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Le point sur les chantiers sociaux des dix-huit premiers mois du quinquennat

Après l'Assemblée nationale, le Sénat a adopté le 27 juillet le très polémique projet de loi autorisant l'exécutif à légiférer par ordonnances pour réformer le droit du travail. La concertation menée dans le même temps par le gouvernement avec les partenaires sociaux s'est achevée le 25 juillet. Elle devrait reprendre à partir du 21 août pour effectuer les derniers arbitrages. Le cabinet de la ministre du Travail entame cependant la rédaction des ordonnances qu'il soumettra aux syndicats et au patronat fin août. Le deuxième pilier de la réforme sociale engagée par l'exécutif (assurance chômage, formation professionnelle et apprentissage) fera l'objet d'une concertation cet automne/hiver. La réforme des retraites constitue le troisième pilier dont le chantier est annoncé pour le premier trimestre 2018. Le point sur les deux premiers chantiers sociaux du gouvernement.

La réforme par ordonnances du Code du travail

De la concertation…

La 48e et dernière réunion de concertation entamée le 12 juin a eu lieu au cabinet de la ministre du Travail le 25 juillet. Les partenaires sociaux ont été reçus à tour de rôle pour discuter de trois thèmes : l'articulation entre les accords d'entreprise et de branche, le renforcement du dialogue social, la sécurisation des relations de travail.

La semaine dernière, le Premier ministre et la ministre du Travail ont reçu les leaders de chaque organisation pour faire le bilan de la concertation. Celle-ci reprendra dans la semaine du 21 août "dans le cadre de réunions plus longues", selon le ministère, tant il reste de sujets à arbitrer.

… aux ordonnances

Toutefois, la rédaction des ordonnances est déjà engagée. Les partenaires sociaux en auront "la primeur" fin août, a affirmé la ministre. Elles seront ensuite transmises au Conseil d'Etat dans la semaine du 28 août puis aux différentes commissions consultatives à partir du 4 septembre. L'objectif du gouvernement est de les présenter en Conseil des ministres dans la semaine du 18 septembre. Elles devraient être publiées au Journal officiel autour du 25 septembre. Elles entreront immédiatement en vigueur mais devront faire l'objet d'un projet de loi de ratification avant la fin de l'année.

Le projet de loi autorisant l'exécutif à légiférer par ordonnances sur la réforme du droit du travail a été adopté par les députés le 13 juillet par 270 voix contre 50 et par le Sénat le 27 juillet par 186 voix pour et 106 contre. Le texte issu du Sénat fait l'objet d'une commission mixte paritaire le 31 juillet. Ses conclusions devraient être examinées à l'Assemblée le 1er août, et au Sénat le 3.

La mobilisation s'organise contre ce texte très critiqué par les parlementaires de gauche et la CGT qui appelle à manifester le 12 septembre (le PC s'associe à ce mouvement). Le 23 septembre, c'est La France insoumise (LFI) qui a prévu de descendre dans la rue.

Trois volets

Le projet de loi repose sur le triptyque suivant:
Définir une nouvelle articulation de l'accord d'entreprise et de l'accord de branche et élargir le champ de la négociation collective : possibilité pour les branches de négocier les caractéristiques des CDD et d'autoriser le recours aux CDI de chantier notamment, faciliter la négociation dans les petites entreprises dépourvues de délégués syndicaux… ;
Simplifier et renforcer le dialogue économique et social et ses acteurs grâce à une refonte des institutions représentatives du personnel : fusion en une seule instance des délégués du personnel, du comité d'entreprise et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ;
Rendre les règles régissant la relation de travail "plus prévisibles et plus sécurisantes pour l'employeur comme pour les salariés" : plafonnement des indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif, hausse des indemnités légales de licenciement, modification des dispositions relatives au licenciement pour motif économique notamment.

Le projet de loi prévoit aussi de :
Proroger les exceptions au repos dominical pour les commerces situés dans les zones touristiques et commerciales, prévues par la loi Macron du 6 août 2015 (deux ans initialement) ;
Adapter la législation en matière de détachement des travailleurs frontaliers.

Y figure également le report d'un an, au 1er janvier 2019, de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

La réforme de la formation, de l'apprentissage et de l'assurance chômage

Le volet "sécurité" de la réforme sociale du gouvernement passe par la réforme de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'assurance chômage.

Formation professionnelle

Dans son programme présidentiel, Emmanuel Macron s'est montré particulièrement dur à l'égard de notre système de formation professionnelle. "Il doit être entièrement réformé", a-t-il affirmé le 2 mars dernier devant la presse. Dans un entretien au quotidien Le Parisien le même jour, il s'en est pris aussi à la gestion paritaire : "Si l'on veut s'attaquer au cœur du chômage, il faut aujourd'hui un vrai plan de formation et, pour cela, changer la gouvernance du système aujourd'hui entre les mains des partenaires sociaux."

