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Aménagement numérique - Le modèle français de déploiement de la fibre aussi pertinent que les autres modèles mondiaux

Les études sur le très haut débit se succèdent, dans le but d'ausculter le modèle français de déploiement. Dernière en date, l'étude élaborée par l'Institut audiovisuel des télécoms en Europe (Idate), à la demande du Centre d'analyse stratégique (CAS), qui tente de mesurer l'efficacité du dispositif mis en place. Après avoir comparé le modèle français avec celui de huit autres pays développés, les auteurs disent ne pas avoir trouvé d'arguments permettant de conclure que d'autres choix auraient été plus favorables.
Les comparaisons internationales en matière de déploiement de réseaux d'accès en fibre donnent une place assez médiocre à la France, très en retard notamment par rapport à la Corée du Sud et au Japon. Le taux de pénétration, qui atteindrait un peu plus de 2% des abonnés haut débit, s'explique toutefois en partie par la bonne qualité du réseau de cuivre (ADSL) utilisée par la majorité des Français. Quant à la recherche de modèles plus performants elle est restée vaine comme le souligne le rapport : "Aucun des grands leaders au niveau mondial ne semble pouvoir être considéré comme modèle, tant les facteurs constitutifs de leur performance sont spécifiques."

Priorité à l'investissement privé

Le modèle français repose sur la concurrence entre opérateurs télécom. Il donne en effet la priorité à l'investissement privé ainsi qu'à une régulation largement symétrique, c'est-à-dire une régulation qui s'impose à l'ensemble des opérateurs et pas seulement aux plus puissants. Il vise néanmoins à limiter les duplications inefficaces d'infrastructures en permettant l'utilisation du génie civil de France Télécom, encourage la coordination des déploiements entre opérateurs ainsi que le recours au co-investissement et définit des échelles de mutualisation (plus la densité de population est faible et plus le taux de mutualisation augmente). Les collectivités territoriales sont associées au projet. Elles assurent la cohérence des déploiements en s'appuyant sur leurs compétences en matière de planification et elles montent des projets complémentaires sur les territoires non traités par les opérateurs.
D'autres choix auraient pu être faits, par exemple, en constituant une société nationale de déploiement d'un réseau unique partagé par tous (Australie), en s'appuyant sur les capacités de l'opérateur historique tout en imposant une séparation fonctionnelle de l'entité en charge du déploiement du FTTH (Royaume-Uni) ou encore en privilégiant l'approche locale, l'investisseur public local devançant les investisseurs privés pour déployer des réseaux neutres (Suède, pour partie). Mais faute d'arguments décisifs et surtout d'éléments univoques permettant des comparaisons, l'étude juge "plus efficace à ce stade de mise en œuvre du dispositif national de recommander une certaine stabilité du cadre arrêté" tout en identifiant des zones de vigilance et en énonçant quelques recommandations

Des recommandations qui confortent le modèle tout en suggérant des améliorations

L'étude reprend la plupart des points identifiés lors des grands débats sur le sujet :
- le dispositif français qui repose largement sur la coordination des acteurs impose l'existence de dispositifs d'évaluation et de suivi efficaces permettant de resserrer les dispositifs si nécessaire ;
- les inquiétudes des collectivités locales concernant la fiabilité des engagements pris par les opérateurs imposent la formalisation et le rapprochement des rendez-vous pour actualiser et clarifier les engagements des opérateurs privés, donner toute sa place à la procédure de conventionnement entre les opérateurs et les collectivités locales et de systématiser l'élaboration de schémas d'aménagements "mis à jour de façon rigoureuse" ;
– l'enveloppe de soutien aux projets des collectivités locales devra être renforcée à travers l'activation du Fonds d'aménagement numérique des territoires ;
– la modification brutale du prix du cuivre n'est pas recommandée "sans une conviction assise sur des études solides", ce sujet ayant donné lieu à des études largement contradictoires, soit en recommandant la baisse du prix, soit, au contraire, en mettant en garde contre cette baisse ;
– la monétisation du trafic qui passe par le très haut débit est un élément clé du modèle économique, car l'accélération du déploiement dépend certes de la baisse des coûts mais aussi de la hausse des revenus des investisseurs. Or ce sont les grands acteurs de l'internet (Google, Facebook…) qui tirent le plus de bénéfices de l'augmentation des capacités de la bande passante. Il est donc important de les mettre à contribution sous une forme qui reste à définir. De même qu'il convient de ne pas s'opposer aux stratégies de segmentation tarifaires des opérateurs car elles sont susceptibles de générer des revenus supplémentaires ;
– sur le volet des 2,5 milliards d'euros des investissements d'avenir, l'étude recommande de réserver une fraction des crédits pour des projets pilotes qui permettraient de tester et d'analyser les grandes tendances du marché sur des sites disposant déjà d'un nombre significatif d'abonnés très haut débit ;
- d'autres dispositions portant notamment sur l'amélioration des modalités de conventionnement avec les syndics afin d'accélérer le pré-équipement des immeubles, sur la formation de 15.000 techniciens installateurs spécialisés, sur la normalisation de l'ingénierie ou prenant mieux en compte les évolutions technologiques facilitant de manière transitoire la montée en débit on également été proposées.
La sortie de cette étude en pleine période de campagne électorale n'est certes pas anodine. Mais elle conforte les promoteurs du modèle français pour leurs choix économiques "adéquats", tout en donnant raison à ceux qui souhaitent renforcer les marges de manœuvre des collectivités territoriales et mieux garantir les engagements pris par les opérateurs privés.