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Agriculture / Environnement - L'Assemblée unanime pour faciliter l'approvisionnement local dans la restauration collective

Les députés ont adopté à l'unanimité le 14 janvier la proposition de loi écologiste visant à favoriser le "manger local" dans la restauration collective. Ils ont apporté plusieurs retouches, notamment pour préciser le contenu des 40% de produits relevant de l'alimentation durable entrant dans la composition des repas. Ils ont aussi supprimé l'objectif intermédiaire pour le déploiement du dispositif d'ancrage territorial de l'alimentation collective publique pour ne retenir que la date du 1er janvier 2020.

L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité en séance le 14 janvier la proposition de loi écologiste sur l'ancrage territorial de l'alimentation, votée en commission le 15 décembre dernier. Porté par Brigitte Allain, ce texte s'inscrit dans la lignée du rapport intitulé "Et si on mangeait local..." que cette députée de Dordogne, agricultrice de profession, avait publié en juillet 2015. Une pétition en ce sens lancée par Agir pour l'environnement a recueilli plus de 110.000 signatures.

Changer d'échelle

""Produire local pour manger local" : il ne s'agit pas seulement de développer les circuits courts mais bien de changer d'échelle en régionalisant les filières agricoles et agro-alimentaires, souligne l'exposé des motifs de la proposition des loi. C'est possible et bénéfique pour l'emploi, l'environnement et le lien social." "Si les ventes des produits en circuits courts et locaux atteignaient 10% du chiffre d'affaires global de l'alimentation, les circuits courts et de proximité pourraient créer entre 80.000 et 100.000 emplois, des emplois non délocalisables et valorisants, ajoute le texte. De même, concernant ces bienfaits environnementaux, une denrée alimentaire parcourt en moyenne 3.000 km avant d'atterrir dans nos assiettes alors que le rayon d'un produit local se situe entre 30 et 100 km ! De nombreuses expériences ont démontré que manger local entraîne des comportements plus responsables : recherche de produits bio, réduction du gaspillage alimentaire, tri des déchets, etc." Autre avantage mis en avant : "l'ancrage territorial de l'alimentation doit être considéré comme une des principales solutions pour diminuer les émissions de CO2 de l'agriculture" qui représentent 25% des émissions de gaz à effet de serre en France.

Dans le prolongement de la loi d'avenir pour l'agriculture

L'objectif de la proposition de loi est donc de "créer un ancrage territorial de l'alimentation, par le biais de la restauration collective, publique comme privée", a souligné Brigitte Allain lors de la discussion générale. "Ce texte prolonge la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, du 13 octobre 2014, et place l'ancrage territorial de la production agricole au rang des objectifs de la politique alimentaire", a-t-elle ajouté.
D'ici au 1er janvier 2020, la composition des repas servis dans les restaurants collectifs publics devra inclure 40% de produits mentionnant la qualité et l'origine, issus de circuits courts, ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité, dont 20% issus de l'agriculture biologique. L'observatoire de l'alimentation sera, entre autres, chargé de définir les outils méthodologiques pour permettre aux organismes publics et privés de restauration collective de définir ces 40%. Car, avec ces 40%, "parle-t-on de la valeur d'achat", de la "composition de chaque plat ou de l'ensemble du menu", et "quid du pain", s'est notamment interrogé le député socialiste Hervé Pellois.
Une série d'orateurs, dont la coprésidente du groupe écologiste Cécile Duflot, ont insisté sur "la démocratisation d'une agriculture de qualité". Et le chef de file du Front de Gauche André Chassaigne, favorable à un "excellent texte", a appelé à "de nouveaux rapports de force au niveau européen" pour contrer les "logiques libérales". Jugeant que "cette proposition de loi apportera une étape supplémentaire à la stratégie du gouvernement" en la matière depuis 2012, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a aussi relevé qu'un approvisionnement local de qualité et en quantité nécessitait des délais d'organisation. "L'Etat a pris ses responsabilités dans ce domaine, au niveau de son administration, avec beaucoup de remise à plat des accords et négociations sur l'approvisionnement", a-t-il souligné. La proposition de loi apporte selon lui "un complément nécessaire en fixant des objectifs chiffrés ambitieux aux collectivités locales : pour les atteindre (…), il faudra, à chaque étape, coordonner la demande locale et l'offre locale."
Si plusieurs collectivités ont déjà engagé le mouvement, il reste pourtant du chemin à faire pour le "manger local", ont relevé plusieurs députés, évoquant notamment une proportion de 70% de viande importée dans les cantines, à l'opposé de l'Allemagne. "L'hôpital de Saint-Brieuc importait massivement il y a quelques mois de la viande polonaise", selon Marc Le Fur (Les Républicains). Et, a relaté le radical de gauche Jean-Noël Carpentier, "dans les cantines de certains départements du sud-ouest (...), on servait aux enfants, il y a encore quelques mois, du lapin chinois" pour "réduire au maximum le prix des menus". A l'inverse, a mis en garde Jean-Charles Taugourdeau (Les Républicains), "attention à ne pas créer des maraîchers totalement dépendants des cantines scolaires, donc de la fermeture ou non des classes".

