Projet de loi "Pour une école de la confiance" : Jean-Michel Blanquer tente de rassurer la commission éducation du Sénat
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, a été auditionné par la commission de l'éducation du Sénat le 9 avril 2019 à propos du projet de loi "Pour une école de la confiance", étudié en procédure accélérée, et adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 19 février. Il a détaillé son projet, tentant de rassurer son auditoire de sénateurs : établissements publics des savoirs fondamentaux, directeurs d’école, abaissement à trois ans de l'instruction obligatoire, coût des manuels scolaire notamment. Le texte sera examiné par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat à partir du 30 avril et en séance publique à compter du 13 mai.
L’article 6 quater du projet de loi, qui instaure les établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF) et qui a été introduit par amendement lors de la discussion à l’Assemblée nationale "évoluera forcément à la lumière de nos échanges", a assuré Jean-Michel Blanquer, lors de son audition du 9 avril devant le Sénat. Il a affirmé avoir "entendu les craintes qui se sont exprimées". "Afin de proposer une meilleure rédaction", le ministre a ajouté qu’il discutait avec les organisations syndicales. "Nous avons à mettre comme conditions l’accord des élus locaux, des conseils des écoles et des CA des collèges", a-t-il indiqué. Il a réitéré que l’EPSF "ne doit être imposé nulle part et doit relever de la volonté locale". Le sénateur (LR) Jacques Grosperrin a demandé que l'article sur l'EPSF soit annulé et réécrit, seule condition pour calmer la contestation (lire encadré).
"L’EPSF n’est pas une menace pour les directeurs"
Jean-Michel Blanquer a redit ce qu'il avait écrit aux directeurs le 2 avril 2019. "L’EPSF n’est pas une menace pour les directeurs d’école", a t-il répété face aux sénateurs le 9 avril. "Mais ne faisons pas comme si il n’y avait pas un sujet autour de la direction d’école. Il y a la nécessité d’un travail autour de cela", a t-il justifié. Il a assuré qu’il y aura "un directeur d’école par site", ajoutant qu’il n’a "jamais été question de remettre cela en cause". Pour rappel, Cécile Rilhac, député (LREM) à l’origine de l’amendement, expliquait que "lorsque l’établissement regroupe 10 écoles pour un total de 40 classes, il pourra y avoir 4 directeurs adjoints" délégués au premier degré, en février 2019. Enfin, selon le ministre, la mise en place d’EPSF "ne signifie pas le déménagement des écoles vers les collèges", même si "cela peut être le cas s’il y a un consensus local".
"Aucun impact financier pour la majorité des communes"
"Il n’y aura aucun impact financier pour une grande majorité des communes", a assuré Jean-Michel Blanquer, interrogé par le rapporteur Max Brisson, (LR, Pyrénées-Atlantiques), sur les conséquences financières pour les communes de l’abaissement à trois ans de l’obligation d’instruction. "Pour celles que cela concernera, il y aura un remboursement du surcoût engendré pour cette mesure", a poursuivi le ministre, qui a précisé que "cela relève d’une obligation constitutionnelle de l’État". Jean-Michel Blanquer indique aussi que la compensation versée par les communes aux maternelles privées sous contrat "ne sera pas prise en compte dans les dépenses de fonctionnement", pour lesquelles les communes sont limitées à 1,2 % d’augmentation.
Max Brisson a souligné que "l’article 4 prévoit que seules seront compensées les communes qui jusqu’alors avaient refusé de reconnaître le contrat d’association et donc n’étaient pas soumises à l’obligation de versement. Celles, plus nombreuses, qui prenaient en charge une partie des dépenses de fonctionnement des écoles maternelles privées sous contrat ne recevront aucune compensation".
Pour rappel, l’article 4 dispose que "l’État attribue de manière pérenne à chaque commune ou établissement public de coopération intercommunale exerçant la compétence scolaire les ressources, réévaluées chaque année scolaire, correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’ils ont prises en charge en application des articles L. 212-4, L. 212-5 et L. 442-5 du code de l’éducation, dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire".
3.500 enfants en plus à scolariser en Guyane
Interpellé par Antoine Karam, (Guyane, LREM) sur la difficulté à mettre en œuvre l’obligation d’instruction à trois ans en Guyane et à Mayotte dès la rentrée 2019, Jean-Michel Blanquer a reconnu que "nous ne réussirons pas immédiatement à tout résorber pour la rentrée prochaine". Selon lui, l’objectif d’atteindre un taux d’instruction de 100 % pour les enfants de trois ans "devra être accompli sur deux ou trois rentrées".
Le ministre a précisé que le "taux de scolarisation à trois ans est de 82 % en Guyane, ce qui représente 3.500 enfants à scolariser en plus". Il a souligné que des moyens supplémentaires sont déployés pour la Guyane, à savoir 150 ETP pour la rentrée prochaine et 250 millions d’euros en 5 ans dans le cadre du "plan Guyane" pour appuyer les collectivités locales pour les constructions scolaires.
Manuels scolaires en dépenses d’investissement
Enfin, Jean-Michel Blanquer a assuré que l’achat des manuels scolaires par les régions est passé en dépenses d’investissement. C’était notamment une demande de Régions de France. Pour rappel, alors que les nouveaux programmes de seconde et première générale et technologique mais aussi de seconde professionnelle et de CAP doivent entrer en vigueur à la rentrée 2019, Régions de France a chiffré à environ 300 millions d’euros le coût du remplacement des manuels scolaires sur deux ans.
Projet d'amendement au Sénat sur l’article 6 quater : demande de suppression pour réécriture
Présentés par le sénateur (LR) Jacques Grosperrin, trois amendements que le Café pédagogique s'est procurés devraient être proposés au Sénat le 13 mai 2019. Lors de l'audition de Jean-Michel Blanquer, le 9 avril, Jacques Grosperrin a déclaré qu'il souhaitait que l'article 6 quater qui concerne les établissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF) soit "totalement réécrit". "En attendant une nouvelle rédaction susceptible de donner les garanties nécessaires et de redonner la main aux élus, le présent amendement propose de supprimer cet article", propose l'auteur du texte. Un second amendement du même auteur viserait à donner une autorité hiérarchique aux directeurs. L'article 6 ter serait complété avec cette phrase en fin d'article : "qui sont placés sous son autorité ; en lien avec l’inspecteur de l’éducation nationale, il participe à leur évaluation". "Cet amendement prévoit que les directeurs d’école ont autorité sur les enseignants de l’école au sein de celle-ci et qu’ils participent, avec l’Inspecteur de l'Education Nationale (IEN), à leur évaluation", est-il précisé.