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Aménagement numérique - Le haut débit est-il soluble dans le très haut débit ?

L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) publie sur son site une étude consacrée aux nouveaux services et  usages du très haut débit. Réalisée à la demande de plusieurs administrations et instances de régulation entre janvier et juillet 2011, elle présente les perspectives du très haut débit (THD) à partir d'un état des lieux et d'une comparaison avec cinq pays avancés  (Japon, Etats-Unis, Suède, Royaume-Uni et Australie) afin d'identifier les véritables moteurs du décollage de ce marché.
Quelle est aujourd'hui la valeur ajoutée du THD sur la technologie haut débit utilisée en France ? Au moment où opérateurs privés et acteurs publics se préparent à investir plusieurs dizaines de milliards d'euros dans la construction et le déploiement d'une infrastructure optique sur l'ensemble du territoire, cette question paraît cruciale. Elle renvoie en effet aux usages et services capables de faire migrer les consommateurs sur le THD et aux perspectives de nouvelles recettes susceptibles de rentabiliser des investissements lourds à supporter y compris pour les grands opérateurs. Or, malgré la supériorité incontestable du THD, la valeur ajoutée des nouveaux réseaux serait, selon l'étude,  "limitée" en termes d'usages et de services potentiels. Elle ne constituerait pas "encore" un avantage décisif en raison de la qualité des réseaux DSL : "En pratique, les performances en France du haut débit satisfont les besoins de la majorité des utilisateurs" et surtout, contrairement aux autres pays très avancés, il n'existe aucun service en très haut débit qui ne soit pas déjà accessible en haut débit. De plus, le faible taux de couverture des réseaux THD n'encourage pas encore les concepteurs à créer des services spécifiques. Cette tendance pourrait durer puisque fin 2010, l'Arcep recensait 115.000 abonnés au THD et un rythme de croissance de 12.000 abonnements par trimestre pour le FTTH et de 30.000 pour le très haut débit sur l'infrastructure câble.

La télévision, la vidéo et le multi-usage futures locomotives du THD 

Sur le marché grand public, la télévision pour les services linéaires (chaînes de TV classiques) et non linéaires (à la demande) et l'audiovisuel en général constituent le principal déterminant dans le passage au THD. Ce secteur déjà consommateur de bande passante va connaître une évolution technologique, notamment avec l'arrivée de la TV ultra haut débit et des technologies autostéréoscopiques (3D ne requérant pas de lunettes spécifiques). Les applications et services basés sur la vidéo devraient à terme tirer le marché, tout comme le multi-équipement des foyers lié à l'augmentation sensible des terminaux électroniques. L'évolution du nombre de téléviseurs (1,7 par foyer en 2010), les ordinateurs multiples (passés de 13% en 2005 à 30% en 2010), comme l'arrivée des smartphones, des tablettes et appareils photo numériques ainsi que les consoles de jeux, désormais connectables à internet, devraient contribuer au développement du multi-usage dans les foyers. La demande en bande passante devrait alors fortement augmenter. Mais cette évolution n'est pas encore effective et ne procurera peut-être pas les revenus supplémentaires attendus par les  opérateurs. En effet, les équipements du foyer de plus en plus souvent connectables à internet pourraient entrer en concurrence avec les box des fournisseurs d'accès à internet (FAI) et ainsi compliquer le modèle économique de déploiement des réseaux THD.
Avec ses réseaux haut débit, la France est devenue le pays au monde le plus avancé sur la télévision via internet (IPTV) avec 10 millions d'abonnés. La commercialisation d'offres multiservices intégrant la composante audiovisuelle a été un des principaux facteurs d'adoption de l'ADSL et ce serait peut-être aussi une des principales causes du retard important pris par la France en matière de THD. Par comparaison, aux Etats-Unis, les services IPTV ne sont disponibles que sur le THD à cause de la mauvaise qualité des lignes ADSL. Situation équivalente au Japon mais parce que les flux TV, à la demande des chaînes, nécessitent des débits importants (14 Mbt/s) et que l'IPTV constitue un haut de gamme dans l'offre FTTH. Aussi, en France, le THD devrait  être considéré "plus comme une évolution que comme une révolution par rapport au haut débit". Son modèle économique serait plus incertain, du moins en attendant que les fournisseurs de services et de contenus ne développent des produits spécifiques.