Suppression de l'objectif intermédiaire de 20%

Plusieurs retouches ont été apportées dans l'hémicycle pour aboutir à un "texte d'équilibre". A l'article 1er, un amendement défendu par Hervé Pellois vise à intégrer le dispositif d'ancrage territorial de l'alimentation dans les objectifs généraux de la politique de l'alimentation (assurer à la population "l'accès à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, produite dans des conditions économiquement et socialement acceptables par tous, favorisant l'emploi, la protection de l'environnement et des paysages et contribuant à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique"). L'objectif intermédiaire de 20% pour le déploiement du dispositif d'ancrage territorial de l'alimentation collective publique a été supprimé via un autre amendement de Hervé Pellois. La date de déploiement est donc fixée au 1er janvier 2020. Un amendement défendu par Brigitte Allain mentionne en outre explicitement les établissements publics, pour qu'ils entrent dans le champ d'application de l'article 1er. "Bien que rattachés à une collectivité locale, ils bénéficient d'une autonomie administrative et financière, qui risquerait de les exclure du dispositif, a expliqué la députée. Les communautés de communes et les hôpitaux, en tant qu'établissements publics, se trouveraient ainsi inclus dans le dispositif." Les députés ont aussi apporté de nouvelles précisions aux 40% de produits relevant de l'alimentation durable entrant dans la composition des repas : ils pourront ainsi inclure "des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou sous mentions valorisantes, définis à l'article L.640-2 du Code rural et de la pêche maritime, issus d'approvisionnements en circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, notamment la saisonnalité des produits." "20% des produits servis sont issus de l'agriculture biologique".

Un rapport au Parlement sur les moyens nécessaires

André Chassaigne a obtenu, au plus tard le 1er janvier 2017, la remise d'un rapport du gouvernement au Parlement sur les moyens permettant la mise en œuvre de l'article L. 230-5-1 du Code rural et de la pêche maritime. "Il présente notamment une évaluation des moyens supplémentaires nécessaires aux gestionnaires de la restauration collective de l'État, ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements, pour respecter leurs obligations en matière d'incorporation de produits relevant de l'alimentation durable", est-il précisé.
Le texte prévoit aussi que les grandes entreprises intègrent dans leur rapport sur leur Responsabilité sociale et environnementale (RSE) des informations sur leurs engagements en faveur de l'alimentation durable. La droite, selon laquelle "les entreprises ne peuvent plus supporter de contraintes", a échoué à faire supprimer ce volet. "Comme c'est facultatif, on est dans quelque chose qui peut rajouter un élément positif à l'image des entreprises", a plaidé le ministre. Stéphane Le Foll a en outre fait préciser dans le texte que les chambres d'agriculture sont partie prenante, dans le cadre de l'exercice de leurs missions, de la mise en œuvre des projets alimentaires territoriaux. Enfin, la proposition de loi étend, à la satisfaction de l'ex-ministre PS Benoît Hamon, le label "fait maison" à la restauration collective, publique ou privée, pour mieux informer les consommateurs et valoriser le travail des cuisiniers.