Cinquième risque - Le Centre d'analyse stratégique propose un regard international sur la dépendance
Le Centre d'analyse stratégique (CAS) publie une note et un rapport très éclairants et originaux sur "Les défis de l'accompagnement du grand âge : Perspectives internationales pour éclairer le débat national sur la dépendance". On peut toutefois regretter la sortie tardive de ce document, alors que le débat national s'est achevé et que le chef de l'Etat devrait annoncer dans les tout prochains jours les grandes orientations de la réforme de la dépendance (voir nos articles ci-contre).
Cette réserve posée, le document du CAS n'en demeure pas moins très intéressant et a le grand mérite de donner un peu d'air à un débat franco-français. Le Centre consacre en effet son rapport à une analyse des enjeux et des politiques de prise en charge de la perte d'autonomie dans les principaux pays de l'OCDE, avec en outre des focus sur huit "pays de référence" : Allemagne, Danemark, Etats-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.
Convergences et divergences
Dans cette approche transversale et internationale, le rapport du CAS aborde successivement cinq grands thèmes. Le premier est consacré aux enjeux comparés de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. En ce domaine, la convergence domine très nettement : tous les pays sont confrontés à un défi démographique "globalement commun", malgré des écarts importants entre Etats qui vont s'accroître dans les prochaines décennies (moins de 8% de plus de 80 ans à l'horizon 2050 aux Etats-Unis, contre plus de 16% au Japon, la France se trouvant dans une position médiane). Face à ces défis communs, les systèmes nationaux de prise en charge sont en revanche "très contrastés", même si tous les pays concernés réfléchissent à des réformes. Le second thème abordé par le rapport concerne le financement des services liés à la dépendance. Il fait apparaître des différences plus prononcées entre les pays. Le CAS identifie ainsi trois groupes. D'une part, les pays qui ont développé une couverture universelle au sein d'un programme unique, financée par l'impôt (pays nordiques) ou par les assurances sociales (Allemagne, Japon, Corée, Pays-Bas). D'autre part, les pays disposant de systèmes d'aides sous condition de ressources (Royaume-Uni et Etats-Unis). Enfin, ceux combinant différents dispositifs (en nature et/ou en espèces), à l'image de la France, de l'Italie, de l'Espagne, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande...
Des constats partagés, mais des réponses différentes
Curieusement, l'évaluation de la dépendance - qui devait constituer une approche largement partagée dans ses grandes lignes - donne pourtant, elle aussi, lieu à divergences. La grande majorité des pays ont une approche instrumentale, autrement dit consistant à évaluer ce que la personne est capable de faire sans assistance, afin d'en déduire les aides à apporter. La France relève clairement de cette catégorie avec la grille Aggir. Mais d'autres pays s'appuient sur la notion - très différente et plus médicale - de "besoins de soins". Par ailleurs, les systèmes d'évaluation diffèrent tout aussi fortement par la place donnée aux collectivités territoriales dans leur mise en œuvre. Les approches sont davantage partagées en matière de prévention, mais cette dernière peine à se développer en dépit d'un discours très favorable.
L'organisation de la prise en charge à domicile et en établissement relève également de la même dichotomie : accord unanime des Etats étudiés pour privilégier le maintien à domicile, mais pratiques très différentes selon les pays. On retrouve toutefois une tendance généralisée à diversifier les lieux de vie et de prise en charge, de même que les dispositifs d'accompagnement.
Enfin, tous les pays étudiés ont pris conscience du rôle essentiel des aidants familiaux, même si les pratiques en la matière sont très marquées par des cultures familiales différentes. Les dispositifs de soutien aux aidants familiaux sont en revanche beaucoup plus diversifiés. En ce domaine, la France n'est pas vraiment en avance, certains pays ayant déjà mis sur pied des systèmes de compensation monétaire pour les aidants (Royaume-Uni, Espagne), tandis que d'autres leur permettent de disposer de congés spécifiques (Italie, Irlande, Suède, Allemagne).