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Tice - Le rapport Fourgous prône une agence nationale de l'éducation numérique

Après un premier rapport parlementaire publié en 2010 sur l'équipement numérique des écoles (lire notre article du 15 février 2010 ci-contre), Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines et maire d'Elancourt, présentait le 3 avril un second opus consacré à la pédagogie : "Apprendre autrement à l'ère numérique." Selon lui, l'adaptation du système éducatif français, et notamment celui de l'école primaire, est une priorité qui doit reposer sur la mise en oeuvre d'une politique nationale coordonnée avec les territoires. Il formule 25 propositions, notamment la création d'une agence nationale de l'éducation numérique, la poursuite de l'équipement des écoles en outils et ressources, et la mise en oeuvre d'un nouvel écosystème pour former les enseignants et les accompagner dans le changement.

Etat et collectivités associés au sein d'une agence ?

L'une des principales préconisations de Jean-Michel Fourgous porte sur le mode de gouvernance proposé pour mener le chantier des réformes. Le rapport entérine le principe d'une responsabilité partagée entre l'Etat et les territoires. Le chantier sera long et suppose que les moyens et les forces existantes au niveau national comme au niveau local soient utilisés de manière optimale. Une agence nationale de l'éducation numérique "Etat-collectivités" serait chargée de renforcer les politiques numériques éducatives et le partenariat avec les collectivités locales afin de rapprocher l'ambition nationale et la réalité des territoires. Sur le plan des moyens, plusieurs organismes comme le Centre national de documentation pédagogique (CNDP), le Centre national d'éducation à distance (Cned), le Centre international d'études pédagogiques (Ciep) et l'Institut français de l'éducation (IFE) pourraient être placés sous la coordination de l'agence "afin de faire émerger une science de l'éducation plus efficace". D'autres mesures au niveau régional suggèrent le renforcement de la coopération entre les universités, le secteur privé et chaque académie, notamment à travers la création d'espaces publics/privés de recherche-action de type "educ lab". Cette articulation entre niveau national et local fait d'ailleurs écho aux préconisations du Conseil national du numérique qui invite à une gestion plus cohérente des équipements et à un accompagnement renforcé des enseignants à partir d'une gouvernance régionale réunissant académies, collectivités et acteurs de la pédagogie.

Le numérique facteur d'égalité des chances

"L'équipement numérique a beaucoup progressé au cours de ces trois dernières années, aussi c'est l'adaptation de la pédagogie et son appropriation par les enseignants et les élèves qui nous motivent aujourd'hui", a expliqué Jean-Michel Fourgous lors de la présentation de son rapport. Le numérique favorise ceux qui savent tirer pleinement parti de ses avantages. La fracture numérique s'est en effet sensiblement déplacée. Aujourd'hui, 97% des familles d'enfants scolarisés ont accès à internet. Ce n'est donc plus l'accès qui est discriminant mais l'usage lui-même. D'où l'importance de l'école. En intégrant plus massivement le numérique dans la pédagogie pendant et hors du temps scolaire, elle peut contribuer à la réduction des inégalités culturelles et fonctionner comme un accélérateur de réussite scolaire. "Le fait d'apprendre à utiliser internet à bon escient démocratise l'accès à la connaissance", affirme Jean-Michel Fourgous.
L'analyse des études internationales confirme un changement assez radical des modèles pédagogiques qui font évoluer aussi la forme de l'enseignement. L'afflux considérable d'élèves (80% d'une classe d'âge) avait imposé depuis plusieurs décennies un modèle d'enseignement vertical qui tenait assez peu compte des capacités de chacun. Le numérique introduit une souplesse propice à l'individualisation de l'enseignement pendant le temps scolaire et il permet de l'élargir aussi hors du temps scolaire à travers des services pédagogiques à distance. La maîtrise du numérique étant devenue une condition nécessaire pour trouver un emploi, il est important que la pédagogie prépare aussi les élèves à une utilisation efficiente des outils notamment en renforçant leur autonomie d'apprentissage. L'école portée ainsi par de nouvelles obligations doit nécessairement se transformer.

