Emissions de GES : un tour d'horizon des actions territoriales
Dans un rapport publié le 19 novembre, l'association Climate Chance propose un panorama sur l’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre et s'intéresse spécifiquement à l'action territoriale. Une boîte à outils ouverte et utile aux décideurs locaux.
Solidement organisés et gargarisés par le succès de précédents sommets (voir notre article fin 2015 sur leur premier sommet mondial), les acteurs non-étatiques - collectivités, entreprises, syndicats, ONG, chercheurs - engagés dans des actions climatiques qu'accompagne l'association Climate Chance démultiplient à travers le monde les initiatives. Mais l'évaluation de leurs actions fait souvent défaut : "Elle est encore faible ou trop sectorisée. D'où l'intérêt de notre observatoire à l’initiative d'un méta-rapport digérant un millier de sources et 500 initiatives issue d'une centaine de territoires. Nous ne produisons pas de données mais synthétisons celles existantes pour dégager, au-delà des cercles spécialisés, des tendances lisibles et une lecture compréhensible de l’évolution des émissions de CO2 récentes", éclaire Ronan Dantec, sénateur écologiste de la Loire-Atlantique et président de Climate Chance.
Une somme en trois actes
Structuré en trois cahiers dont l'un consacré à la mobilisation territoriale, il balaie la situation, analyse l'action de pays de divers continents au regard de l'ensemble de leurs émissions et souligne, pour commencer, l'importance des cadres nationaux, des politiques portées dans la durée par les Etats et le fait que des progrès sont observés là où a été instaurée, comme c'est le cas en Suède ou en Grande-Bretagne, une taxation du carbone.
Le premier cahier, présenté le 19 novembre par Pierre Ducret, conseiller spécial du groupe Caisse des Dépôts pour le climat, porte sur l'action sectorielle et s'ouvre sur le constat d'une remontée, après une légère baisse en 2015, des émissions mondiales de CO2 dans le secteur de l’électricité et du chauffage urbain, "de l'ordre de 2% en 2017", précise-t-il. Le cahier décrypte la transition du secteur électrique. Sa restructuration et la "perte d’influence des États et grands électriciens" lâchent en effet du lest au profit d'initiatives territoriales portées par des collectivités, associations ou coopératives". Ce qui contribue à l’émergence de "modèles moins émetteurs et préfigure peut-être la transition vers une production d’électricité et de chaleur décarbonée", conclut l'étude.
Le second cahier sur la mobilisation territoriale se veut "un état des lieux assez fidèle, assez pédagogique nous l’espérons mais ouvert aux remarques et critiques, des actions engagées", resitue Ronan Dantec. Sur ses trois parties, l'une synthétise les éléments d’évaluation et d’actualité des principaux réseaux et initiatives de collectivités dans me domaine de la lutte contre le changement climatique. Réalisée à partir de communications annuelles ou d'échanges directs avec eux, "elle permet d’appréhender les tendances récentes des projets mis en œuvre et l’état du reporting des actions climatiques des autorités locales à travers le monde". Pour l’illustrer des cas d’étude de villes et de régions sont ensuite présentés.
Premier constat : "Ce tour d’horizon des engagements des collectivités montre un dynamisme similaire entre les villes et les régions dont le nombre rapportant leurs émissions à l'organisation internationale CDP (anciennement appelée Carbon Disclosure Project, ndlr) et à l'outil de reporting carbonn® Climate Registry (cCR) a doublé entre 2015 et 2018", pointe Amaury Parelle, chargé de mission chez Climate Chance.
Convention des maires et tour du monde des bonnes pratiques
Les progrès rapides des collectivités engagées dans la Convention européenne des maires lancée par l'UE en 2008 sont soulignés. Tout comme, au contraire, la faible représentation dans cette dynamique des villes asiatiques "qui déséquilibre les dynamiques mondiales, une part importante des émissions territoriales n’étant ainsi pas couvertes". Le point sur la Convention des maires intéressera directement les élus locaux. Avec plus 8.000 collectivités signataires et actives – dont un grand nombre de petites communes - ce réseau pesant dans plus de 50 pays en Europe et ses alentours concerne plus de 253 millions d’habitants. Parmi ces collectivités, un bon millier se sont engagées à remplir ou dépasser les objectifs de l’UE d’ici 2030.
Autre chiffre pertinent, amené a fortiori à augmenter, le nombre de plans d’action qu'elles ont déposés (plus de 6.000). Garantie d'une qualité et cohérence des données, l'état du reporting et des progrès réalisés par les signataires de la convention passe chaque année à la moulinette d'un centre de recherche européen (le CCR, ou Centre commun de recherche européen). "Sur la base de 315 inventaires de suivi des émissions de GES reçus, le CCR constate une réduction globale des émissions de 23 % dans l’ensemble des collectivités étudiées par rapport à l’année de référence de ces inventaires", avance Amaury Parelle. Un point est fait au passage sur la méthodologie des inventaires d'émissions de GES des territoires et la tendance à l’adaptation à l’échelon local des outils de mesure, de reporting, de vérification et la création de plateformes dédiées (pages 52 à 54 du cahier 2).
Et aussi, dans un tour du monde en 80 bonnes pratiques esquissé dans ce même cahier (qui font par ailleurs l'objet d'une carte en cours de construction), sur l'intérêt de la coopération décentralisée. Coopération entre la Nouvelle-Aquitaine et la région du Plateau central au Burkina Faso, déploiement d'observatoires climat entre les Hauts-de-France et le Minas Gerais au Brésil…, "cela permet de diffuser au sein des administrations et communautés engagées les savoirs tirés de l’expérience de leurs pairs dans différents secteurs impactant les émissions de GES et d'acquérir les outils de mise en œuvre et d'évaluation des plans climat".