Habitat - Le CAS plaide pour une nouvelle fiscalité du logement
Dans sa dernière note, le Centre d'analyse stratégique (CAS) se penche sur la fiscalité du logement. Conformément à la vocation de cet organisme qui a remplacé le "Commissariat au Plan" depuis 2006, l'approche se veut avant tout macro-économique. La note rappelle en effet qu'"il existe un lien fort entre statut d'occupation du logement, mobilité géographique et performance du marché du travail : un marché du logement fluide pourrait être un déterminant non-négligeable du taux de chômage structurel dans les économies développées". Fort de ce postulat, le CAS identifie deux freins principaux à la mobilité résidentielle : l'importance des droits de mutation et un traitement fiscal des revenus fonciers jugé très défavorable aux "locataires bailleurs" (catégorie correspondant aux ménages locataires de leur résidence principale et propriétaires d'un bien immobilier mis en location).
La note reflète fidèlement les forces et les faiblesses de l'organisme héritier du Plan. Côté faiblesses, on trouve des formules qui ne reculent pas devant la contradiction - à l'image de ce très réussi "l'achat immobilier peut être analysé comme une épargne forcée librement consentie" - ou les évidences ("Les aides à l'accession peuvent être un moyen de favoriser une répartition plus équitable du patrimoine"). Côté forces, le CAS confirme sa capacité à imaginer des propositions qui sortent des sentiers battus. C'est le cas avec les deux mesures suggérées par la note. Partant du constat d'un niveau de droits de mutation particulièrement élevé en France (environ 4,8% du prix de vente), la note relève qu'"il n'existe aucune justification économique à l'imposition des transactions immobilières". Elle propose donc de transférer progressivement ces droits sur la taxe foncière, tout en laissant inchangée la pression fiscale. En d'autres termes, la fiscalité correspondante serait répartie sur l'ensemble des propriétaires, mais serait totalement neutre au moment de la vente, favorisant ainsi la fluidité du marché immobilier et allégeant les coûts d'accès au logement.
La seconde proposition s'appuie sur l'existence d'écarts importants dans les deux solutions qui s'offrent à un ménage qui, une fois ses enfants élevés, souhaite habiter dans un logement plus petit ou mieux situé pour une vie de retraités : soit vendre son logement et en acheter un autre, soit mettre en location son ancien logement et louer sa nouvelle résidence principale. Dans ce second cas, le CAS estime que "même si le loyer perçu est égal au loyer payé, le couple est largement perdant puisqu'il sera imposé sur les loyers perçus (jusqu'à 40% du montant)". L'enjeu n'est pas mince, dans la mesure où plus de la moitié des couples sans enfants - soit 2,7 millions de foyers - vivent dans un logement de plus de cinq pièces, contre seulement 12% des couples locataires sans enfants. Aussi, le CAS propose-t-il d'autoriser les locataires bailleurs à déduire les loyers qu'ils versent pour leur nouvelle résidence principale de ceux qu'ils encaissent au titre de leur ancienne résidence principale mise en location. Ceci permettrait notamment de libérer une offre locative de grands logements au profit des familles, favorisant ainsi leur mobilité. La note évalue à 285.000 le nombre de ménages se trouvant dans la situation de propriétaires bailleurs. Le coût de la mesure serait alors de l'ordre de 65 à 90 millions d'euros, si on en limite l'accès aux ménages ne bénéficiant pas d'une aide à l'investissement locatif. On peut cependant s'interroger sur l'impact réel d'une mesure aussi ciblée sur le degré de fluidité de l'ensemble du parc locatif français.
Jean-Noël Escudié / PCA