Archives

Suppression de la TP - Ressources des collectivités : le Sénat s'emploie à rendre la réforme "plus vendable"

Après s'être penché sur la phase transitoire de 2010, le Sénat doit préciser la répartition des ressources fiscales affectées aux collectivités à compter de 2011 suite à la suppression de la taxe professionnelle. Les amendements adoptés en commission des finances bouleversent le texte. Et mettent l'Etat à contribution par un mécanisme de dégrèvement.

L'architecture du système qui va remplacer la taxe professionnelle se précise. Le 2 décembre, la commission des finances du Sénat a adopté les trois amendements de son rapporteur général, qui seront débattus le 5 décembre dans le cadre de la seconde partie du projet de loi de finances (tous trois sont à télécharger ci-contre).
Pour Philippe Marini, il s'agit de définir de la manière la plus précise possible le mode de répartition des nouvelles ressources fiscales qui seront affectées aux collectivités locales à compter de 2011. Un challenge particulièrement redoutable, compte tenu des nombreux clivages que suscite cette question au sein de la "maison commune des collectivités locales". Pour trouver une solution, il a dû proposer un schéma profondément modifié, comme Localtis l'indiquait déjà dans son édition du 1er décembre (lire notre article). Il n'est toutefois pas certain que le gouvernement donne son aval à cette mesure, indique un sénateur. Un avis que le rapporteur général du budget s'emploi à contrecarrer : "Je ne vois aucun motif d'opposition à cette méthode" élaborée "en lien étroit avec les groupes de la majorité". "Nous sommes parfaitement en phase avec l'objectif du gouvernement", soutient de même de son côté Jean Arthuis, le président de la commission des finances.
La commission propose que les entreprises soient soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée à partir d'un chiffre d'affaires de plus de 152.500 euros (contre le seuil de 500.000 euros dans le texte issu de l'Assemblée). Mais que les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 152.500 et 500.000 euros bénéficient d'un dégrèvement intégral de cette taxe, dégrèvement pris en charge par l'Etat. Ces entreprises ne paieront donc pas de cotisation. Le produit global de cette nouvelle fiscalité passera de 11 milliards d'euros à 15 milliards. Les principaux avantages de ce mécanisme ? Les recettes des collectivités seront calculées en appliquant à leurs bases un taux unique de 1,5%. Sans changer le barème d'imposition des entreprises, les sénateurs font donc disparaître les difficultés qui découlent de sa progressivité et que redoutaient les maires et présidents de communautés. En outre, "cela améliore le ratio d'autonomie financière des collectivités, ce qui est plus conforme à la Constitution", ajoute Philippe Marini, soulignant que la compensation des communes sera ainsi assurée quasiment entièrement par des ressources fiscales.
La répartition du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée serait modifiée, les communes et les groupements obtenant une part de 26,5%. Les parts affectées aux départements et aux régions s'élèveraient respectivement à 48,5% et 25%. Les départements qui, dans le projet de loi voté par les députés, obtenaient une part de 55%, recevront en compensation la part régionale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (740 millions d'euros) et la moitié de la nouvelle imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer énergie, pour 250 millions d'euros). De ce fait, les départements auraient une capacité plus importante de voter les taux.

 

Garantie des ressources... jusqu'en 2015

La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises que toucheront les communes et les intercommunalités sera entièrement fonction de la valeur ajoutée des entreprises de leur territoire. Les trois quarts du produit de la cotisation devant revenir aux départements seront, eux, mutualisés au niveau national et répartis en fonction de critères "définis en lien avec les compétences qu'ils exercent". Il en sera de même pour les régions.
Les collectivités seront assurées de disposer en 2011 des mêmes ressources qu'avant la réforme. Un amendement portant sur les compensations qui leurs seront attribuées crée en effet trois dotations de compensations pour chacun des trois niveaux de collectivités. Le dispositif est complété par trois fonds nationaux de garantie individuelle des ressources. "Ces fonds perçoivent les gains des collectivités gagnantes à l'issue de la réforme et les reversent aux collectivités perdantes, permettant ainsi une compensation à l'euro près des pertes résultant de cette réforme", est-il précisé.
Ces fonds ne figeront pas éternellement la situation actuelle, puisqu'à compter de 2015, ils se transformeront progressivement en "fonds de péréquation en lien avec la réalité économique des territoires". L'année 2015 n'a pas été choisie au hasard : "Nous donnons de la visibilité aux élus dont le mandat court jusqu'en 2014", relève Philippe Marini. Dès 2011, des "systèmes de péréquation des ressources des communes et des établissements publics de coopération intercommunale" prendront le relais des fonds de péréquation de la taxe professionnelle. A partir de 2016, ils seront notamment alimentés par la réduction des fonds de garantie. Enfin, un "fonds de péréquation des droits d'enregistrement départementaux" verra le jour.
Ces différents mécanismes n'ont pas rassuré tous les sénateurs sensibles à la question de la péréquation, note l'un d'eux, qui les juge trop peu détaillés. "Le principal effet péréquateur de la réforme proviendra du jeu de la répartition entre les départements et les régions", répond le rapporteur général.
La commission a aussi voté une clause de revoyure prévoyant que le Parlement, sur la base de simulations remises par le gouvernement, adaptera la répartition des ressources des collectivités avant le 31 juillet 2010. Ce dispositif avait été décidé pour apaiser l'inquiétude de certains sénateurs de la majorité. "L'amendement n'a pas fait l'unanimité chez les sénateurs de la majorité, car les principes [de la clause de revoyure] ne sont finalement pas très clairs", affirme un sénateur de l'opposition. Philippe Marini, lui, présente les choses en ces termes : "C'est d'abord un dispositif de transition pour 2010. Pour la suite, c'est un dispositif opérationnel détaillé qui doit permettre à chaque niveau de collectivités - et, même, à chaque collectivité - de déterminer, avec les simulations qui seront établies, ce que sera sa situation post-réforme. C'est donc un texte qui est totalement opérationnel. Mais l'année 2010 est probatoire, un grand nombre de simulations est encore nécessaire."
Conclusion du rapporteur général : "La réforme ne sera pas le brûlot que l'opposition prédit. Et pour ce qui est de la majorité, beaucoup de nos collègues qui étaient assez réticents ont considéré qu'il s'agit d'un net progrès. La réforme est devenue plus lisible, plus vendable."

 

Thomas Beurey / Projets publics