Le réseau France services "participe à la réduction des fractures territoriales", estime la Cour des comptes
Depuis 2019, le programme France services, fort de ses 2.840 espaces, "participe à la réduction des fractures territoriales", estime la Cour des comptes. Les magistrats financiers appellent cependant les porteurs du programme - l'ANCT et les opérateurs de service public - à "clarifier" leurs orientations stratégiques pour l'avenir. Ils recommandent en particulier de mieux prendre en compte les "spécificités" du territoire dans lequel un espace France services est implanté.
Une fois n'est pas coutume : alors que les travaux de la Cour des comptes sont plutôt connus pour "étriller" et "épingler", le dernier rapport consacré aux maisons France services, publié ce mercredi 4 septembre 2024, se révèle élogieux. L'institution salue le déploiement réussi des maisons France services depuis 2019 tout en appelant à "clarifier la stratégie du programme pour assurer sa pérennité". Cinq ans après le lancement du programme, en réponse notamment à la crise des "gilets jaunes", le réseau France services, destiné à aider les usagers les plus éloignés des services publics à réaliser certaines démarches administratives, compte "plus de 2.840 espaces" (antennes comprises) répartis sur le territoire. Ajoutons que près de 100% des espaces se situent à moins de 30 minutes de transport pour les usagers. Le pilotage des France services est assuré par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; la Banque des Territoires quant à elle subventionne l'animation du réseau France services, les outils numériques - dont notamment la plateforme France services - et la formation.
Rappelons que France services repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.) et associe désormais 11 opérateurs nationaux (1) pour accompagner les usagers dans l'accomplissement en ligne de leurs démarches administratives. Demande de logement social, inscription à France Travail, déclaration de revenus... près de neuf millions de démarches ont été réalisées dans les espaces France services en 2023, contre un gros million en 2020. "La satisfaction des usagers dépasse les 90%", indique la Cour. Pierre Moscovici juge ainsi qu'"à travers France services, les usagers trouvent ou retrouvent la présence de l'État dans les territoires". "Une labellisation exigeante du réseau France services a permis de faire émerger une offre étoffée et une qualité de prise en charge homogène sur le territoire", estiment les magistrats financiers.
Mieux prendre en compte les "spécificités" du territoire
Le rapport apporte tout de même quelques bémols. Il invite ainsi à "clarifier" les "orientation stratégiques" du programme pour les prochaines années. Il recommande en particulier de mieux prendre en compte les "spécificités" du territoire dans lequel un espace France services est implanté, et de "parfaire (la) notoriété" du réseau, largement basée sur le bouche-à-oreille. "Le réseau France services gagnerait à mieux connaître les publics de chaque territoire ainsi que les évolutions de la présence de l'ensemble des services à la population", peut-on lire dans le rapport. Dans sa réponse à la Cour, le Premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, signale les "campagnes de communication nationales et locales" déployées par le gouvernement, ainsi que les "journées France services" ou les "bus France services", qui vont à la rencontre des usagers les plus isolés plutôt que d'attendre leur visite. Il insiste aussi sur l'ambition du gouvernement sortant d'atteindre 3.000 espaces France services "d'ici 2027".
Les conditions de réussite du programme dans la durée portent également sur "sa gouvernance, qui doit davantage coordonner les parties prenantes", selon le rapport. Les magistrats considèrent qu'au niveau national, "une meilleure coordination de l'action de l'ANCT serait nécessaire avec les ministères et les opérateurs, notamment en favorisant une plus grande synergie entre les réseaux des opérateurs et France services". Au niveau local, "le partenariat est à articuler davantage entre les espaces et les opérateurs de l'offre de services commune à l'ensemble du réseau".
Environ 350 millions d'euros" pour 2024
Sur le plan budgétaire, le coût du programme France services est évalué par la Cour des comptes à "environ 350 millions d'euros" pour 2024. L'État supporte un tiers de ce coût environ (113 millions d'euros) et s'est engagé à porter sa subvention à chaque espace France services de 35.000 euros en 2023 à 50.000 euros en 2026. Le reste du financement est supporté par les associations, collectivités et opérateurs de service public partenaires. Reste que ce financement étatique "ne tient pas compte des situations de saturation de certains espaces", regrette la Cour. Au sein de l'institution, on estime que 15 à 20% des espaces France services sont saturés, et 3 à 4% "sursaturés", notamment dans les quartiers prioritaires (QPV). Par conséquent, "une subvention forfaitaire supplémentaire apparaît nécessaire" pour les espaces qui réalisent plus de trois accompagnements d'usagers par heure et par agent, préconisent les magistrats financiers. Une telle rallonge, de l'ordre de quelques dizaines de milliers d'euros par espace, permettrait de recruter des conseillers supplémentaires.
Fidéliser les conseillers France services
Concernant les conseillers de France services, la Cour note qu'ils "réalisent efficacement un accompagnement individuel auprès d’usagers éloignés des pratiques numériques" mais "qu'ils ne peuvent, en revanche, rendre les personnes plus autonomes à l'égard de l'outil numérique sans l'appui des autres acteurs de l'inclusion numérique à l'échelle des départements".
Le rapport insiste aussi sur la nécessité de fidéliser les conseillers France services. À 15% des effectifs environ, selon des chiffres cités par Pierre Moscovici, le taux de rotation du personnel "est presque deux fois plus élevé que dans les collectivités locales (8,6% en 2020)". Parmi les facteurs d'explication, le premier président cite notamment "la précarité d'emplois recrutés en CDD, le manque d'attractivité salariale" ou "de perspectives professionnelles".
Dans sa réponse, Gabriel Attal assure avoir "doublé la durée" de la formation initiale et continue des conseillers. Un million d'euros a par ailleurs été investi "pour sécuriser les locaux des France services et donc leurs conseillers", ajoute Matignon.
(1) Allocations familiales, ANTS, Assurance retraite, Assurance maladie, Chèque énergie, Finances publiques, France Travail, France Rénov', La Poste, MSA et point-justice.