Le bilan 2022 de Climate Chance met en lumière le rôle des régions européennes dans la lutte contre le changement climatique
L’association Climate Chance vient de publier son Bilan mondial de l’action climat 2022 des territoires, qui met l’accent sur "la constellation" des réseaux et initiatives internationales de coopération et sur le rôle des régions dans les stratégies bas carbone européennes. Le rapport souligne que la pandémie n’a pas entravé les initiatives des collectivités et que la robustesse de l’évaluation de l’impact de leurs émissions progresse. Les résultats demeurent toutefois très parcellaires – et très européanocentrés – et difficiles à évaluer.
L’association Climate Chance a publié son 4e bilan mondial de l’action climat des territoires, qui s’intéresse plus particulièrement cette année, d’une part à la gouvernance des réseaux et initiatives internationales de coopération des collectivités pour le climat, et d’autre part au rôle des régions dans les stratégies bas carbone européennes. En préambule, l’association relève qu’en Europe, "les municipalités engagées pour le climat ont globalement atteint leurs objectifs 2020 de réduction d’émissions".
Défi de l’évaluation
Le rapport souligne toutefois que l’impact agrégé des villes et régions sur les émissions de gaz à effet de serre demeure très difficile à quantifier, en raison de la grande hétérogénéité des méthodes – "il n’existe pas de standard universel" –, mais aussi des pratiques, qui rendent ardue, voire impossible, l’agrégation des données. Cet impact est d’autant plus difficile à évaluer qu’il ne doit pas se limiter au seul "inventaire des émissions" – produites à l’intérieur des limites territoriales – des collectivités, mais doit inclure leur "empreinte carbone", qui prend en compte les émissions générées en dehors de leurs "frontières". L’étude rappelle que si les villes ne représentent que 3% de la surface terrestre, elles abritent 50% de la population mondiale, "ce qu’il signifie qu’elles doivent externaliser un grand nombre d’émissions".
Pour autant, l’association estime que "la comptabilité et le reporting des données […] gagne en robustesse". Grâce à l’apparition de nouveaux outils, qui tendent notamment à un suivi "en temps réel" des émissions. Ou à l’adhésion croissante des collectivités à des initiatives volontaires, comme le "cadre commun de reporting" mis en place par la Convention mondiale des maires (GCoM), qui compte désormais plus de 11.700 villes signataires (à 83% européennes). Une pratique qui repose néanmoins sur le volontariat, qui peut s’étioler. L’association observe ainsi pour la première fois une diminution du nombre de villes ayant transmis leurs données d’émissions à GCoM (de 401 à 371). Les déclarantes sont en revanche légèrement plus nombreuses à rapporter une baisse de leurs émissions (198, contre 191 l’an passé). Des baisses que le rapport juge difficile d’expliquer "au vu de l’hétérogénéité des réponses". Les municipalités déclarantes avancent qu’elles sont la conséquence de changements "technologiques" (26,2%), de comportement (11,5%), de "politiques" (8,9%) ou… de méthode de comptabilité ou d’accès aux données (13,6%).
Pléthore d’initiatives
L’engagement volontaire ne semble pourtant pas en recul, le rapport pointant "une prolifération" des réseaux de collectivités et des initiatives de coopération pour le climat, érigés au rang "d’accélérateurs clés de l’action climat". Cette expansion serait favorisée "par un besoin de combler les lacunes de la coopération intergouvernementale existante", mais serait aussi le fruit de "l’importance croissante des acteurs locaux sur l’agenda mondial". Le rapport dresse le portrait d’un certain nombre d’entre eux, en se concentrant plus particulièrement sur les organisations européennes.
De l’analyse de leurs activités, le rapport tire la conclusion que "malgré un impact négatif sur leurs finances, la pandémie n’a pas empêché les collectivités de poursuivre leur action climat". Il met en relief trois phénomènes :
- l’explosion des Power Purchase Agreements (PPA), contrats à long terme négociés directement entre producteurs et consommateurs d’électricité renouvelable, qui séduisent de plus en plus d’acteurs publics, en particulier de grandes métropoles ;
- la diversification des modes de transport, avec l’accélération considérable "du développement de mobilités individuelles alternatives", au premier rang desquelles le vélo ("1.466 km de nouvelles pistes cyclables ont été déployées en Europe entre mars 2020 et avril 2021, sur les 2.591 km annoncés par les villes"). Le rapport relève également que "l’adoption de bus électriques a pris de l’ampleur sur tous les continents" (plus de 8.000 bus électriques ou hybrides en circulation en Europe l’an passé). Une diversification des modes couplée à celle des modes de financement, le rapport attirant ici l’attention sur le risque de la gratuité des transports en commun, qui "peut avoir tendance à toucher davantage les populations de centre-ville, favorisées, ayant un accès privilégié" à ces derniers ;
- l’introduction d’espaces verts afin d’atténuer l’effet d’îlot de chaleur urbain, le rapport pointant toutefois l’inégalité de l’accès à la nature, plus grand dans les villes du nord et de l’ouest de l’Europe, et, au sein des villes, de moins bonne qualité dans les quartiers pauvres.
Focus sur les régions européennes
Le rapport resserre in fine la focale sur les régions européennes. Il souligne que si, historiquement, elles ont été "davantage associées à l’adaptation au changement climatique qu’à son atténuation", leur rôle dans ce dernier domaine progresse. "Plutôt que de séparer les actions […], de plus en plus d’entre elles mettent en place des mesures alliant les deux", est-il observé. Une évolution qui pourrait bénéficier d’un momentum favorable, alors que "le Green Deal et le nouveau cadre financier de l’UE pour 2021-2027 leur donne de fait un rôle clé pour l’atteinte de l’objectif neutralité carbone à horizon 2050", estime le rapport qui met notamment en avant leur rôle dans le fonds de transition juste. Les compétences des régions – du moins celles des pays d’Europe occidentale – "en font des acteurs indispensables pour l’adaptation au changement climatique", estime Climate Chance, qui souligne en outre leur rôle dans la gestion des fonds structurels dans plusieurs États membres. Plaident encore en ce sens "leur positionnement entre l’échelon national et les collectivités locales", ainsi que la pertinence de leurs territoires, climatiquement relativement homogènes, constituant "un échelon pertinent pour les défis de l’adaptation". Le bilan souligne d’ailleurs que "contrairement à la tendance au niveau mondial, les émissions déclarées par les régions européennes […] sont pour la plupart en baisse ces dernières années" (15 régions sur 28 "déclarantes" au total, ce qui reste un échantillon restreint). Le développement des énergies renouvelables apparaît comme le principal facteur explicatif de ces baisses pour cinq d’entre elles. D’autres mettent en avant la décarbonation des bâtiments, le secteur routier (sans que l’on sache précisément la raison) ou… la désindustrialisation, raison notamment invoquée par la région Grand Est.