Bernard Delcros : "Je suis confiant dans la volonté du gouvernement à passer à l'Acte II des France services"
Le sénateur du Cantal Bernard Delcros a remis mardi 27 juin le rapport "France services, une nouvelle étape vers un service universel" au ministre Stanislas Guerini. Ce dernier a annoncé les arbitrages pris par son gouvernement concernant ce programme lancé en 2019 le même jour dans un entretien au journal La Croix : une augmentation progressive de la subvention allouée à chaque Maison France services de 35.000 euros à 50.000 euros en 2026 et l'arrivée de trois nouveaux services. Le sénateur fixe quant à lui un triple objectif : "il faut que 100% des habitants connaissent France services et puissent y accéder, que 100% des usagers qui se déplacent à France services repartent avec une solution et que 100% des maisons France services puissent être pérennisées".
Localtis - Quelle photographie peut-on faire du programme France services à ce jour ?
Bernard Delcros - Le programme a été lancé il y a trois ans, en 2019. Le nombre d’espaces France services labellisés a connu une forte croissance, passant de 460 structures en janvier 2020 à 2.561 en janvier 2023. Cette évolution a amélioré l’accessibilité aux services publics et la couverture territoriale. Je fais un bilan très positif des France services. Nous sommes dans une société dans laquelle les démarches dématérialisées sont de plus en plus complexes pour accéder à des services, des procédures et faire valoir ses droits. Ce qui laisse beaucoup d'habitants sur le bord du chemin. Les France services permettent de remettre des services publics dans les territoires mais surtout, on remet de l'humain au cœur du service aux usagers, ce qui est tout à fait indispensable. J'estime que cette première étape est réussie. Désormais, il faut passer à l'Acte II des France services avec un objectif simple mais réaliste. D'abord, il faut que 100% des habitants connaissent France services et puissent y accéder. Ensuite, il faut que 100% des usagers qui se déplacent à France services repartent avec une solution. Et enfin, que 100% des maisons France services, telles que nous les imaginons, puissent être pérennisées et cela pose la question des financements. C'est la nouvelle ambition que l'on propose dans ce rapport.
Vous avez remis votre rapport hier au ministre. Quelles ont été ses premières réactions ? Quelles évolutions le gouvernement est-il prêt à apporter ?
Ce rapport a fait l'objet d'un accueil très favorable de Stanislas Guerini. Cette mission nous avait été confiée par la Première ministre Elisabeth Borne. Je suis confiant dans la volonté du gouvernement à franchir ce nouveau cap pour les maisons France services et à mettre en œuvre l'essentiel de nos propositions. Stanislas Guerini vient d'ailleurs demain dans le Cantal pour annoncer les mesures du rapport qu'il souhaite mettre en œuvre rapidement. A Murat, la maison France services date d'il y a bientôt 20 ans et abrite aussi un tiers-lieux, un espace de coworking, une salle de visioconférence, un Falab. Nous avons appelé l'ensemble de ces démarches innovantes, "la Cocotte numérique". Elle est devenue un lieu de vie et d'animation dans lequel se retrouvent les neuf opérateurs historiques des France services (1) mais aussi de nombreux partenaires locaux.
Dans votre précédent rapport consacré à ce programme, vous formuliez 27 recommandations. Quels parallèles faire avec les 33 listées dans ce rapport ?
La différence entre le rapport que nous avons remis l'année dernière et celui d'hier est simple : celui de 2022 donnait des orientations, le dernier formule des propositions précises, factuelles et concrètes.
Quels sont les besoins encore non couverts par les France services ? Quel bouquet de services proposez-vous d’étendre ?
Nous proposons l'entrée de nouveaux opérateurs aux côtés des neufs opérateurs historiques dès 2024. C'est le cas du ministère de la Transition écologique et de l'Anah, de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem), du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous), de la Banque de France, de l'organisme qui traite des retraites complémentaires : l’Agirc Arcco. Puis à compter de 2025, nous proposons d'ouvrir encore le champ des opérateurs nationaux, par exemple au ministère de l’Education nationale et de la Jeunesse en vue d’une généralisation de la présence des points information jeunesse (PIJ) dans les France Services des communes non pourvues, aux chambres consulaires, aux acteurs du logement social, Ursaff, partenaires des Pimms Médiation…
Par ailleurs, aujourd'hui, plusieurs champs relevant des démarches du quotidien, et notamment des demandes d'aide concernant les aides dématérialisées liées la transition écologique et au logement, ne trouvent pas toujours réponse dans les espaces France services. C'est le cas, par exemple, pour les dispositifs d’aide aux particuliers qui nécessitent d’être demandés en ligne, tels que Ma Prime Rénov’, les primes délivrées au titre des certificats d’économie d’énergie (CEE), le crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’éco-prêt à taux zéro (éco PTZ), ou encore certaines aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). La complexité de ces démarches conduit de nombreux particuliers à renoncer au bénéfice de ces aides. La mission soutient que le programme France services devrait intégrer de nouveaux opérateurs, afin de couvrir ces besoins actuellement non couverts. Les procédures d’obtention ou de renouvellement de titres d’identité et de voyage ne bénéficient pas non plus d’un accompagnement systématique dans les communes dotées d'une France service et nous soutenons qu'elles devaient aussi en être pourvues.
