Des résultats climatiques "encourageants" pour les villes européennes, selon le bilan 2021 de Climate Chance
La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) réalisée par les villes européennes entre 2005 et 2017 dépasse les objectifs 2020 de l'Union européenne, selon la troisième édition du Bilan mondial de l'action climat des territoires publié par l'observatoire Climate Chance ce 6 avril. La structuration de l'action climat se poursuit, souligne le rapport qui note que même en pleine crise sanitaire, les territoires restent en la matière des "lieux d’innovation et d’expérimentation".
"La réduction des émissions de GES des villes européennes est encourageante : 1.800 villes représentant environ 15% des émissions de GES (gaz à effet de serre) de l’UE et 20% de sa population, ont réduit leurs émissions de 26% entre 2005 et 2017, soit plus que les objectifs 2020 de l’Union européenne", souligne le Bilan mondial 2021 de l'action climat des territoires publié par l'observatoire Climate Chance ce 6 avril. Porté par l'association du même nom, qui vise à fédérer l’ensemble des acteurs non-étatiques reconnus par la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques – CCNUCC, l'Observatoire propose chaque année une synthèse des progrès réalisés en termes d’action climat et publiés par les villes et régions dans le monde.
Les villes européennes sont également en bonne voie pour dépasser leur propre objectif, soit -30% d’ici 2020, note aussi le bilan 2021. Par exemple, Turin, en Italie, a réduit ses émissions de 44% entre 1990 et 2017, du fait de sa tertiarisation mais également de ses politiques de mobilités et de décarbonation du réseau de chauffage urbain. "Plus généralement, les petites villes recourent davantage aux leviers internes (marchés publics, demande d’énergie), quand les villes plus peuplées utilisent davantage la réglementation et les outils financiers, relève le rapport. Toutes ont recours aux politiques de sensibilisation, témoignant d’une participation active des citoyens."
"Toutefois, relativise son bilan 2021, dans un contexte d’adoption massive, à travers le monde, d’objectifs de neutralité carbone, le suivi de l’impact des politiques climat locales demeure difficile car s’appuyant encore peu sur des méthodes consolidées, même au niveau national."
Poursuite de la mobilisation même en période de Covid-19
La mobilisation des territoires et la structuration de leur action climat se poursuit, note le bilan. Mais "la relative stabilité du nombre de villes engagées auprès de la Convention mondiale des maires (environ 10.500 en 2021) cache une progression rapide des adhésions et livrables des conventions régionales des maires, initiées principalement par l’Union européenne et en coordination avec la Convention mondiale et les principaux réseaux de collectivités, indique-t-il. Les villes signataires représentent aujourd’hui près de 14% de la population mondiale, contre 11% en 2019." "La dynamique est particulièrement forte en Amérique latine et Caraïbes, où plus de 100 villes ont rejoint l’initiative depuis 2019 pour un total de plus de 519 signataires et 31% de la population, constate-t-il. À l’inverse, en Asie les villes signataires ne représentent que 8% de la population du continent."
Climate Chance observe aussi que même en période de Covid-19, les territoires restent des "lieux d’innovation et d’expérimentation pour les politiques climat". "L’urbanisme tactique" et les politiques vélo en ont été la manifestation la plus évidente. À l’échelle des villes, la densification et la répartition des services pour des territoires plus autonomes, se pense désormais comme le remède aux crises sanitaire et climatique. Le rapport note aussi le concept de "ville du quart d’heure", où tous les services essentiels sont à portée de tous à vélo ou à pied, qui fut au cœur de la campagne municipale à Paris, mais fait aussi des émules outre-Atlantique (Portland, Minneapolis), jusqu’à être déclinée en "ville de la minute" dans les métropoles suédoises de Stockholm et Göteborg. Il relève encore qu'en 2020, 617 villes - la plupart en Europe et aux États-Unis et comptant entre 100.000 et 500.000 habitants - s’étaient engagées à s’approvisionner à 100% en énergies renouvelables et que fin 2019, 58 villes et régions, dont 44 en Europe, rapportaient s’approvisionner à 100% en énergie renouvelable. Parmi elles, Melbourne, en Australie, "s’illustre par son recours aux contrats d’achat d’électricité qui s’affirment comme des outils stratégiques pour assurer l’approvisionnement des villes en énergies renouvelables tout en garantissant un financement stable aux projets locaux de production d’électricité", souligne le bilan.
Mieux intégrer l'action des villes et des régions dans les stratégies nationales
Pour Ronan Dantec, président de l’association Climate Chance, "ces résultats appellent d’une part, à continuer de soutenir l’action des villes et des régions et, d’autre part, à mieux les intégrer dans les stratégies nationales". Pourtant, regrette-t-il, "les premières analyses des nouvelles contributions déterminées au niveau national (CDN) qui doivent accompagner à la COP 26 le rehaussement de l’ambition, montrent que les États n’intègrent toujours pas le potentiel d’action des territoires dans leurs plans nationaux". Exception faite de l'Amérique latine, les contributions nationales à l’Accord de Paris, renouvelées par les pays en 2020, sont peu nombreuses à faire état de mécanismes de gouvernance intégrant les gouvernements locaux. "Leur approche sectorielle pour aborder la réduction des émissions dans les territoires masque le potentiel lié à l’aménagement spatial et à l’animation locale", pointe le rapport.
Nécessaire harmonisation des méthodes de suivi
Dans les systèmes de gouvernance climat examinés dans les pays du G20 (Allemagne, Canada, France, Brésil), peu de villes sont soumises à des obligations réglementaires. "Leur action repose par conséquent sur le soutien disparate des États et des gouvernements sub-nationaux, note-t-il. L’harmonisation limitée des méthodes de suivi explique en partie la faible intégration du potentiel des villes et des territoires dans les stratégies nationales." Les collectivités françaises font figure d’exception notamment par leurs obligations de réalisation des plans climat air énergie territoriaux (PCAET) intercommunaux et de volet climat dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), relève-t-il également. Ainsi "la quasi-totalité des 760 entités soumises à l’obligation de se doter d’un plan climat sont désormais engagées dans leur mise en œuvre. Pour articuler ces plans climat, les plans régionaux, nationaux et sectoriels, la loi prédéfinit des niveaux de conformité différents", rappelle-t-il. Mais, le suivi d’indicateurs communs aux villes et régions n’est pas requis et les différents calendriers de révision rendent difficile leur articulation. Les observatoires régionaux climat-énergie pallient en partie à l’échelle des régions ce manque d’harmonisation, mais peuvent également être un espace de concertation et de propositions pour les municipalités comme le montre l’exemple d’Oreo en Occitanie.
Après quelques années d’appropriation, les territoires se saisissent des objectifs du développement durable (ODD) autour de la problématique des "agendas 2030", constate aussi l'Observatoire. En Europe, sur les 34 réseaux de collectivités issus de 28 pays européens interrogés, 82% connaissent les ODD et y font régulièrement référence dans leurs activités, alors qu’ils n’étaient que 31% l’année précédente.
Enfin, il constate une prise en compte beaucoup plus forte de l'adaptation au changement climatique au sein des villes et des régions. Parmi les villes de la Convention européenne des maires examinées en 2020, 70% reportent des projets d’adaptation mais, pour la plupart, encore non-initiés. Une proportion similaire de régions de l’initiative RegionsAdapt disent avoir mis en place un plan d’adaptation. "L’évaluation des risques et la planification semblent se diffuser, mais l’accès aux financements et à des réponses techniques, encore trop peu avancées ou trop coûteuses, sont les prochains enjeux décisifs à relever", conclut-il.