Loi Egalité et Citoyenneté - Le Conseil constitutionnel censure une cinquantaine de "dispositions spécifiques"
Dans sa décision rendue le 26 janvier au soir, le Conseil constitutionnel a censuré une cinquantaine de mesures, dont la possibilité de supprimer la dotation de solidarité urbaine aux communes ne réalisant pas assez de logement social, l'obligation de 20% de bio dans les cantines ou encore plusieurs articles intéressant les associations. Pour les ministres du Logement et de la Ville, "les objectifs et principales dispositions" de la loi sont validés.
Saisi le 27 décembre dernier par des sénateurs et des députés suite à l'adoption définitive du projet de loi Egalité et Citoyenneté, le Conseil constitutionnel a rendu le 26 janvier 2017 au soir sa décision. Au total, près de 50 articles, d'importances diverses, sont censurés.
Jusqu'à la fin, le parcours législatif de ce texte hétéroclite n'aura pas été simple. Dans un communiqué commun, Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l'Habitat durable, et Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, "se félicitent" d'une décision qui "valide les objectifs et principales dispositions" de la loi "en matière de mixité sociale, d'engagement citoyen et d'égalité réelle". Les ministres "prennent acte" de la censure de "certaines dispositions spécifiques pourtant attendues au regard des objectifs de la loi et en particulier : la nouvelle définition de l'intérêt général associatif, l'encadrement des recours abusifs contre les permis de construire [art. 110, NDLR], la meilleure prise en compte du surendettement des locataires pour lutter contre les procédures d'expulsion [paragraphes V à VII de l'art. 152, ndlr]".
La suppression de la DSU susceptible de fragiliser des communes déjà en difficulté
La juridiction a censuré sur le fond quelques dispositions intéressant les collectivités locales, en particulier l'article 100 qui permettait la suppression du bénéfice de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale pour les communes qui n'atteignent pas leurs objectifs de réalisation de logements sociaux et qui font, de ce fait, l'objet d'une procédure de carence. La privation de ces ressources est en effet, pour les membres du Conseil, de nature à "entraver [la] libre administration" de communes déjà fragilisées sur le plan financier. La disposition a été également jugée insuffisamment précise et circonstanciée, puisque l'écart entre le nombre de logements sociaux et les objectifs de la commune n'entrait pas en ligne de compte et la perte de ressources n'était pas plafonnée.
Concernant le titre II de la loi centré sur le logement et la mixité sociale, les autres articles (70, 97, 98, 99) mis en exergue dans les saisines parlementaires ont tous été validés. A notamment été jugé conforme à la Constitution l'article 70 réservant 25% des attributions annuelles de logements sociaux en dehors des quartiers défavorisés aux demandeurs les plus modestes.
En matière d'urbanisme, outre l'article 110, ont été jugés contraires à la Constitution – du fait de la procédure d'adoption - l'article 91 destiné à faciliter la réunion de plusieurs lots dans le cadre d'un vote en assemblée générale de copropriété et le "paragraphe XIV de l'article 117 [modifiant] les conditions de majorité requise pour la définition de l'intérêt communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale".
Le bio dans les cantines : encore raté
Dans le domaine de l'éducation, le Conseil constitutionnel a censuré l'article 39 destiné à permettre la mise en place par ordonnance d'un régime d'autorisation pour l'ouverture d'écoles privées, au lieu du régime de déclaration d'ouverture préalable actuel. Motif : "l'atteinte susceptible d'être portée à la liberté de l'enseignement", du fait de l'insuffisante précision des finalités du nouveau dispositif.
Sur des motifs de forme, le Conseil a aussi censuré "l'obligation, pour les services de restauration collective des personnes publiques, de servir une part minimale de produits issus de l'alimentation durable et de l'agriculture biologique" (art. 192). Suite à l'échec de la proposition de loi sur l'ancrage territorial de l'alimentation (voir notre article du 11 mars 2016), certains parlementaires misaient pourtant bien sur la loi Egalité et Citoyenneté pour faire enfin passer les obligations d'introduire 40% de produits locaux et 20% de bio dans la restauration collective d'ici 2020.
A en revanche été jugé conforme l'article 186 prévoyant que "l'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés" et qu'il "ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille". Les sénateurs requérants soutenaient notamment que cette disposition entraînerait pour les communes des dépenses nouvelles non compensées. Le débat sur ce sujet du droit d'accès à la cantine en primaire ne date pas d'hier (un texte sur le sujet avait par exemple été rejeté par le Sénat en décembre 2015 - voir notre article). La question est désormais tranchée.
En matière d'enfance, on relèvera au passage que l'inscription de l'exclusion de "tout recours aux violences corporelles" au chapitre "autorité parentale" du code civil (art. 222) a elle aussi été censurée pour des motifs de forme.
Censure de plusieurs dispositions destinées à soutenir les associations
C'est d'ailleurs surtout au titre de la forme que les membres du Conseil ont fait le ménage dans une loi de fin de mandat riche en "cavaliers législatifs". Parmi les 36 articles censurés sur ce motif, certains ne présentaient en effet que peu de lien avec l'objet initial du projet de loi, à l'instar de l'article 50 qui "assouplit les règles de vente au déballage". D'autres introduisaient des dispositions très spécifiques, mais non sans aucun lien avec les objectifs du projet de loi de promotion de l'engagement, de la participation, de l'égalité et de la mixité.
Concernant les associations et les enjeux de citoyenneté, sont notamment censurés : la création d'une procédure permettant aux associations de saisir le préfet afin qu'il se prononce sur leur caractère d'intérêt général (art. 13 et 14), la définition et l'encadrement du parrainage républicain (art. 42), l'attribution de nouvelles missions liées à la simplification administrative et à l'accompagnement des bénévoles par les pouvoirs publics au Haut Conseil à la vie associative (art. 44), la mise à disposition de biens saisis par la Justice aux associations (art. 45), l'inversion de "la règle de séniorité en cas d'égalité de suffrages aux élections politiques" (art. 51) ou encore l'autorisation de "l'expérimentation de conventions d'occupation à titre gratuit des bâtiments privés ou publics vacants, au bénéfice d'associations" (art. 112). Du fait de l'absence de "portée normative", l'article 68 reconnaissant le droit de chaque jeune de 18 ans à bénéficier d'une expérience de mobilité internationale a également été censuré.
Après cette décision du Conseil constitutionnel, la loi Egalité et Citoyenneté devrait maintenant être promulguée dans les jours qui viennent.