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Méthanisation - Le gouvernement veut "verdir le gaz"

Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique, a présenté ce 26 mars les conclusions du groupe de travail mis en place en février pour développer la méthanisation. Les 15 mesures proposées visent notamment à simplifier la réglementation applicable et à développer les gisements, en généralisant notamment la méthanisation des boues des grandes stations d'épuration.

Après l'éolien terrestre en début d'année, le ministère de la Transition écologique a annoncé ce 26 mars 15 propositions visant à accélérer cette fois le développement de la filière de la méthanisation. Ces mesures, qui entrent dans le cadre de son "Plan de libération des énergies renouvelables", sont issues d'un groupe de travail créé en février associant fédérations professionnelles, gestionnaires de réseau et fournisseurs, établissements bancaires et financiers, administrations, établissements publics et associations d'élus (Association des maires de France, Assemblée des départements de France, Régions de France, Amorce, Fédération nationale des collectivités concédantes et régies) et associations de défense de l'environnement.

10% de gaz d'origine renouvelable en 2030

"La méthanisation est un des outils qui permet de verdir le gaz", a souligné lors d'une conférence de presse le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu, qui a piloté le groupe de travail. Selon lui, l'objectif fixé par la loi de transition énergétique - 10% du gaz d'origine renouvelable en 2030, représentant 12 millions de tonnes de CO2 évitées par an (3% des émissions) - est "atteignable". "Il peut même être dépassé, à la seule condition qu'on prenne le problème par le bon bout", a-t-il affirmé.
Pour rappel, la méthanisation permet de produire du gaz - à partir de la fermentation de résidus de l'agriculture ou de déchets d'origine municipale notamment (tontes de gazon, ordures ménagères, boues et graisses de stations d'épuration, matières de vidange, etc). Ce biogaz peut être ensuite injecté dans le réseau gazier, être brûlé pour produire de l'électricité ou servir directement comme carburant dans des véhicules adaptés.

Revenus supplémentaires pour la profession agricole

Les mesures annoncées ce 26 mars doivent permettre de structurer et de professionnaliser la filière, alors qu'il existe environ 400 installations de méthanisation en France, dont la moitié dans des fermes, contre "10.000" en Allemagne. Elles doivent également nourrir les travaux de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui tracera la feuille de route de la transition énergétique pour la période 2019-2023.
Une première série de dispositions visent plus spécifiquement les agriculteurs, pour qui la méthanisation peut représenter des "revenus supplémentaires", a souligné Sébastien Lecornu. Le gouvernement souhaite ainsi faciliter l'accès au crédit pour la méthanisation agricole et mettre en place un complément de rémunération pour les petites installations. Des formations doivent également être développées, en particulier à destination du monde agricole, souligne un communiqué.

Simplification de la réglementation

Surtout, les mesures proposées doivent permettre d'accélérer la mise en place de projets de méthanisation pour faire baisser les coûts de production et développer une filière française. Cela passe par la simplification de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) qui, en raison des nuisances ou des risques qu'elles présentent, sont soumises à de nombreuses réglementations et autorisations. Le gouvernement souhaite réduire les délais d'instruction des projets de un an à six mois et relever le seuil applicable à la déclaration des ICPE à 100 tonnes par jour, au lieu de 60. "Ce régime d'enregistrement, plus souple, sera étendu à l'ensemble de l'activité de méthanisation ICPE, en plus du régime de déclaration possible pour la méthanisation agricole", souligne le ministère.
Le gouvernement prévoit également de créer un "guichet unique" pour l'instruction des dossiers réglementaires relatifs aux méthaniseurs (dossier ICPE/IOTA ou d'agrément sanitaire).
La réglementation "loi sur l'eau" va aussi être simplifiée. Ainsi, les méthaniseurs soumis à l'enregistrement ou à la déclaration ICPE seront désormais soumis au régime de "l'enregistrement", ce qui aura pour conséquence de supprimer l'étude d'impact et l'enquête publique.

Gisements élargis

 "Passer à une échelle plus large suppose aussi de développer des méthaniseurs de grande taille et d’aller chercher les gisements à méthaniser (déchets d’industries agro-alimentaires, biodéchets, biogaz de décharge, boues de stations d’épuration)", souligne le gouvernement qui en escompte une baisse progressive des coûts de production (de 100 à 80 euros /MWh) et le développement d’une filière française et européenne des matériels de méthanisation. Les mélanges d’intrants deviendront donc possibles parce qu’ils sont nécessaires à la bonne performance de la méthanisation "mais seulement dans des conditions de sécurité renforcées pour les terres agricoles en cas d’épandage du digestat. Par défaut, le mélange appliquera les règles d’épandage les plus strictes s’imposant à ses
composants et une règle générale de traçabilité sera définie", affirme le ministère.
Le décret ICPE pour les méthaniseurs soumis à enregistrement permettra le mélange, sauf en cas de mélange de boues de stations d’épuration avec les biodéchets et d’utilisation du digestat en épandage. Dans ce cas, un arrêté préfectoral sera requis pour définir les conditions au cas par cas. Un groupe de travail a été lancé pour définir ces conditions avec la profession agricole.

Méthanisation des boues des stations d'épuration

Le plan prévoit également la généralisation de la méthanisation des boues de grandes stations d’épuration (STEP). "Elles représentent un fort gisement pour le développement de la méthanisation, car seules 22% d’entre elles sont méthanisées à ce jour", rappelle le ministère. Un travail avec les collectivités et les professionnels démarre pour préciser le calendrier et les soutiens.
Autre disposition attendue : la publication "d'ici l'été" de l’arrêté permettant la réfaction des coûts de raccordement des installations de méthanisation au réseau de transport de gaz naturel. La loi du 30 décembre 2017 sur les hydrocarbures a en effet modifié le code de l’énergie pour autoriser la prise en charge par le tarif d’utilisation des réseaux d’une partie du coût de raccordement des installations de méthanisation aux réseaux de transport de gaz naturel, comme c’est le cas pour les réseaux de distribution. "Cela étendra la zone dans laquelle l’implantation de projets de méthanisation avec injection est économiquement envisageable", souligne le ministère.
Enfin, le groupe de travail a proposé la création d’un "droit à l’injection" dans les réseaux de gaz naturel dès lors que l’installation de méthanisation se situe à proximité d’un réseau existant pour éviter que des projets ne soient bloqués faute de capacités. Les gestionnaires de réseau seront chargés d’effectuer les investissements nécessaires pour que cela devienne possible.
Après la méthanisation, Sébastien Lecornu a annoncé le lancement d'un groupe de travail sur le solaire "pour repérer le foncier disponible, pour se lancer dans l'auto-consommation, pour réfléchir au thermo-solaire".