Archives

Industrie - Le Nord-Pas-de-Calais croit encore en son avenir industriel

En moins de vingt ans, le Nord-Pas-de-Calais a perdu 88.000 emplois industriels. Pourtant, malgré ses handicaps liés à une forte spécialisation industrielle, la région donne des signes de redressement. Son taux de croissance pour 2011 devrait atteindre 1,5%. Au menu de sa reconversion : une politique de diversification et une forte dynamique d'innovation, avec la création de pôles d'excellence.

D'aucuns la condamnaient au déclin. Et pourtant, malgré la désindustrialisation et la crise économique, la région Nord-Pas-de-Calais donne des signes de redressement. En 2011, elle devrait afficher un taux de croissance de 1,5%, d'après les prévisions du cabinet Asterès. C'est pratiquement le même niveau que la moyenne française, qui devrait se situer à 1,6%. "Dans une famille de régions plus industrielles que la moyenne et dont l'activité a été très pénalisée par la crise de 2008, le Nord-Pas-de-Calais n'est pas celle qui s'en tire le plus mal car son économie est plus diversifiée", explique ainsi Juliette Hubert, du cabinet Asterès.
La région était spécialisée historiquement dans certains secteurs, comme la métallurgie, l'extraction de minerai et le textile. Des secteurs qui ont subi de plein fouet les importantes restructurations de ces trois dernières décennies. De fait, les emplois industriels ont subi une saignée. En dix-sept ans, la région a perdu 88.000 emplois industriels, passant de 276.000 en 1993 à 188.000 en 2010. "Mais la région reste hautement industrielle, avec 8 ou 9% d'emplois industriels, soit cinq fois plus que la moyenne nationale", précise Patrice Pennel, président de Reg Technology et du Groupement des fédérations industrielles (GFI) Nord-Pas-de-Calais.
La région a su lancer sa reconversion et s'ouvrir à d'autres secteurs d'activité plus porteurs, tels que l'agroalimentaire et la pharmacie. "La région s'est diversifiée, contrairement à d'autres qui ont tout misé sur un secteur, détaille Juliette Hubert. Dans ce registre, la région la plus en difficulté dans le nord de la France, c'est la Lorraine, qui a tenté de remplacer la sidérurgie par l'automobile qui connaît des difficultés depuis sept ans. L'économie du Nord-Pas-de-Calais se trouve plus diversifiée et la région attire aussi des sièges d'entreprises." En 2010, le Nord-Pas-de-Calais était ainsi la première région exportatrice de produits agroalimentaires, avec une part de plus de 10% des exportations nationales. Les cinq principaux secteurs d'activité actuels (métallurgie, agroalimentaire, automobile, chimie, biens d'équipement et maintenance) représentent 70% des emplois industriels régionaux. La métallurgie reste le premier employeur mais se trouve maintenant talonnée par d'autres activités.