Des ambassadeurs du numérique

Le renforcement du numérique repose sur la formation des enseignants. Et la remise à plat des dispositifs de formation et des réseaux d'accompagnement existants sur le numérique s'impose : rééquilibrage de la proportion pédagogie-discipline au sein de la formation des enseignants, modernisation du système d'avancement et de carrière vers l'incitation à innover, création de primes d'excellence pédagogique. Pour opérer la transformation à grande échelle, Jean-Michel Fourgous propose de compléter le dispositif, comme au Royaume-Uni et au Québec, par la création d'ambassadeurs numériques capables d'accompagner les professeurs dans l'évolution de leurs pratiques. Le métier de référent Tice (technologies de l'information et de la communication pour l'éducation) évoluerait vers celui d'ingénieur pédagogique chargé d'accompagner les enseignants dans la conception de leurs séquences de travail. L'école doit en second lieu évoluer physiquement et fonctionnellement. Le rapport avance quelques idées, comme "revisiter l'ergonomie des salles de classe dans une logique de plus grande flexibilité" ou encore transformer les centres de documentation des établissements en "learning centers" (sic) afin de renforcer les lieux de création, d'apprentissage, de ressources et de supports numériques.

Pas de solution de financement proposée dans l'immédiat

Ce rapport représente une base travail solide, utile et actualisée pour ceux qui s'intéressent à l'éducation. Il propose des comparaisons avec d'autres pays étrangers, se réfère à des études internationales et esquisse les évolutions profondes qui sont à l'oeuvre ou qu'il convient de préparer. L'importance d'un regroupement des forces en présence au niveau territorial est soulignée pour mutualiser certains moyens. Des clés sont proposées pour réduire les nouvelles formes de fractures numériques et les moyens de redonner à l'école une véritable fonction d'égalisation des chances. La seule faiblesse est d'aborder assez peu la question des solutions et de faire l'impasse sur les éventuelles pistes de financement de ces nouveaux dispositifs. Il serait en outre pertinent, en pleine période de réduction budgétaire, de s'intéresser plus fortement – comme cela a été suggéré – aux initiatives innovantes venant des pays émergents. Certains pays comme l'Inde ont mis au point des solutions à bas coûts ou à très bas coûts à la fois sur les équipements et sur la pédagogie qui gagneraient sans doute à être mieux étudiées en France.

Philippe Parmantier / EVS

Quatre outils pour l'usage du numérique en classe

Les équipements à l'école poursuivent leur évolution. Voici les quatre principaux et le type d'usage auxquels ils sont plutôt adaptés.
Le tableau numérique interactif fixe ou nomade permet de changer les pratiques traditionnelles en introduisant l'interactivité et les services en ligne. Il modifie l'organisation spatiale et fonctionnelle de la classe. L'outil est motivant, moins stressant et les élèves vont plus volontiers au tableau.
L'espace numérique de travail (ENT) permet à l'élève de retrouver à distance ses cours et ses exercices quels que soient le lieu et le moment. Les apprentissages deviennent nomades avec la possibilité de mettre une grande quantité de ressources. L'ENT facilite l'introduction d'un enseignement mixte, en classe et hors de la classe, ainsi qu'un meilleur suivi individualisé
Les tablettes tactiles et classes mobiles : l'arrivée des classes mobiles incluant une quinzaine d'ordinateurs ou de tablettes favorise la mise en place de nouvelles pratiques permettant d'alterner facilement travail collaboratif et apprentissage individualisé. Elles offrent désormais la possibilité de remplacer les livres imprimés lourds et encombrants dans certaines situations d'apprentissage.
La baladodiffusion et la visioconférence : des outils plutôt orientés sur l'apprentissage des langues et sur la communication orale. La baladodiffusion permet d'intégrer l'oral dans le travail personnel et de mettre en place un apprentissage hors des murs. L'enseignant peut proposer plus facilement des supports authentiques. La visioconférence permet à l'élève de parler avec un natif de la langue et  de se familiariser avec les accents et l'intonation.