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Territoires - Bio dans les cantines : les sénateurs suppriment l'objectif des 20%

Les sénateurs n'ont pas pu achever, mercredi, l'examen de la proposition de loi sur l'ancrage territorial de l'alimentation qui fixe un objectif de 40% de produits locaux dans la restauration collective en 2020. Pendant plus de quatre heures, ils se sont écharpés sur la proportion de 20% de produits bio introduite par les députés en janvier. Une mesure finalement supprimée. En lieu et place, ils ont introduit une référence aux produits de proximité ou issus d'une identification de qualité ou d'origine, type AOC, IGP...

Le Sénat a pris des airs de banquet gaulois, mercredi 9 mars. Il y était question du "manger local" et de la proposition de loi sur l'ancrage territorial de l'alimentation. Mais les esprits se sont vite échauffés sur la question du bio. Après plus de quatre heures de débat, les sénateurs n'ont pu examiner que le 1er article de ce texte qui n'en comporte pourtant que 5. La suite de l'examen a été reportée sine die.
Adoptée à l'unanimité par les députés le 14 janvier, la proposition de loi de la députée Brigitte Allain fixe, à l'article 1, un objectif de 40% de produits locaux de qualité dans la restauration collective d'ici à 2020. Objectif auquel les députés ont ajouté une proportion de 20% de produits issus de l'agriculture biologique. Les sénateurs ont fait sauter cet objectif de produits bio, mercredi, prétextant qu'il ne serait pas atteignable. Ils ont suivi en cela le vote de la commission des affaires économiques, une semaine plus tôt (voir ci-contre notre article du 7 mars 2016). Ils ont également supprimé la référence à "l'alimentation durable". En lieu et place, les sénateurs ont voté un amendement LR qui, tout en maintenant les 40% de produits locaux, précise que ces derniers sont "issus d'approvisionnement en circuits courts ou de proximité, ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits". "En fonction des capacités de production locale, une proportion de produits servis est prioritairement issue d'une identification de la qualité et de l'origine ou sous mentions valorisantes ou découle d'une démarche de certification de conformité des produits (…), ou est issue de l'agriculture biologique", précise l'amendement. L'objectif est de valoriser les identifications ou les différents labels de qualité : AOC, AOP, IGP, "Label rouge", "produit fermier", "produit de montagne"...

3,6 milliards de repas servis chaque année

Le rapporteur écologiste Joël Labbé (Morbihan) avait pourtant tenté de faire passer un compromis : comptabiliser dans les 20% les produits de surfaces en conversion. Un amendement du sénateur écologiste de Paris Jean Desessard a été déposé en ce sens. La majorité sénatoriale ne l'a pas entendu ainsi. "L'objectif de 20% de produits bio est une fausse bonne idée", a déclaré Henri Tandonnet (UDI, Lot-et-Garonne), auteur de l'amendement voté en commission. "Les professionnels se concentreraient sur lui et achèteraient par ailleurs des produits à bas coût, voire importés. Au lieu de fixer des objectifs irréalisables, préservons ce qui fonctionne, comme les MIN", a-t-il développé, mettant en garde contre "l'excès de normes". "Depuis 2014, l'AMF incite les collectivités à privilégier l'achat local ; beaucoup le font sans y être obligées par la loi. Mais toutes n'ont pas les mêmes moyens financiers...", a-t-il ajouté.
Avec 3,6 milliards de repas servis chaque année, la restauration collective peut être un levier considérable pour l'agriculture de proximité, notamment le bio. De nombreux textes de loi ou plans gouvernementaux ont fixé des objectifs dans ce domaine (le Grenelle prévoyait déjà un objectif de 20% mais uniquement pour les administrations de l'Etat). Sans vraiment changer la donne. Moins de 3% des produits issus dans les cantines seraient issus de l'agriculture biologique. Les produits bio "ne représentent souvent que 5 à 6% de la production locale", a ainsi indiqué Henri Tandonnet.
Mais pour Joël Labbé, les mesures proposées auraient créé "un appel d'air bienvenu", "en fixant un seuil chiffré, contraignant mais accessible". Les projets alimentaires territoriaux de la loi d'avenir de l'agriculture de 2014 "sont l'instrument idoine".

Un problème d'organisation plus que d'offre

La Fédération nationale de l'agriculture biologique (Fnab) estime que 400.000 hectares suffiraient pour atteindre les 20%, alors que l'agriculture bio représente 1,3 million d'hectares en France et qu'elle a le vent en poupe. En 2015, 220.000 hectares ont été convertis. Elle est même victime de son succès : les crédits européens au maintien et à la conversion de la programmation 2015-2020 viennent déjà à manquer dans certaines régions, comme le Centre… "La question n'est pas tant de la quantité que de l'organisation du marché et de la rencontre de l'offre et de la demande : c'est là que nous avons notre rôle à jouer, pour organiser un mouvement qui est en marche", a tenté de faire valoir Jean Desessard.
Seule concession au groupe écologiste : les sénateurs ont voté un amendement qui ne prend plus la date du 1er janvier 2020 comme un couperet sur les contrats en cours. Elle ne s'appliquerait désormais qu'aux contrats futurs, de manière à laisser le temps aux acheteurs publics de s'adapter.
Les sénateurs ont par ailleurs voté un amendement communiste qui introduit "des actions en faveur du maintien des abattoirs à proximité des élevages". Une proposition contestée par le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, qui se remet tout juste des scandales des deux abattoirs gardois.
Pour accroître la part des produits locaux et bio dans les marchés de restauration collective, le ministre veut croire à la pédagogie. Il a rappelé les mesures de sensibilisation prises depuis 2014, avec l'élaboration de plusieurs guides. Lors du dernier salon de l'agriculture, il a annoncé qu'une boîte à outils serait fournie aux élus à l'été 2016. Elle comprendra notamment les trois guides sur l'approvisionnement local, les plateformes collectives et les soutiens financiers mobilisables, des fiches pédagogiques et des modules de formation.

 

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