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Le projet de loi Blanquer revu et corrigé par le Sénat

Les sénateurs doivent adopter solennellement ce mardi 21 mai 2019 leur version du projet de loi "pour une école de la confiance". L'examen du texte s'est achevé vendredi 17 mai, à l'issue de quatre jours de débats animés dans l'hémicycle au cours desquels 60 amendements ont été adoptés sur un texte sorti de commission déjà amendés sur 141 points. La date de la commission mixte paritaire n'est pas encore fixée.

Le Sénat a achevé vendredi 17 mai 2019 l’examen des articles du projet de loi Blanquer "pour une école de la confiance", à l'issue de quatre jours de débats animés dans l'hémicycle. 60 amendements ont été adoptés sur les 508 déposés (voir notre article ci-dessous du 13 mai 2019), pour un texte qui avait déjà largement été amendé en commission. Le résultat du scrutin public solennel sera proclamé mardi 21 mai en fin d'après-midi, après les explications de vote. La date de la réunion de la commission mixte paritaire n'est pas encore connue.
Certains amendements ont été adoptés avec l'accord du ministre, et il est peu probable qu'ils soient à nouveau débattus en CMP, ou lors d'une seconde lecture à l'Assemblée nationale. D'autres l'ont été contre l'avis du ministre, laissant supposer que les députés de la majorité LREM y reviendront.

Le point sur les dispositions qui intéressent de près les collectivités.

Allocations familiales – Les sénateurs ont voté la possibilité d'effectuer une retenue sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans quand ceux-ci sont absents de l'école de façon récurrente "sans motif légitime ni excuses valables". Une manière de rétablir les dispositions de la loi dite "Ciotti" du 28 septembre 2010, supprimée en 2013 qui se limitait, en cas d'absentéisme scolaire, à renforcer le dialogue parents-établissements et à prévoir un personnel référent (voir notre article du 18 janvier 2013 Absentéisme scolaire : la loi Ciotti est définitivement supprimée). Jean-Michel Blanquer estime que la responsabilisation des parents "doit être envisagée dans un contexte plus large". Il a annoncé une réflexion en cours sur la violence scolaire qui "aboutira avant la fin de cette année scolaire" et qui conduira "à l’adoption de mesures de responsabilisation des parents vis-à-vis de l’école".

Maintien des écoles rurales – Le code de l'éducation impose aujourd'hui que "la répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale" des élèves. Les sénateurs ont ajouté à la dimension "économique et sociale" la dimension territoriale.

Carte scolaire et proximité - Le texte issu de la commission prévoyait que "tout enfant doit pouvoir être accueilli, dès l’âge de l’instruction obligatoire, dans une école ou un établissement d’enseignement secondaire le plus près possible de son domicile". En séance, le rapporteur a estimé que cette disposition pourrait "gêner les décisions de carte scolaire prises par les collectivités territoriales" et Jean-Michel Blanquer a ajouté qu'il était "prêt à souscrire des engagements avec les collectivités territoriales pour atteindre autant que possible cet objectif".

Carte scolaire et mixité – Les sénateurs ont voté un amendement imposant l’intégration d’un critère de mixité sociale reposant sur le revenu médian des foyers fiscaux auxquels sont rattachés les élèves de l’établissement lors de toute nouvelle modification de la carte scolaire.  L'amendement a été adopté contre l'avis du ministre.

Drapeau – La devise de la République serait ajoutée à la liste des affichages (emblème national de la République française, drapeau tricolore, drapeau européen et paroles de l'hymne national) dans les salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat. Cette obligation devrait être maintenue dans le texte final. 

Carte de France – Les cartes de France affichée dans les salles de classe devront représenter les territoires français d'outre-mer. Cette obligation devrait aussi être maintenue dans le texte final.

Harcèlement – Le code de l'éducation devrait préciser que "Aucun élève ne doit subir, de la part d’autres élèves, des faits de harcèlement ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions d’apprentissage susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale". C'était un amendement gouvernemental.

Missions de l'école - Devraient être maintenues en CMP, parmi les missions de l'école, les références à l'éducation manuelle, à la biodiversité, au réchauffement climatique... Le ministre s'est en revanche montré hostile en séance à l'idée d’imposer que, dans les départements et les régions d'outre-mer, l’enseignement moral et civique à l’école fasse référence à l’histoire régionale.

Voiles en sorties scolaires – Les sénateurs ont voté une disposition qui étend aux parents accompagnateurs de sorties scolaires l'interdiction de signes ostentatoires d'appartenance religieuse. Le ministre s'est montré défavorable à cette disposition, qui aurait donc une forte probabilité de disparaître dans le texte final. Il est en revanche favorable à la disposition qui étend aux "abords immédiats" des établissements scolaires l'interdiction "des propos et agissements visant à exercer une influence sur les croyances ou l’absence de croyances des élèves".

