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Le Conseil d'État annule le schéma d'accueil des demandeurs d'asile, mais valide le rééquilibrage entre régions

Une décision du Conseil d'État annule deux arrêtés portant sur le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés (Snadar).. L'annulation porte sur la non-prise en compte de l'outre-mer. En revanche, la décision valide le fait d'orienter des demandeurs d'asile vers une autre région que l'Île-de-France.

Dans une décision du 21 décembre 2021, le Conseil d'État annule l'arrêté portant schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés (Snadar). La décision annule en fait deux textes successifs : l'arrêté du 7 janvier 2021 (voir notre article du 12 janvier 2021) et l'article 1er de l'arrêté du 7 avril 2021, qui modifie le texte précédent (voir notre article du 21 avril 2021). L'annulation de ces deux textes ne remet toutefois pas en cause la logique du Snadar et conforte au contraire ce qui en est l'une des mesures fortes : le rééquilibrage dans la répartition des demandeurs d'asile opéré au bénéfice de l'Île-de-France.

Le schéma d'accueil doit inclure les collectivités d'outre-mer

Le Conseil d'État était saisi d'une demande en annulation de ces deux arrêtés pour excès de pouvoir par plusieurs associations spécialisées dans le soutien aux réfugiés et aux demandeurs d'asile : Cimade, Gisti, Ligue des droits de l'homme, Fasti et Comede. Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoit que "le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés fixe la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région ainsi que la répartition des lieux d'hébergement qui leur sont destinés. [...] Un schéma régional est établi par le représentant de l'État dans la région, après avis d'une commission de concertation composée de représentants des collectivités territoriales, des services départementaux de l'éducation nationale, de gestionnaires de lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile et d'associations de défense des droits des demandeurs d'asile et en conformité avec le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile".

L'arrêté du 7 janvier 2021 fixait, d'une part, la répartition des places d'hébergement dédiées à l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés entre les régions métropolitaines, hors Corse, au 31 décembre 2021 (article 1er) et, d'autre part, pour chaque région, la part des demandeurs d'asile accueillis au titre de l'orientation vers une autre région que celle où ils ont déposé leur demande (article 2). Or, dans sa décision, le Conseil d'État constate qu'"il ne résulte d'aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu exclure les collectivités d'outre-mer de la répartition des places d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés. Dès lors que les arrêtés attaqués n'incluent pas les collectivités d'outre-mer dans la répartition des places d'hébergement pour demandeurs d'asile, les associations requérantes sont fondées à soutenir qu'ils sont, dans cette mesure, illégaux". Le Conseil annule donc les deux arrêtés "en tant qu'ils n'incluent pas les collectivités d'outre-mer dans la répartition des places d'hébergement pour demandeurs d'asile et réfugiés entre régions". La décision annule également le seul arrêté du 7 janvier 2021, "en tant qu'il ne fixe pas la part des demandeurs d'asile accueillis dans chaque région". Cette abstention ayant été réparée par l'arrêté du 7 avril 2021 (voir notre article du 21 avril 2021), ce second arrêté n'est donc pas annulé à ce titre.

Pas de proportionnalité entre le nombre de demandes et le nombre de places

En revanche, le Conseil d'État déboute les associations requérantes sur un autre point, très contesté dès l'origine par les acteurs sociaux. Les requérantes contestaient en effet la répartition entre régions opérée par cet arrêté du 7 avril, qui prévoit d'orienter en région 77% des nouveaux demandeurs d'asile, alors que 46% des demandes sont déposées en Île-de-France. Sur ce point, la décision du Conseil d'État est parfaitement claire : "Il ne résulte [...] d'aucun texte que le ministre devrait répartir les places d'hébergement destinées aux demandeurs d'asile entre régions de manière proportionnelle au nombre de demandes d'asile présentées dans chaque région. Au contraire, le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile doit notamment permettre d'orienter des demandeurs d'asile vers une autre région que celle dans laquelle ils ont présenté leur demande d'asile, lorsque celle-ci concentre une forte demande. Par suite, ni la circonstance qu'aucune place ne soit créée en centre d'accueil et d'examen des situations et en centre d'accueil de demandeurs d'asile en Île-de-France, ni celle, à la supposer établie, que ces créations ne compenseraient pas, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la diminution du nombre de places en hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile ne sont, par elles-mêmes, de nature à caractériser une erreur manifeste d'appréciation dans la répartition des places d'hébergement entre régions".

Conséquence : le ministère de l'Intérieur devra revoir les deux arrêtés, et le schéma national qui en découle, en y intégrant les collectivités d'outre-mer. En revanche, le rééquilibrage entre régions – principalement pour soulager l'Île-de-France qui concentre près de la moitié des demandes et qui constitue l'une des mesures phares du nouveau schéma – pourra être maintenu en l'état.

Références : Conseil d'État, 2e et 7e chambres réunies, décision n°450551 du 21 décembre 2021.
 

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