La Commission veut de l’"équité sociale" dans sa transition verte
La Commission européenne a publié le 14 décembre une nouvelle recommandation au Conseil visant une "transition équitable vers la neutralité climatique". Elle complète son paquet de juillet "Fit for 55" dont certaines mesures alimentent les inquiétudes – principalement la création d’un nouveau système d'échange de quotas d'émission applicable aux bâtiments et transport routier.
"L’équité dans la répartition des efforts, l’accompagnement des plus fragilisés par la transition climatique sont une condition du succès de cette dernière." Au sein du cabinet du commissaire Frans Timmermans, vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l'Europe, la phrase est répétée comme un mantra, alors que les répercussions sociales et sur l’emploi de la transition verte ne vont pas sans inquiéter. La nécessité d’aider les régions ou les secteurs directement impactés par la transition avait été identifiée et appréhendée rapidement – avec la création du mécanisme pour la transition juste, et de son fonds (v. notre article). En revanche, de l’aveu même d’un collaborateur de Nicolas Schmit, commissaire à l’emploi et aux droits sociaux, l’aide aux ménages particulièrement dépendants des combustibles fossiles – pour se déplacer ou se chauffer – constituait jusqu’ici "plutôt un angle mort". L’explosion du prix de l’énergie l’a toutefois remis brutalement sur le devant de la scène, agitant à nouveau le spectre d’un retour des gilets jaunes – mouvement français qui n’est pas sans hanter Bruxelles.
La balle aux États membres
Pour répondre aux angoisses qu’elle a en partie alimentées avec son paquet "Fit for 55" (ajustement à l’objectif de réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990), présenté le 14 juillet dernier (v. notre article), la Commission vient de présenter une nouvelle recommandation au Conseil visant une "transition équitable vers la neutralité climatique". Confrontée aux limites de ses prérogatives, la Commission y invite les États membres à agir dans quatre domaines pour qu’il n’y ait "aucune personne ni aucune région laissée sur le bord du chemin" : "privilégier activement les emplois qualifiés" ; "garantir l’accès à une éducation, une formation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs et de qualité" ; "mettre en place des systèmes de prélèvements et de prestations et des systèmes de protection sociale équitables" et "donner accès à des services essentiels et des logements abordables". Le tout en insistant sur la nécessité, d’une part, de "faire participer de manière inclusive les partenaires sociaux, la société civile et les autorités régionales et locales" et, d’autre part, de suivre au fur et à mesure les répercussions des mesures prises.
Fonds social pour le climat
Côté financements, la Commission met toujours en avant sa proposition de création d’un "fonds social pour le climat" afin de compenser les effets du nouveau système d'échange de quotas d'émission (SEQE) qu’elle préconise de mettre en place pour les bâtiments et la distribution de carburant pour le transport routier (et qui concentre les peurs). La Commission propose que 25% des sommes collectées par ce nouveau SEQE soient redistribuées (en partie au niveau européen) aux ménages, micro-entreprises et usagers des transports "vulnérables et particulièrement concernés" par ce nouveau système, sous forme d’aide directe temporaire au revenu ou d’aides à la réalisation d’investissements dans l’efficacité énergétique et la "mobilité propre" (idée qui a depuis fait des petits en France – v. notre article). Ces aides prendraient corps dans un "plan social pour le climat" que chaque État membre devrait soumettre à la Commission, et "financer à hauteur d’au moins 50%". La Commission prévoit une enveloppe maximale de 72,2 milliards d’euros entre 2025 et 2032.
Au sein du Conseil, les États membres restent toutefois divisés sur l’opportunité de ce SEQE nouvelle formule. En juillet, la France – qui va devoir conduire les négociations – s’était ainsi dit "réservée sur la pertinence de ce dispositif et ses conséquences sur les ménages et les petites entreprises".
On relèvera en outre que ce nouveau système fait partie des quelques instruments envisagés pour constituer les nouvelles ressources propres de l’Union, qui doivent servir au remboursement de la dette commune contractée pour le plan de relance. S’il devait finalement voir le jour, les sommes ainsi affectées à ce nouveau fonds social seront autant de fonds qui feront défaut pour servir le remboursement.