Comment améliorer le métier de conseiller France services ?
Ce sont les conseillers France services qui font vivre au quotidien les maisons France services. Ce sont des métiers nouveaux. Aujourd'hui, ils sont appelés "agents d'accueil" et ils ne sont pas vraiment identifiés alors qu'ils sont la clé de la réussite. Nous pensons que leur rôle est tellement central qu'il faut mieux reconnaitre et mieux valoriser ces agents que l'on désignerait désormais "Conseillers France services". Nous proposons donc de créer une appellation officielle qui serait inscrite dans le répertoire des métiers communs de la fonction publique avec une fiche de poste dédiée. Il faut qu'ils soient mieux formés - formation initiale et continue - et qu'ils aient une rémunération à la hauteur de leur compétence.
Quelles propositions faites-vous afin de garantir la pérennité du programme ?
Il faut que ce programme dispose d'agents à la hauteur des enjeux de cette 2e phase. La stabilité des postes des agents est déterminante car il s'établit un lien de confiance avec les habitants. Pour pérenniser le programme, nous proposons que l'accord cadre national - qui lie les opérateurs et l'Etat - soit signé pour une durée de 5 ans et non pas de 3 ans, pour donner de la visibilité aux collectivités et aux porteurs des France services. Et il faut que le soutien financier, que nous proposons de rehausser, soit aussi assuré sur une période de 5 ans.
Justement, pouvez-vous nous rappeler de quels financements a jusqu’alors bénéficié le programme France services. Quelles évolutions suggérez-vous ?
Aujourd'hui et jusqu'à la fin 2022, la contribution était de 30.000 euros par structure, à laquelle il faut ajouter 5.000 voté par amendement du Sénat dans la loi de finances rectificative. Et ces 30.000 euros sont financés à parité entre l'Etat (15.000) et les 9 opérateurs (15.000). Nous proposons de passer dès 2024 à une dotation socle de 40.000 euros, toujours dans un système paritaire (20.000 de l'Etat et 20.000 des opérateurs) à laquelle on ajouterait 10.000 euros pour les communes situées en zones de revitalisation rurale (ZRR). Nous proposons enfin de porter la dotation socle à 50.000 euros, toujours augmentée de 10.000 euros en ZRR, à compter de 2025.
(1) La Poste, Pôle Emploi, la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse nationale d’assurance maladie, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la Mutualité sociale agricole, le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, le ministère de la Justice et la Direction générale des Finances publiques.
L'État annonce 3 nouveaux services et une augmentation progressive de la subvention allouée à chaque Maison de 35.000 euros à 50.000 euros en 2026Chèque énergie, MaPrimeRénov', MaPrimeAdapt': les Maisons France Services pourront bientôt accompagner les Français dans de nouvelles démarches administratives, et la subvention qui leur est allouée augmentera pour atteindre 50.000 euros en 2026, a annoncé Stanislas Guerini. "Nous allons enrichir l'offre de services", a indiqué le ministre de la Fonction publique dans un entretien publié mercredi 28 juin 2023 au journal La Croix. "L'Agence nationale de l'habitat entre au tour de table pour que France Services accompagne les démarches administratives autour de MaPrimeRénov' et MaPrimeAdapt'. Le chèque énergie mis en place par le ministère de la Transition énergétique pourra également être distribué par France Services", a ajouté Stanislas Guerini. Ces trois nouveaux services seront tous disponibles dès 2024 dans les 2.600 maisons France Services réparties sur le territoire, a détaillé le ministère. Autre annonce du ministre : la subvention allouée par l'État à chaque Maison passera progressivement de 35.000 euros, son montant actuel, à 50.000 euros en 2026. Chaque structure labellisée France Services percevra 40.000 euros en 2024 et 45.000 euros en 2025, a détaillé le ministre. Celles qui sont situées en zone de revitalisation rurale (ZRR) auront droit à une subvention supplémentaire de 5.000 euros. Le temps de formation des 4.000 conseillers dédiés, qui accompagnent déjà les Français dans leur demande de pensions de retraite ou leurs démarches fiscales, va également être doublé selon Stanislas Guerini, qui a fait de l'accessibilité des services publics une de ses trois priorités au ministère. |