontale, à travers un fonds de péréquation des droits de mutation et la reconduction, sous une forme rénovée, des fonds de péréquation de la taxe professionnelle - dont les volumes, selon les termes d'un amendement de Philippe Dallier, devront être "au moins équivalents" à ceux d'aujourd'hui. A partir de 2015, les fonds de garanties individuelles assurant la compensation à l'euro près des collectivités viendront, en outre, alimenter la péréquation.
Au chapitre des compensations, on notera que la dotation de compensation "devrait rester extérieure à l'enveloppe [normée des dotations]" - comme l'a indiqué Christine Lagarde - et que le dispositif de compensation de perte de base de taxe professionnelle sera remplacé à partir de 2012 par une compensation des pertes de base de contribution économique territoriale.
Ces diverses dispositions, ainsi que les annonces de la ministre contribueront-elles à rassurer les élus locaux ? L'objectif était ce week-end dans la tête des sénateurs. Notamment lorsqu'ils ont adopté un amendement de Michel Charasse repoussant au 15 avril la date limite de vote des budgets et des taux des collectivités territoriales - et ce, en 2010 et en 2011.

 

Thomas Beurey / Projets publics