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Education - Le conseil général de Seine-Saint-Denis ouvre douze nouveaux collèges

La Seine-Saint-Denis a ouvert douze collèges "haut de gamme" en une seule rentrée, un "choc éducatif" qui a eu recours aux partenariats public-privé. Le département aimerait bien aujourd'hui que l'Etat fasse sa part de boulot.

Des établissements "vétustes" et "délabrés", un taux d'échec record (supérieur de 4 points à la moyenne nationale au brevet), fuite vers le privé... Aux grands maux les grands moyens, ce qui a justifié le recours aux partenariats public-privé. 700 millions d'euros - l'équivalent de 10 Airbus A320 - ont été mis sur la table dans le cadre d'un plan inédit par son ampleur, lancé par le département de Seine-Saint-Denis en 2010.
En raison du baby-boom des années 2000, la Seine-Saint-Denis, territoire parmi les plus jeunes de France, doit scolariser environ 1.000 collégiens de plus chaque année. Une gageure pour ce département surendetté et confronté à de multiples difficultés sociales.
"On a fait des sacrifices douloureux", souligne Stéphane Troussel, président (PS) du conseil général, expliquant que pour boucler le budget, il a fallu passer par des partenariats public-privé (PPP). Selon le conseil général, plus de 60% du financement global reste public et les redevances versées aux géants du BTP Eiffage et Fayat se "limiteront" à 20 millions d'euros de redevance par an pendant 20 ans.

Mini campus "à l'américaine"

Stains, Clichy-sous-Bois, Bondy, Saint-Ouen... Cinq collèges flambant neufs, qui disposent même chacun d'une imprimante 3D, sont ainsi sortis de terre, tandis que sept autres ont été reconstruits. Parmi eux, le collège international de Noisy-le-Grand, premier du genre dans le "neuf-trois", et qui veut être le pendant dans l'Est de la région parisienne de celui de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), prisé des familles aisées. En face d'une cité délabrée, cette sorte de mini-campus à l'américaine, que le Premier ministre Manuel Valls inaugurait vendredi 5 septembre, dispose d'un internat et d'un vaste gymnase. Les élèves, venant "de tous horizons", voyageront au Brésil ou en Algérie, et "l'objectif est qu'ils ressortent bilingues", en anglais, arabe ou encore chinois, relève Loïc Guignolet, son principal.
"Il fallait créer un choc éducatif en Seine-Saint-Denis, montrer qu'on peut y réussir", signale Stéphane Troussel, fier du sursaut des inscriptions dans le public dans la ville de Saint-Denis depuis l'ouverture l'an dernier d'un nouveau collège, Jean-Lurçat. Ces collèges "haut de gamme" suffiront-ils à améliorer l'image dégradée de l'enseignement public dans le 93 ? "C'est un département où il y a un fort taux d'évitement de la carte scolaire. Beaucoup d'élèves filent vers le privé ou vers les établissements parisiens", s'interroge Stéphane Larrieu.

"Maintenant il faut des profs en quantité suffisante"

Le conseil général devrait décider à l'automne d'une deuxième vague de travaux. Objectif : rénover 90 établissements supplémentaires, dont les plus délabrés, d'ici 2020, et en construire de nouveaux. L'effort financier restera toutefois vain si l'Education nationale ne parvient pas à mettre suffisamment d'enseignants en face des élèves, dans des quartiers qui font figure de repoussoir pour les profs, relèvent les syndicats. "L'an dernier, il y avait sur la Seine-Saint-Denis 95 postes de profs de maths vacants alors qu'il y en avait 0 dans le Val-de-Marne" voisin, calcule Mathieu Logothetis, responsable du Syndicat national de l'enseignement secondaire (Snes) dans le 93. Pour attirer les candidats, les nouveaux collèges ont prévu, à côté de la traditionnelle salle des profs, des bureaux individuels et des espaces de détente, un luxe rare dans les établissements du secondaire. "Le conseil général a fait la part qui lui incombe. Maintenant il faut des profs en quantité suffisante", dans un département où les absences non remplacées sont un fléau, martèle Hervé Hervieu, responsable départemental de la fédération de parents d'élèves FCPE.
"Nous avons besoin que l’État nous accompagne dans la durée et que les efforts effectués depuis deux ans soient maintenus et développés", avait déjà plaidé Stéphane Troussel, en juillet dernier, auprès de Benoît Hamon alors ministre de l'Education nationale, demandant à l’État "de nous accompagner entre 2015 et 2020".