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Hébergement - Le Sénat sévère sur la gestion de l'hébergement des demandeurs d'asile

Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier - respectivement sénateurs des Hautes-Alpes et de la Seine-Saint-Denis et rapporteurs spéciaux des missions "Immigration, asile et intégration" et "Ville et logement" - ont présenté, le 8 juin, à la commission des finances du Sénat, une communication sur l'hébergement des demandeurs d'asile et son financement. Cette communication précède la publication, la semaine prochaine, d'un rapport d'information sur le sujet.
Les deux rapporteurs pointent notamment les difficultés croissantes de l'hébergement des demandeurs d'asile, qui "connaît une acuité particulière en raison de la forte augmentation, ces dernières années, du flux de la demande d'asile en France". Cette tendance, déjà à l'oeuvre depuis quelques années, "se poursuit en 2011 et pourrait être entretenue par le climat de tensions dans certaines parties du monde". La conséquence en est la "mise sous pression" des structures d'hébergement chargées de les prendre en charge pendant la durée de l'instruction de leurs dossiers. La création de places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) a pourtant fortement progressé entre 2001 et 2005, passant de 5.282 à 17.470 places (+ 231%). En revanche, entre 2006 et 2010, cette progression n'a été que de 23%, soit 3.940 places supplémentaires. Or, durant ces cinq années, le nombre de demandeurs d'asile a continué de croître : +20% en 2008, +12% en 2009 et +10,6% l'an dernier (voir notre article ci-contre du 8 avril 2011). Faute de places suffisantes en Cada, une partie de l'accueil des demandeurs d'asile est donc reportée sur les structures généralistes de l'hébergement d'urgence. Celui-ci - qui a également connu une forte croissance de ses capacités sous l'effet du plan d'action renforcé pour les sans abri (Parsa), décidé par le gouvernement le 8 janvier 2007 - offre une capacité d'environ 70.000 places (hors places hiver, résidences sociales et maisons relais) : 9.442 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), 13.487 en centres d'hébergement d'urgence (CHU), 4.048 en centres de stabilisation (hors CHRS) et environ 13.025 places dans les hôtels... Mais la prise en charge de demandeurs d'asile qui ne peuvent être accueillis dans les Cada pèse sur la mission première de ce dispositif.

Des difficultés structurelles

Au-delà de la question des capacités, les rapporteurs soulignent également d'autres difficultés, de nature structurelle. Ils dénoncent notamment l'absence d'harmonisation dans le mode de gestion et de financement des différentes Cada, mais aussi l'absence d'unité de gestion entre les Cada, d'une part, et l'hébergement d'urgence, d'autre part, qui "nuit à l'efficacité du dispositif global d'hébergement". Le partage de fait de la responsabilité du dispositif d'hébergement entre deux missions budgétaires ne favorise pas non plus une bonne gestion, "du fait du cloisonnement des objectifs et des budgets". Les rapporteurs relèvent aussi "les lacunes très importantes s'agissant de la connaissance des parcs comme de leur occupation et une absence quasi totale de coordination entre les administrations concernées". Enfin, dans un communiqué, la commission des finances du Sénat regrette "que les crédits liés à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile fassent régulièrement l'objet de sous-budgétisations". Ainsi, "en 2010, 117,3 millions d'euros ont dû être ajoutés en cours d'exercice aux 239 millions d'euros inscrits initialement".
Face à cette situation, les deux rapporteurs formulent un certain nombre de recommandations. Les principales concernent la reprise du mouvement d'augmentation de la capacité des Cada, l'amélioration des délais de décision sur les demandes d'asile ou la mise en place de référentiels de coûts de gestion. Elles portent aussi sur l'unification - ou au moins la coordination - de la gestion des différents dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile, "afin de garantir une optimisation des places disponibles, notamment par une territorialisation intelligente des centres". Les rapporteurs rappellent notamment que l'Ile-de-France concentre 45% des demandes d'asile mais seulement 16,5% des places de Cada.

Jean-Noël Escudié / PCA

Référence : Sénat, commission des finances, communication et rapport d'information sur l'hébergement des demandeurs d'asile et son financement.