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PLF 2012 - Le Sénat pointe les dysfonctionnements de Dublin II, Claude Guéant annonce une réforme du droit d'asile

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2012 (PLF), Jean-Pierre Sueur, député (PS) du Loiret, a remis son rapport sur les crédits de la mission Asile. Celui-ci s'attarde notamment sur les dysfonctionnements du dispositif Dublin II, autrement dit le règlement (CE) n°343/2003 du Conseil du 18 février 2003 qui détermine l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile afin de limiter le risque de demandes multiples. L'accord prévoit que l'Etat responsable du traitement est celui qui a délivré au demandeur un titre de séjour ou un visa toujours en cours de validité, ou dont le demandeur a franchi irrégulièrement les frontières, ou encore l'Etat où réside un membre de la famille du demandeur en qualité de réfugié ou de demandeur d'asile. L'enjeu est loin d'être négligeable, puisque la France a procédé, en 2010, à 883 transferts sortants (personnes entrées illégalement par un autre Etat membre et ayant rejoint la France) et à 986 réadmissions (personnes entrées illégalement en France et ayant rejoint un autre Etat membre).
Sur un plan pratique, Dublin II s'appuie sur la base de données Eurodac, qui recense les empreintes digitales des demandeurs d'asile aux fins d'identification. Malgré les demandes répétées de la Commission - dont une lettre conjointe de la Commission et de la présidence hongroise de l'Union, le 9 juin dernier -, les Etats membres ont toujours refusé que les services de police et de gendarmerie aient un accès direct à cette base. Le rapporteur indique d'ailleurs que la "commission des lois sera vigilante face à ce risque de détournement des finalités de ce fichier".

Un blocage institutionnel

Au-delà de cette question récurrente, le bon fonctionnement de Dublin II suppose une implication et une réactivité identiques de tous les Etats. Or, en matière d'asile, le problème vient... de la Grèce. Celle-ci est en effet confrontée à un afflux sans précédent de demandes d'asile et d'entrées illégales. Le directeur exécutif de Frontex estime ainsi qu'environ 90% des migrants illégaux arrivant dans l'espace Schengen entrent par la frontière gréco-turque. Mais, dans un arrêt du 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que le fonctionnement actuel du système d'asile grec était contraire aux articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit au recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'homme. La France a donc suspendu temporairement les transferts vers la Grèce des demandeurs d'asile entrés initialement par ce pays et ayant ensuite rejoint la France. Face à cette situation, la Commission a proposé, dans le cadre de la négociation du "paquet asile", d'introduire une possibilité de suspension temporaire, dans des circonstances exceptionnelles, du mécanisme Dublin II pour ce qui concerne les transferts de demandeurs d'asile vers un Etat membre dont le système d'accueil est défaillant. Cette disposition s'appliquerait à la Grèce, mais aussi à des Etats trop petits pour faire face, seuls, à un afflux de demandeurs d'asile (cas de Malte, notamment). La France et d'autres Etats membres se sont cependant déclarés hostiles à une telle solution - contraire au principe prévoyant que chaque Etat est responsable du contrôle de ses frontières extérieures - et prônent plutôt des mesures de solidarité financière. Conséquence : la situation est aujourd'hui bloquée, alors que la pression aux frontières continue d'augmenter.

Vers une introduction du "délai raisonnable"

Le dossier semble toutefois s'accélérer avec l'annonce par Claude Guéant, le 25 novembre, d'une réforme du droit d'asile. Lors d'une rencontre avec des journalistes, le ministre de l'Intérieur a ainsi affirmé que "notre système d'asile est en danger parce que le dispositif est utilisé pour pénétrer et se maintenir dans notre pays". La hausse constatée récemment - 47.686 demandes en 2009, 52.762 en 2010 et autour de 60.000 cette année - serait due à "des demandes infondées de plus en plus nombreuses". Quelles qu'en soient les raisons effectives, la France est aujourd'hui la première destination en Europe pour les demandeurs d'asile et la seconde dans le monde, derrière les Etats-Unis. Cette situation se traduit par un allongement des délais de traitement des dossiers, par une forte hausse des dépenses budgétaires et par une saturation du dispositif d'accueil spécialisé, qui conduit à une occupation de structures normalement dédiées aux sans-abri pendant l'hiver. Le gouvernement entend donc étendre la liste des pays considérés comme sûrs et n'ouvrant donc pas droit à un accueil au titre de l'asile - en y ajoutant notamment l'Arménie, la Moldavie, le Monténégro et le Bangladesh (premier pays d'origine des demandeurs). Il veut aussi réduire le budget consacré à l'asile. Le ministre de l'Intérieur estime en effet que "la modération des dépenses publiques s'impose aussi à notre politique d'asile". Si elle se confirme, cette orientation pourrait toutefois peser sur les départements, qui devraient alors prendre en charge, au titre de la protection de l'enfance, les familles restées à la porte des centres d'accueil de demandeurs d'asile (Cada)...
Par ailleurs, Claude Guéant a indiqué que le gouvernement souhaitait introduire en droit français la notion de "délai raisonnable" de dépôt d'une demande d'asile, déjà utilisée en Grande-Bretagne. Il a évoqué un délai de 90 jours, en rappelant que ce délai - entre l'arrivée sur le territoire et le dépôt de la demande d'asile - est de trois jours outre-Manche.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : projet de loi de finances pour 2012, rapport, fait au nom de la commission des lois, par Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret, sur les crédits de la mission "Asile" (PLF 2012, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 16 novembre 2011 et examiné par le Sénat du 17 novembre au 6 décembre 2011).