Téléphonie mobile - Le haut débit mobile dans une "logique de rattrapage" mais une situation qui "s'améliore"
Auditionné le 23 mars par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le président de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), Sébastien Soriano, a fait un point sur l'actualité des déploiements très haut débit fixe et mobile en France. S'il est revenu sur plusieurs préoccupations déjà formulées par les sénateurs de la commission des affaires économiques en février dernier (voir article du 12 février) comme l'itinérance transfrontalière, le plan France Très Haut Débit, la résorption des zones blanches ou encore les cartes de couverture, il a surtout réaffirmé son intention de "réguler par la data" et de mettre les outils Arcep au service du développement des territoires. Quant aux sénateurs, qui devraient prochainement se pencher sur le projet de loi pour une République numérique, ils ont unanimement salué le discours "volontariste" du régulateur et de son président.
Une situation qui "s'améliore", mais qui reste en retard sur les usages
Interrogé sur la situation actuelle des réseaux de communication et notamment du réseau mobile, Sébastien Soriano s'est voulu optimiste. "La situation s'améliore", a-t-il confié, avant de nuancer sa réponse, par le fait que "dans le même temps, les usages se décuplent". Un besoin croissant en connectivité qui oblige les acteurs publics et privés à "non seulement améliorer [l'existant], mais à aller encore plus vite que les usages". De fait, on n'y est pas encore. Comme l'a reconnu le président de l'Arcep, "nos esprits ont sans doute été monopolisés par les questions du très haut débit fixe, qui sont essentielles, mais qui nous ont peut-être fait oublier l'importance de la connectivité mobile". Ce qui se traduit aujourd'hui par le programme "zones-blanches-centres-bourgs" ou la couverture de 800 sites prioritaires, pensés dans une "logique de rattrapage".
Une définition des "zones fibrées" pour l'instant en pointillée
En matière de très haut débit fixe, Sébastien Soriano a montré plus d'allant, tout en précisant qu'à l'instar du réseau téléphonique, la complétion à 100% du réseau très haut débit prendra une vingtaine d'année. Enjeu des Etats généraux des RIP qui se sont déroulés à Deauville le 15 mars dernier (voir article ci-contre de 21 mars), la définition du statut de "zone fibrée", en collaboration avec la direction générale des entreprises, pourrait ne pas être achevée d'ici la fin de l'année, selon le président de l'Arcep, qui "espère que ce sera possible, mais on n'est pas en mesure de le confirmer". Pour rappel, il est prévu dans le projet de loi numérique voté en première lecture à l'Assemblée nationale que cette définition soit publiée d'ici la fin de l'année. Enfin, si d'un point de vue purement technologique, la fibre est privilégiée, d'autres technologies sont également mobilisées pour couvrir l'ensemble des foyers. En ce sens, pour les territoires qui auraient fait le choix (infructueux) du Wimax, Sébastien Soriano a annoncé que l'Arcep mènera dès le mois d'avril des "travaux concrets" afin de tester de nouvelles solutions réutilisant les infrastructures en vue d'un "upgrade", tout en travaillant de concert avec les industriels "pour mesurer ce que l'on peut faire sur ces fréquences" (3,5 GHz).
Couverture des zones blanches mobile : "le 100% n'existe pas"
Les "zones blanches" où l'on ne capte aucun signal mobile sont une source de frustration pour les territoires, notamment parce que leur résorption, mainte fois annoncée et désormais prévue pour la fin de l'année, ne concerne finalement que les centres bourgs. Pour Sébastien Soriano, qui s'est voulu limpide sur le sujet, "le 100% n'existe pas" en matière de couverture mobile, "on doit travailler avec un 99% quelque chose". S'il recommande de s'accorder sur un objectif de couverture qui permettrait de "satisfaire le citoyen à un coût raisonnable", il a rappelé que le choix revenait au politique qui pouvait parfaitement décider "d'aller encore plus loin dans les virgules". Ajoutant que des "conséquences économiques" seraient alors à prévoir.
Questionné sur les protocoles de mesures (faites dans un rayon de 500 mètres autour de la mairie), le président a encore une fois mis en lumière les points de blocage. "Changer cette règle [des 500 mètres], c'est changer la licence des opérateurs". Concrètement, cela reviendrait pour Sébastien Soriano à remettre en cause le contrat passé avec les opérateurs, et ouvrirait, par conséquent, un droit à la compensation. De plus, le renouvellement des licences programmé pour 2021 "permettra d'inclure des obligations afin d'aller plus loin". Si le périmètre reste inchangé, l'Arcep a décidé de faire évoluer ce qu'elle mesurait afin de se rapprocher davantage des usages et des besoins réels exprimés par les habitants en vue de produire les cartes de couverture les plus précises possibles. Dans le but d'accélérer leur mise en ligne, Sébastien Soriano a par ailleurs demandé aux sénateurs de voter la disposition obligeant les opérateurs à publier leurs données en open data, disposition présente dans le projet de loi numérique dans des termes identiques à ceux validés par les députés.
La "régulation par la data" : informer pour inciter
Derrière ces nouvelles cartes de couverture, qui mesureront aussi bien la connectivité que la qualité de celle-ci, on retrouve une volonté de "réguler par la data". Autrement dit, une régulation non plus uniquement fondée sur la contrainte, mais également sur le partage d'informations, aussi bien avec les usagers qu'avec les opérateurs. Comme l'explique Sébastien Soriano, il est important de "mettre les sujets sur la table, car ça permet à nos concitoyens de ne plus avoir l'impression que l'on se moque d'eux, […] et cela produit une incitation pour les opérateurs à ne plus seulement faire une course sur les prix" mais à investir dans la qualité des réseaux. Interpellé sur la connectivité des TGV, le président de l'Arcep a par exemple rappelé que si "aujourd'hui, nous ne pourrions pas imposer juridiquement la couverture du TGV" à cause de "problèmes techniques" liés à la vitesse, la publication des cartes de couverture des lignes a poussé Orange à agir sur le sujet. Idem pour la commercialisation des réseaux d'initiative publique (RIP) construits dans le cadre du plan France Très Haut Débit. Afin d'inciter les opérateurs de communication d'envergure nationale à proposer leurs offres sur les RIP, Sébastien Soriano a annoncé la publication prochaine d'un observatoire mesurant leur engagement sur ces réseaux publics. L'objectif : les pousser à s'y déployer.