Un pessimisme  compensé par le volontarisme

Les auteurs proposent une vision peut-être excessivement pessimiste de la montée en performance des réseaux mais elle donne à réfléchir. La comparaison avec des pays tiers permet d'esquisser quelques facteurs de réussite à prendre également en compte. Le premier facteur est celui du volontarisme public. Trois plans gouvernementaux et une spécificité réglementaire favorable ont permis au Japon d'occuper la seconde place mondiale derrière la Corée du Sud sur le THD. La Suède, pays à faible densité de population, s'est développée sur la base d'investissements publics significatifs dont une part importante assurée par les collectivités locales. Quant à l'Australie, elle applique une politique très interventionniste pour déployer un réseau national sur fonds publics sur un marché, il est vrai, extrêmement morcelé, comprenant 104 fournisseurs d'accès à internet.
Le second facteur est celui de la concurrence : en Suède, le THD a été porté par certains opérateurs pour concurrencer les réseaux câblés ; aux Etats-Unis, le THD a été poussé par les opérateurs télécoms pour investir le marché de la télévision à péage et tirer avantage de la mauvaise qualité des réseaux DSL.

Le THD dans les zones les plus mal desservies et pour les usages professionnels

Les constats dont l'étude rend compte appellent également quelques commentaires  à propos du marché français et de sa spécificité.
La qualité du réseau DSL pourrait être un facteur de ralentissement de la migration vers le THD mais elle induit aussi un potentiel plus élevé de pénétration du FTTH dans les zones actuellement mal desservies en ADSL et uniquement couvertes par le "double play". En dehors des zones très denses et moyennement denses, les 60% du territoire censés être couverts par l'investissement public seraient dans une situation plus favorable en termes d'appétence et de potentiel de pénétration, ce qu'il conviendra de vérifier dans l'élaboration des modèles économiques.
En termes d'évolution technologique, l'impact de l'internet des objets (IDO) et le potentiel d'accélération du multi-usage dans les foyers consécutif à la forte croissance des terminaux connectés semblent sous-estimés.
L'étude confirme l'importance du THD pour les usages professionnels. Il va devenir incontournable en télémédecine, notamment avec la forte croissance de l'imagerie numérique, avec le déploiement de l'informatique "dans les nuages" (cloud computing) qui accélère le développement des services "tout réseau" nécessitant une connectivité d'excellente qualité et pour assurer la montée en puissance de l'informatique distribuée, de la vidéoconférence et des usages du télétravail et de la téléformation. Ce constat confirme l'importance stratégique des réseaux de collecte de fibre optique portés par les réseaux d'initiative publique (RIP) pour desservir en priorité les zones d'activité, les services publics et les points hauts utilisés pour la téléphonie mobile. Plus le maillage de ces réseaux sera important (points de connexion dans chaque commune, pour la mairie, l'école, le centre de télésanté) et plus les usages professionnels pourront bénéficier de contextes favorables de mutualisation du numérique.
Le développement plus rapide des réseaux 4G dans les zones rurales mal desservies en haut débit pourrait bien être aussi une stratégie gagnante pour les opérateurs. 
Se pose enfin la question des rythmes de déploiement et des technologies utilisées. Faut-il aujourd'hui raisonner sur des stratégies "tout fibre", "tout de suite", ou sur des développements plus progressifs mixant les technologies ?
On le voit, la complexité de ce marché va imposer des choix difficiles que les acteurs publics et privés seront sans doute amenés à réviser régulièrement pour tenir compte des évolutions. Il devront réajuster leurs prévisions au rythme de l'évolution des technologies, de la demande du public et de l'apparition de nouveaux services capables de dynamiser le marché et de rendre le FTTH incontournable.

 

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