Le Sénat veut ranimer la concurrence sur le marché de l'assurance des collectivités
Saisine de l'Autorité de la concurrence, extension des pouvoirs du médiateur de l'assurance, développement des franchises… la mission de la commission des finances du Sénat sur les difficultés des collectivités en matière d'assurance vient de dévoiler 15 propositions, dans le but de "garantir une solution d'assurance" à toutes les collectivités. Elle part du constat que le marché est aujourd'hui atrophié.
Résiliations unilatérales et non justifiées, cotisations et franchises en hausse voire impossibilité de trouver un assureur : la commission des finances du Sénat a dressé le 28 mars un bilan inquiétant des difficultés rencontrées par les collectivités locales pour s'assurer, alors même que les risques climatiques augmentent.
Jean-François Husson (LR), rapporteur de la mission d'information qui a planché sur le sujet, a confirmé lors d'une conférence de presse que les difficultés assurantielles des collectivités sont d'"ampleur".
Selon une consultation réalisée en février par la chambre des territoires, 60% des 713 répondants ont rencontré "au moins un problème important avec leur assureur". Depuis le 1er janvier 2023, 20% ont vu leur contrat résilié à l'initiative de leur assureur, avec un préavis "d'un à deux mois dans 11% des cas". Près d'un tiers ont également vu leur contrat faire l'objet d'un avenant, assorti pour 94% d'entre elles d'une hausse de cotisation.
Ces difficultés touchent toutes les collectivités, rurales ou urbaines, même si les communes de plus de 5.000 habitants sont davantage frappées. Ces dernières disposent de davantage d'équipements et présentent donc plus de risques pour les assureurs, par ailleurs échaudés par les émeutes de l'été dernier.
Guerre des prix
Le problème trouve son origine "uniquement" dans "le comportement" des assureurs, selon Jean-François Husson, qui a dédouané entièrement "les collectivités". "Sans concurrence", ces dernières "se retrouvent dans une forme d'impasse, totalement soumises aux décisions de leur assureur, voire à l'absence d'assureur, sans jamais pouvoir se tourner vers un concurrent, quand bien même elles seraient mécontentes".
En raison d'une concurrence sans merci entre les opérateurs, le montant des primes a paradoxalement "fortement diminué entre 2017 et 2022", alors même que la sinistralité augmentait. Une situation qui a fait fuir la plupart des acteurs. Seule la Smacl, qui a dû s'adosser à la Maif fin 2021, est demeurée, ainsi que Groupama pour les communes de moins de 10.000 habitants.
Or, si rien n'est fait, les relations entre les collectivités et les assureurs vont encore se tendre. Les risques vont en effet augmenter, et donc aussi les indemnisations. Celles qui sont versées au total en France pourraient atteindre 143 milliards d'euros entre 2020 et 2050, contre 74 milliards d'euros sur la période 1989-2019.
Médiateur de l'assurance
Forts de cette analyse, les sénateurs formulent 15 recommandations, se tournant en premier lieu vers l'Autorité de la concurrence, qu'ils ont déjà saisie. Charge à elle "d'analyser les principales évolutions de la structure et de la dynamique concurrentielle du secteur depuis 2010" et "de proposer les modalités à même de garantir le bon fonctionnement du marché".
Deuxième proposition de la mission, présentée comme une "urgence": "l'extension des compétences du médiateur de l'assurance pour garantir une solution d'assurance aux collectivités" sans couverture. "Le médiateur doit être chargé d’une obligation de moyens", estiment les sénateurs.
Ils demandent aussi aux collectivités d'améliorer la connaissance de leur patrimoine à assurer, pour coller au plus près des besoins et réduire les coûts. Les progrès dans le domaine peuvent être sensibles, puisque 30% des collectivités répondantes déclarent ne pas disposer d'un inventaire précis de leur patrimoine.
Résiliation : encadrer les pratiques
La mission souhaite également que les assureurs respectent un délai minimal de six mois (contre deux mois actuellement) en cas de résiliation unilatérale à leur initiative, avec justification obligatoire du motif de la résiliation. Elle recommande par ailleurs le développement de la pratique des franchises, qui aurait pour effet de "recentrer les contrats d'assurance sur les risques majeurs", avec à la clé "une meilleure indemnisation de ces derniers" et une incitation à développer les actions de prévention.
S'agissant des procédures d'appels d'offres utilisées pour trouver un assureur, une sécurisation juridique et "un travail de pédagogie et d’accompagnement des acheteurs" sont nécessaires, selon les sénateurs. Qui apportent leur pierre à l'édifice, puisque la Haute Assemblée a réalisé un guide pratique pour la passation des marchés d'assurance, rappelant les étapes à suivre dans ce domaine.
Une mission gouvernementale menée notamment par le maire de Vesoul, Alain Chrétien, doit remettre très prochainement ses propres conclusions sur le sujet des assurances des collectivités. "On n'est pas là pour se faire de la concurrence", mais pour "chercher ensemble la meilleure solution possible", a commenté Jean-François Husson. On notera en outre que le gouvernement a rendu public ce 2 avril un autre rapport sur les assurances, quant à lui consacré à l'adaptation du système assurantiel face à l'évolution du risque climatique (voir noitre article de ce jour).