Sport quotidien – Les sénateurs ont voté l'obligation de pratiquer tous les jours des activités physiques et sportives au sein des établissements du premier degré, malgré un avis défavorable de Jean-Michel Blanquer : "On ne peut qu'être d'accord avec cet amendement sur le fond. Néanmoins, ne soyons pas trop injonctifs au risque d'être contreproductifs." (voir aussi notre article du 17 mai 2019 "Vers une pratique sportive quotidienne obligatoire ?")

Inscription - Le ministre devrait demander que soit rétablie l'obligation pour le Dasen (Directeur académique des services de l'Éducation nationale) d'inscrire les enfants que le maire aurait refusé d'inscrire "sur la liste scolaire", "sans motif légitime".

24 élèves max en maternelle - L'inspection générale de l’éducation nationale serait chargée de remettre "un rapport sur l’instauration d’un seuil maximal de 24 élèves par classe de l’école maternelle".

3 ans - L'abaissement à 3 ans de l'obligation d'instruction a été voté à l'unanimité. Les sénateurs et le ministre étaient en désaccord sur le financement des communes. 

Financement des maternelles – Les sénateurs ont voté le fait que "l'État attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’elles ont prises en charge, en tenant compte, pour les collectivités qui y procédaient antérieurement à la présente loi, de la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées liées à l’État par contrat, dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. La réévaluation de ces ressources peut être demandée par une commune au titre des années scolaires suivantes." Jean-Michel Blanquer aurait voulu que "l'État attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l'augmentation des dépenses obligatoires qu'elle a prises en charge (...) au titre des années scolaires 2019-2020, 2020-2021 ou 2021-2022 par rapport à l'année scolaire 2018-2019 dans la limite de la part d'augmentation résultant directement de l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire". Un gros sujet de tension pour la CMP.

Assiduité des tous petits - Les sénateurs voudraient que les familles puissent négocier l'assiduité des enfants de petite section avec l'école, le ministre veut toujours que ce soit avec l'inspecteur. 

Visite médicale 3-4 ans - La visite médicale obligatoire des enfants de 3-4 ans a été votée par les sénateurs avec l'accord du ministre. La responsabilité première serait confiée aux professionnels de santé du service départemental de protection maternelle et infantile, qui la réaliserait dans l'enceinte de l'école (voir aussi notre article du 17 mai 2019 "École de la confiance - Après un petit tour à la santé scolaire, la visite des 3-4 ans reste à la PMI, mais à l'école"). Une deuxième visite obligatoire serait organisée, mais pour certains enfants seulement, au cours de la sixième année pour dépister des troubles spécifiques du langage et des apprentissages (amendement gouvernemental).

Jardins d'enfants – Les sénateurs ont retenu la possibilité d’inscrire les enfants de 3 à 6 ans, au titre de l’instruction obligatoire, dans les "jardins d’enfants", mais uniquement ceux qui existent déjà. Jean-Michel Blanquer, qui était parti sur l'idée de les supprimer ou de les transformer en école maternelle, avait proposé une concession, en portant à 3 ans le délai de transformation de ces structures. Les sénateurs ne l'ont pas suivi.  Le sujet n'est pas clos (voir aussi notre article du 16 mai 2019 "Les jardins d'enfants s'organisent pour ne pas disparaître")

Contrôle de l'instruction - Les dispositions votées au Sénat et relatives au contrôle de l'instruction des enfants dans les familles ou dans des établissements hors contrat ont été adoptées sans grande difficulté.

Élèves handicapés dans le calcul des effectifs – Les sénateurs ont adopté un amendement exigeant de prendre en compte dans le calcul des effectifs d’une école les élèves en situation de handicap. Il s'agit d'une "reconnaissance pour le travail des enseignants" mais aussi "pour les communes qui voient des classes fermées, faute d’effectifs alors que les enfants en situation de handicap ne sont eux pas comptés", explique l'exposé des motifs de l'amendement. Amendement sur lequel le ministre s'en est remis à la sagesse du Sénat.

AESH – Un amendement sénatorial, qui a requis l'avis favorable du gouvernement, renforce la professionnalisation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH, ex-AVS) en fixant leur formation professionnelle continue conformément à un référentiel national et en l’adaptant à "la diversité des situations des élèves accueillis dans les écoles et établissements d’enseignement". Un arrêté préciserait le cahier des charges des contenus de la formation continue spécifique.

Pial - Les sénateurs ont adopté l’article (art. 5 quinquies) qui crée notamment des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en maintenant que "le retour à une aide individuelle est possible à chaque instant de la scolarité" et qu’en cas de demande de retour à une aide individuelle auprès de la CDAPH (Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées), "celle-ci doit examiner la demande dans un délai de 15 jours". Le gouvernement a demandé, sans succès, le retrait de ces dispositions introduites par la commission sénatoriale.

