Archives

Economie sociale et solidaire - Le RTES fête ses dix ans, entre réelles avancées et déceptions

Le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) a fêté ses dix ans d'existence le 7 décembre. Fier des avancées réalisées en matière de reconnaissance de l'économie sociale et solidaire, le réseau a toutefois fait part de ses déceptions concernant la future loi de décentralisation, qui n'évoque pas l'ESS, et du CICE, qui ne va pas concerner les associations. Il place en revanche de grands espoirs dans la loi-cadre sur l'ESS qui est en préparation.

Le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES) a fêté ses dix ans le 7 décembre 2012. Un anniversaire qui coïncide avec de nouvelles avancées pour le secteur : la présence au gouvernement d'un ministre délégué et une loi-cadre en préparation. Le réseau, qui a pour rôle de défendre et de faire la promotion de l'ESS, réunit de nombreuses collectivités, surtout des villes et agglomérations, des conseils généraux et conseils régionaux, mais aussi des collectivités de plus petite taille. En dix ans, il a organisé plus de trente journées nationales d'échange et de formation et a contribué aux états généraux de l'ESS organisés en juin 2011.
Si la promotion de l'économie sociale est une priorité du gouvernement, "il existe des marges de progrès pour que l'ESS soit reconnue comme une économie à part entière", a expliqué Christiane Bouchart, présidente du RTES, à l'occasion de ce dixième anniversaire organisé à l'Académie Fratellini. Quelques déceptions sont venues refroidir l'enthousiasme général, comme l'absence de l'ESS dans la future loi de décentralisation. "On y voit bien les pôles de compétitivité et l'innovation mais pas l'ESS, a souligné la présidente, il reste du travail." Autre déception : l'impossibilité pour les associations de profiter du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), les députés ayant voté en ce sens le 4 décembre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012. Un point sur lequel le réseau compte interpeller le gouvernement et les sénateurs qui vont bientôt examiner le texte, et qui est aussi revendiqué par d'autres structures (voir notre encadré ci-dessous). "Il est vrai que l'augmentation du plafond d'abattement de taxes qui a été également décidée n'est pas une mesure ridicule car elle va concerner plus de la moitié des associations. Mais le vrai souci, ce sont les grosses structures, notamment dans le secteur sanitaire et social, et le secteur de la petite enfance, qui ne pourront pas profiter de ce crédit d'impôt ni de la hausse du plafond d'abattement. Cela réinterroge le modèle car elles sont extrêmement perdantes. On estime ainsi à un million d'euros la perte pour la Croix Rouge. Nous avons interpellé le gouvernement le 6 décembre afin de trouver une solution pour qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence entre ces structures et les entreprises privées du même secteur."

La loi-cadre sur l'ESS, "une chance historique"

Le réseau met toutefois en avant de nettes avancées en matière d'ESS ces dix dernières années : de plans locaux de développement, les collectivités se sont progressivement orientées vers des plans pluriannuels qui se sont développés dans les politiques régionales. "Ils se sont intégrés de façon de plus en plus forte dans les schémas régionaux de développement économique (SRDE). C'est l'une des révolutions importantes de ces dernières années", précise Christiane Bouchart. A titre d'exemple, la région Ile-de-France a récemment voté une délibération cadre sur l'ESS, qui va remplacer celle votée en 2005. Elle donne plus de poids et de financements à cette économie, et notamment à l'innovation sociale. "Il va y avoir des appels à projets sur l'innovation sociale, avec des aides à la clé d'un montant compris entre 30.000 et 60.000 euros par projet", explique à Localtis Jean-Paul Planchou, vice-président en charge du développement économique à la région Ile-de-France.
La nouvelle politique soutiendra et accompagnera aussi davantage les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE). Plus globalement, le RTES place de grands espoirs dans la future loi cadre sur l'ESS qui doit être présentée au printemps 2013. "C'est une chance historique", a estimé Christiane Bouchart. D'après les informations du réseau qui participe à l'élaboration de la loi, celle-ci devrait s'orienter vers un agrément des entreprises sociales, et non un nouveau label, ou plutôt vers "un toilettage de l'agrément qui existe déjà pour pouvoir l'ouvrir à l'ensemble des entreprises sociales et solidaires". Un agrément "entreprise solidaire" a en effet été créé dans le cadre de la loi du 19 février 2001 sur l'épargne salariale, qui a été redéfini par la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008. Il permet aux entreprises éligibles de bénéficier de fonds solidaires gérés par des sociétés spécialisées dans l'épargne salariale. Un tel agrément revisité pour concerner toutes les entreprises de l'ESS faciliterait leur quête de financement, notamment auprès de la future Banque publique d'investissement, qui va consacrer 500 millions à l'ESS.

Emilie Zapalski


A qui profite le Cice ?
La Conférence permanente des coordinations associations (CPCA) a elle aussi réagi à la décision des députés prises le 4 décembre 2012 dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative 2012 de ne pas ouvrir le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) aux organismes non lucratifs qui ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. Ce crédit d'impôt va être en effet réservé aux entreprises commerciales. Pour que les associations ne soient pas défavorisées, une augmentation du plafonnement de l'abattement de taxe sur les salaires a été décidée. "Cette mesure n'est pas ridicule, car elle va concerner 40.000 associations employeurs d'après les chiffres du Budget, soit les plus petites associations mais le vrai souci ce sont les gros employeurs, comme les cliniques associatives ou les structures pour les personnes âgées, car ils sont en concurrence avec des entreprises lucratives", signale ainsi Béatrice Delpech, déléguée générale de la CPCA à Localtis. La volonté de la CPCA : que les sénateurs, qui vont prochainement examiner le texte, rectifient le tir. "Il est sûr que cela coûte cher, la mesure étant estimée à 1,5 milliard d'euros, détaille Béatrice Delpech, mais on représente quand même 10% de l'emploi dans ce pays ! Nous ne réclamons pas de favoritisme mais un traitement équitable."
E.Z.