PLF 2018 - Le Sénat s'inquiète de la baisse des crédits en faveur du logement outre-mer
Déséquilibre structurel entre offre et demande de logements sociaux, habitat insalubre... l'élue réunionnaise Nassimah Dindar pointe, dans un rapport budgétaire, les conséquences de la baisse des crédits de paiement - et donc la diminution de l'investissement - en faveur du logement en Outre-Mer.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, Nassimah Dindar, sénatrice (Union centriste) de la Réunion (et également présidente du conseil départemental), a rendu son rapport pour avis, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur les crédits de la mission Outre-Mer. S'il s'intéresse bien sûr à d'autres aspects - en expliquant au passage que "plusieurs territoires d'outre-mer constituent de véritables poudrières" -, le rapport s'attarde notamment sur la question récurrente du logement outre-mer (voir nos articles ci-dessous).
La persistance d'un habitat insalubre
Sur les crédits de l'action "Logement", la sénatrice s'inquiète en particulier d'"une sous-exécution préoccupante au cours des dernières années" et d'"une diminution inquiétante du niveau des autorisations d'engagement". Reprenant des rapports précédents sur le même sujet, elle pointe en particulier le déséquilibre structurel existant entre l'offre et la demande de logements sociaux, qui atteint "des niveaux insoutenables", comme à Mayotte. Elle souligne aussi la permanence d'un habitat très insalubre, "extrêmement éloigné des standards hexagonaux".
Selon le rapport, c'est la loi de finances initiales pour 2015 qui a initié ce cycle, avec une stagnation des crédits de paiement (CP). Si les autorisations d'engagement (AE) se sont stabilisées entre 2015 et 2017 autour de 247 millions d'euros, les CP ont connu en revanche une baisse continue (-4% en 2016 et -1% en 2017). Cette baisse des CP devrait se poursuivre en 2018 (-1,6%), mais doublée cette fois-ci d'une "réduction notable" des AE, en baisse de 20 millions d'euros par rapport aux années précédentes (-8,1%).
Des chiffres qui s'éloignent de la loi Erom
Le rapport estime que "cette diminution de l'investissement en faveur du logement constitue un très mauvais signal - qui plus est dans le contexte d'augmentation des coûts de construction". Selon les réponses recueillies auprès des ministères dans le cadre du questionnaire budgétaire (5.870 logements locatifs sociaux et très sociaux construits en 2018 et 3.550 opérations de réhabilitation du parc existant programmées), les prévisions sont très loin des objectifs fixés par la loi Erom du 28 février 2017 (loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique). Son article 3 prévoit en effet que "la République s'assigne pour objectif la construction de 150.000 logements dans les outre-mer au cours des dix années suivant la promulgation de la présente loi".
Une "décroissance marquée" depuis 2012
Au final, le nombre de logements financés au travers des différents dispositifs de la LBU (ligne budgétaire unique) a connu une "décroissance marquée" ces dernières années, passant de 13.489 logements en 2012 à 9.557 logements en 2016 (-29%) . En outre, le nombre de réalisations effectives est, depuis 2014, systématiquement inférieur à celui initialement prévu en projet de loi de finances, avec des taux de réalisation oscillant entre 77% en 2015 et 90% en 2016.
Selon les explications recueillies par la rapporteure pour avis, "ce décalage s'expliquerait principalement par des difficultés administratives (difficultés de mise en oeuvre des dispositifs fiscaux, d'harmonisation des pièces justificatives, problèmes liés aux délais des procédures d'instruction et de délivrance des agréments pour l'aide fiscale), par la situation financière fragile de certains opérateurs de logements sociaux, ainsi que la rareté du foncier et par les coûts élevés de construction". Une sous-consommation chronique qui permet de justifier le rebasage à la baisse des crédits en loi de finances initiale.