Pôles d'excellence et pôles de compétitivité

Autre atout de la région : des créations d'entreprises dynamiques. D'après le baromètre des créations-défaillances, en 2011, 22.084 entreprises y ont ainsi été créées, contre 3.198 défaillances. Et le taux de survie des entreprises est estimé à 63,5% sur trois ans. La région a d'ailleurs été désignée "région européenne entreprenante" pour l'année 2013 par le Comité des régions et la Commission européenne, au côté du Danemark du sud et de la Styrie, en Autriche. Une initiative qui récompense les régions d'Europe qui se distinguent par des visions entrepreneuriales innovantes.
Le travail effectué par le conseil régional explique aussi la résistance du territoire. En lançant en 2010 les "pôles d'excellence", la collectivité a ainsi impulsé une dynamique qui commence à prendre. Ces pôles sont destinés à faire émerger des projets d'innovation, de recherche et de développement et à favoriser la collaboration entre laboratoires, entreprises et centres de formation. Treize pôles de ce type sont identifiés dans le domaine de l'image, des industries agro-alimentaire, de la logistique, de la filière bois, de la plasturgie, etc. Ils coexistent avec les sept pôles de compétitivité de la région, parmi lesquels I-Trans, un pôle transports terrestres, Up-Tex, pôle textiles innovants, et Team 2, pôle technologie de recyclage et de valorisation des déchets. "Si on veut résumer, les pôles de compétitivité correspondent aux services haut de gamme, alors que les pôles d'excellence s'adressent aux entreprises les plus éloignées de la question économique pour les faire entrer dans la machine", explique-t-on à la région. Une sorte de tremplin permettant aux PME de faire leurs armes pour entrer plus tard dans un pôle de compétitivité.
La région s'appuie sur son schéma régional de développement économique (SRDE) de 2005. Dans le cadre de ce plan, des sites internet ont été créés pour accompagner les entreprises tout au long de leur vie, que ce soit au moment de leur création, avec le site "Je crée", ou de leur développement, avec "J'innove". Ces sites, qui réunissent l'ensemble des organismes de soutien, permettent aux entreprises de trouver des réponses à leurs questions et les interlocuteurs idoines. Pour J'innove, pas moins de 70 structures spécialisées se sont organisées pour suivre les projets des entreprises. Comme pour toutes les régions françaises, et à la demande de la Commission européenne, le SRDE a été suivi en 2009 d'une stratégie régionale de l'innovation, qui détermine les leviers les plus efficaces sur lesquels l'effort doit être ciblé. La région a retenu trois axes stratégiques : être incontournable au niveau européen sur un nombre limité de secteurs innovants, accompagner, par l'innovation, des secteurs en forte mutation, et faire le pari de l'innovation pour l'émergence de nouvelles filières. Au-delà de ces axes stratégiques, la région cherche également à mieux coordonner l'ensemble de ses actions, de l'international aux pôles de compétitivité, en passant par les activités de prospection et de promotion… "Le plus souvent, le problème principal est le manque de cohérence des actions de ce type, explique Juliette Hubert. La région Nord-Pas-de-Calais est assez avancée de ce côté. Il n'y a que deux départements, qui en plus travaillent bien ensemble. Ils ont beaucoup débattu sur le SRDE et l'ont décliné par pays avec des objectifs précis. De plus, la région possède une certaine unité culturelle."

"Votons industrie"

Sans espérer un retour des activités perdues, les acteurs économiques locaux n'entendent pas tourner le dos à l'industrie. Avec 500 industriels, la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) et le GFI ont ainsi voulu valoriser le potentiel industriel de la région à travers le livre blanc "Votons industrie" composé de dix propositions et engagements. Leur crédo : "Le recul de l'industrie en région n'est pas une fatalité." Et d'appeler à "ramer à contre-courant", notamment auprès d'une opinion publique qui a tendance à se désintéresser de l'industrie ou à la reléguer à des activités du passé. "Il y a un vrai problème d'attractivité, explique Patrice Pennel, président du Groupement régional des fédérations industrielles. Il faut que les hommes s'y intéressent vraiment. Or aujourd'hui, on ne parle plus que du tertiaire. On a mis dans la tête des populations que les métiers industriels n'étaient pas des métiers d'avenir." Multiplier les rencontres de sensibilisation auprès des jeunes et définir une stratégie de valorisation des activités et métiers industriels de la région font partie du lot d'actions envisagées. Les partenaires entendent aussi accompagner le développement des entreprises de taille intermédiaire (ETI), en identifiant leurs besoins et en leur proposant des appuis spécifiques, et aider les PMI à rester en vol, en les accompagnant au moment de franchir le cap de la croissance (prolongement des dispositifs d'accompagnement des créateurs, développement du mentorat des entrepreneurs dans leurs premières années d'activité, rééquilibrage des soutiens financiers aux jeunes entreprises…). Enfin, la CCIR et le GFI proposent de créer un guichet spécialisé pour le financement de l'industrie régionale et de mettre en place une stratégie de spécialisation marquée sur les quatre territoires de la région. L'organisation d'une semaine de l'industrie, qui en était à sa deuxième édition fin mars, devrait faciliter ce renouveau.