Au nombre de ses propositions figurent la conversion de "la majeure" partie des contributions "formation" actuelles des entreprises en droits individuels pour les actifs, le renforcement du compte personnel de formation (CPF), la révision des listes de certifications éligibles... Chacun devrait "pouvoir s'adresser directement aux prestataires de formation, selon ses besoins". Le candidat d'En Marche ! s'était également prononcé en faveur d'une labellisation des organismes.

Le 6 juin dernier, le Premier ministre a annoncé que l'application numérique du CPF serait "concrète, exhaustive et individualisée" au 1er janvier 2019 (lire notre article du 6/06/2017).

Apprentissage, alternance

Sur ce point, le candidat Emmanuel Macron s'est prononcé en faveur de la fusion des deux contrats en alternance (professionnalisation et apprentissage) en un contrat unique sans borne supérieure d'âge, en faveur d'une simplification des aides aux entreprises et l'affectation de la totalité de la taxe d'apprentissage (y compris le hors quota) au financement de l'apprentissage. Il préconisait aussi l'unification dans la loi de la grille de rémunération des alternants en confiant aux branches la tâche d'augmenter par accords les montants des plafonds légaux, ainsi que le renforcement des branches dans la définition des programmes notamment.

Le 6 juin dernier, le Premier ministre a annoncé une "véritable refondation de notre apprentissage pour que celui-ci participe à l'insertion professionnelle des jeunes, [et] pour que l'offre des entreprises soit vraiment boostée en la matière". Le gouvernement entend "vraiment changer la donne et faire de la France une référence en la matière en Europe". Cette réforme entrera progressivement en vigueur "pendant les deux prochaines années".

Lors de son intervention au Sénat le 24 juillet, Muriel Pénicaud a précisé qu'elle allait défendre la réforme de l'apprentissage "conjointement avec le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer".

Assurance chômage

Le président de la République a annoncé vouloir "rebâtir une véritable sécurité professionnelle, universelle, simple et efficace, qui puisse accompagner chacun d'entre nous, quel que soit notre statut". Dans ce cadre, sera mise en place une "assurance chômage pour tous" qui "couvrira tous les actifs (salariés, artisans, commerçants, indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs…) et facilitera les transitions d'un statut à un autre".

Le programme d'Emmanuel Macron prévoit également un basculement de la gestion de l'assurance chômage (Unedic) actuellement gérée par les syndicats et le patronat, dans le tripartisme, avec un pilotage de l'Etat. Les partenaires sociaux se montrent inquiets. Dans un communiqué commun du 24 juillet, les gestionnaires de l'Unedic mettent en garde "contre les risques que ferait peser un basculement vers l'impôt du financement de l'assurance chômage".

Ils affirment cependant vouloir "aborder de manière constructive la concertation que le gouvernement entend engager à l'automne" tout en rappelant leur attachement "à ce que l'assurance chômage demeure un régime d'assurance sociale, versant un revenu de remplacement et financé par des cotisations partagées entre salariés et employeurs, dont le niveau est fixé paritairement".

Calendrier flou

Le calendrier de ce deuxième pilier de la réforme sociale du gouvernement est encore flou. L'exécutif a annoncé une concertation avec les partenaires sociaux sur ces trois dossiers cet automne. Dans l'édition du quotidien Ouest France du 13 juillet, le chef de l'Etat a annoncé "une loi d'ici début 2018".

A propos de la réforme de la formation et de l'apprentissage "rien ne semble arbitré au sein du cabinet de la ministre sauf, peut-être, le démarrage de la concertation à la rentrée sur l'apprentissage et l'assurance chômage, et le lancement du plan d'investissement Compétences", précise à Localtis un syndicaliste ayant participé aux réunions avec la ministre du Travail. Le calendrier de la réforme de la formation "n'est toujours pas clair mais ce qui semble se profiler, c'est un projet de loi avant l'été 2018 qui couvrirait les trois sujets (formation, apprentissage, chômage)", confie un représentant patronal.

Plan massif d'investissement
Les "premières mesures concrètes" du plan massif d’investissement pour les demandeurs d’emploi, les jeunes et les salariés dont les métiers sont appelés à évoluer rapidement seront proposées "dès la rentrée 2017", a précisé le Premier ministre le 6 juin 2017. Le plan devrait être "opérationnel dès début 2018", avec un volet accompagnement renforcé. Pour rappel, le gouvernement a annoncé un financement de ce plan à hauteur de 15 milliards d'euros, pour un million de demandeurs d'emploi et un million de jeunes peu ou pas qualifiés.