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Environnement - Le ministère de l'Ecologie traque les polluants des sols des écoles

Persiste-t-il des polluants sous les écoles qui ont pu être bâties sur des restes d'usines ou de vieux entrepôts ? Pour en avoir le coeur net, le ministère de l'Ecologie lance une vaste campagne de diagnostic dans plus d'un millier d'établissements scolaires. Précise mais volontairement souple, la méthodologie qui leur est proposée doit permettre de déployer concrètement la démarche en gérant les contraintes de terrain.

Le 26 mai, Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques (DGPR) au ministère de l'Ecologie, a présenté la démarche de diagnostic des sols qui va être déployée dès cet été dans des lieux accueillant les enfants et les adolescents. Comme le précise la circulaire fraîchement publiée qui encadre ce dispositif, des établissements scolaires du public comme du privé sont concernés. Mais aussi ceux hébergeant des enfants handicapés, des établissements de formation professionnelle ainsi que des aires de jeux et espaces verts annexes et les logements de fonction inclus dans ce périmètre.

Fruit d'un travail de concertation associant depuis plusieurs mois trois ministères (Ecologie, Education, Santé), cette démarche est prévue dans la loi Grenelle 1 et dans le deuxième Plan national Santé-Environnement (PNSE 2). "Pour autant, elle ne relève pas d'une obligation réglementaire et est avant tout proposée aux maîtres d'ouvrage de ces établissements", a insisté Laurent Michel. Selon lui, elle est motivée par "la volonté d'anticiper, de vérifier que ces sites ne sont pas pollués". "On n'est donc ni dans une démarche de prévention d'un risque avéré ni dans la formulation d'une réponse à un problème sanitaire. Il s'agit plutôt d'une ultime précaution, en aucun cas motivée par une inquiétude ou des signaux d'alerte."

 

Une certaine complexité de mise en œuvre

Pilotée par le ministère de l'Ecologie, la démarche est simple sur le papier mais complexe à mettre en œuvre. Par quels sites en effet commencer ? "Le débat animé qu'il y a eu en amont a conclu à l'impossibilité de définir des sites critiques et des critères de hiérarchisation, dont on aurait pourtant tendance à être friand de par notre culture d'ingénieur. Les deux seuls critères qui restent pertinents pour programmer ces diagnostics sont donc simples : c'est l'âge et la durée d'exposition. Si bien que dans la méthodologie retenue, on commencera d'abord par diagnostiquer les sols des établissements accueillant les populations les plus jeunes, c'est-à-dire les crèches, puis sur le même site ceux des groupes scolaires accueillant des maternelles et des primaires. On poursuivra par les cités scolaires regroupant des collèges et lycées. Ce travail nécessitera donc un effort local auquel chaque partie prenante devra être bien associée pour qu'il soit réussi", a précisé Jean-Luc Perrin, sous-directeur des risques chroniques et du pilotage au service des risques technologiques de la DGPR. Pour que la communauté enseignante soit également informée et rassurée, les rectorats ont prévu des moyens dédiés (coordonnateurs académiques, interventions de formateurs, diffusion d'un DVD, etc.).
Reste que pour ne pas agir à l'aveuglette, il a bien fallu établir une première liste des établissements à sonder étant donné qu'il serait "impossible", et par ailleurs "inefficace" selon Laurent Michel, de diagnostiquer les sols de tous les établissements du territoire national. Pour ce faire, le travail de repérage s'est appuyé sur l'inventaire des anciens sites industriels Basias  tenu par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), un établissement qui est par ailleurs maître d'ouvrage délégué de la démarche de diagnostic.

Achevé sur la majeure partie du territoire, cet inventaire est toujours en cours (parfois pour être peaufiné) dans certaines régions comme Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais ou l'Ile-de-France, ainsi qu'en Corse. Plus l'historique industriel de ces territoires est dense, plus ils nécessitent un travail de recoupement d'archives complexe. Dans 17 régions dont Midi-Pyrénées, Aquitaine, Bourgogne, Centre, Languedoc-Roussillon ou Provence-Alpes-Côte d'Azur, il a néanmoins bien avancé et c'est donc dans leurs départements que débuteront les diagnostics. Les préfets seront chargés de leur mise en œuvre. Ainsi, charge au préfet de région de programmer ces diagnostics au niveau régional, avec l'appui des services d'inspection des installations classées des Dreal. "Quant au préfet de département, il organisera la concertation avec les élus, responsables et maîtres d'ouvrage des établissements dans le cadre d'un comité départemental associant également les agences régionales de santé (ARS)", a précisé le ministère de l'Ecologie.

 

2.200 écoles vont être sondées

Dans un premier temps, 1.200 établissements sont concernés. Dans une centaine d'entre eux, il est prévu que les premiers diagnostics soient bouclés d'ici la fin de l'année. Les autres suivront dans les deux prochaines années et, en complément, une seconde liste de 1.000 établissements sera fixée dans la foulée. La démarche de diagnostic se fera par étapes. Elle s'appuie sur une recherche préalable d'archives (quand elles sont disponibles) suivie d'une visite de l'établissement, avant qu'un programme de prélèvements soit mis au point puis les analyses effectuées, interprétées, synthétisées, contrôlées et rendues publiques. Ces analyses porteront sur les gaz du sol et des sols de surface et, seulement si nécessaire, de la qualité de l'air intérieur. Dans tous les cas, le diagnostic privilégiera le sur-mesure car tout dépendra de l'historique du site, de sa structure et de son aménagement, ainsi que du public qu'il accueille. Et comme il n'engendrera que peu de dérangement, il pourra être effectué aussi bien en dehors que durant que la période scolaire.
Le ministère de l'Ecologie finance les diagnostics encadrés par le BRGM, pour un coût global évalué à 50 millions d'euros. Mais si les collectivités qui sont maîtres d'ouvrages des établissements décident d'agir par elles-mêmes, sans s'appuyer sur cette méthodologie identique au niveau national, ces diagnostics resteront à leurs frais. Autre inconvénient : dans ce cas, le BRGM et l'inspection des installations classées ne pourront être impliqués dans la gestion des résultats d'analyses. A celles qui sont malgré tout motivées, le ministère recommande de ne surtout pas procéder dans l'urgence, "le retour d'expérience ayant montré que les diagnostics menés dans l'urgence produisent des études inadaptées". Plus concrètement, lors des tests de méthodologie effectués sur sept établissements scolaires de Haute-Garonne et du Val-d'Oise, il a été constaté que le BRGM a "besoin d'informations et de personnes à contacter pour réaliser ces diagnostics". Or cela ne se fait pas en un jour : "Une durée de 25 semaines est à prévoir en moyenne entre la première visite de l'établissement et la fin des diagnostics", précise ainsi le ministère.

Par ailleurs, sur les sept établissements sondés, un seul cas de légère pollution due à un écoulement d'huiles a été détecté dans une cave, sans conséquence sanitaire. La pollution provenait d'un ancien garage. Nullement alarmistes quant à la gravité des pollutions qui vont être pistées dans le cadre de cette campagne nationale, les autorités s'attendent à ce qu'une forte proportion d'entre elles soit liée à ces anciens garages. Outre les hydrocarbures, les métaux lourds et solvants de dégraissage sont les deux autres principaux polluants recherchés.

 

Morgan Boëdec / Victoires-Editions