EPLEI - L'article 6 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement international a également été adopté sans difficulté, avec l'idée que "ces établissements peuvent également accueillir des élèves préparant les diplômes nationaux du brevet et du baccalauréat qui ne sont pas assortis de l’option internationale ni préparés dans une section binationale, sous réserve que l’effectif de ces élèves n’excède pas le quart des effectifs de l’établissement". Il s'agissait de ne pas les stigmatiser comme "établissements élitistes".

Directeur d'école – Les sénateurs tiennent à ce que les enseignants du 1er degré soient placés sous l'autorité du directeur d'école qui, "en lien avec l’inspecteur de l’éducation nationale", "participe à leur évaluation". Jean-Michel Blanquer voudrait "laisser le temps au dialogue social de se tenir" et considère qu'"une concertation est nécessaire", même s'il reconnaît que "le pilotage des écoles primaires doit être amélioré", que "la fonction de direction d'école est essentielle" et qu' "elle doit être soutenue par différents moyens". 
L'article 6 ter qui prévoit que les enseignants du 1er degré "sont placés sous son autorité (du directeur d'école)", lequel, "en lien avec l’inspecteur de l’éducation nationale", "participe à leur évaluation" est adopté malgré l'avis de 

Regroupement collège-école - Les établissements publics locaux d'enseignement des savoirs fondamentaux semblent enterrés, du moins pour un moment. Jean-Michel Blanquer a défendu en séance "la raison d'être" du dispositif - assurer pour les élèves "un continuum" entre le primaire et le collège – mais s'en est remis à la sagesse du Sénat. Il a reconnu qu'"il y a eu des malentendus" et qu'il fallait "prendre le temps de la réflexion". Il a annoncé dans "les prochains mois" une "plus vaste concertation avec les associations d'élus, avec les syndicats". (voir notre article du 17 mai École de la confiance - Le Sénat supprime le regroupement collège-école, sans opposition du ministre

Affectation - Le Sénat a créé un article qui prévoit que l’État peut déroger aux dispositions du code de l'éducation et au statut de la fonction publique "afin de permettre une affectation équilibrée des personnels enseignants et d’éducation". Il y aurait de forte chance qu'il soit supprimé ou réécrit par les députés, de même que l'article qui prévoit que "l’État peut s’associer par convention avec les établissements d’enseignement privés (...) afin de les inciter à favoriser la mixité sociale".

Néo-titulaires en territoires difficiles – Un nouvel article (12 ter) inscrirait dans le code de l'éducation qu'au cours des trois années qui suivent sa titularisation, "chaque enseignant bénéficie d’actions de formation qui complètent sa formation initiale" dont des actions de formation qui "prennent en compte les spécificités des territoires d’exercice des professionnels, dont le contexte social de l’établissement". Le ministre pourrait demander aux députés de revoir les termes de cet article. Il pourrait aussi leur demander de revenir sur une disposition qui "insiste sur la progressivité" des fonctions dont peuvent se voir chargés les assistants d’éducation.

Droit à la cantine – Les sénateurs ont adopté un amendement précisant que l'inscription à la cantine des écoles primaires "s’effectue dans la limite du nombre de places disponibles". Il s'agissait de modifier l’article du code de l'éducation qui instaure un droit d’accès à la restauration scolaire pour tous les enfants scolarisés et qui, selon les sénateurs "instaure une forme de droit opposable à la restauration scolaire qui n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés alors même que la restauration scolaire est une compétence facultative et que le service de restauration scolaire est déjà soumis au principe de non-discrimination dans l’accès au service public". Etant entendu, dit l'exposé des motifs de l'amendement, que "la capacité d’accueil des cantines ou le manque de personnel d’encadrement sont les seuls critères susceptibles de restreindre l’accès à la restauration scolaire". Le gouvernement s'en était remis à la sagesse du Sénat.

Bâtiment scolaire – Les sénateurs ont introduit un nouvel article (art.24 ter) insérant dans le code de l'éducation le fait que "les bâtiments scolaires sont adaptés aux défis du changement climatique". Cette disposition a toute les chances d'être maintenue (voir aussi notre article du 14 mars 2019 "Bâti scolaire : bientôt un interlocuteur ministériel dédié pour les collectivités").

Académies - Jean-Michel Blanquer a obtenu que soit rétabli l'article 17, supprimé par la commission, qui "remplace l'habilitation du gouvernement à agir par ordonnance pour réformer la gouvernance des services déconcentrés des ministères de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur". Le ministre a assuré : "Il y aura un recteur de région, interlocuteur de la région, et des recteurs d'académie, pour la proximité." 
 

 

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