L'action climat… et les émissions de gaz à effet de serre à la hausse en 2021, pointe Climate Chance
L'association Climate Chance a publié son "Bilan mondial de l'action climat par secteur 2021", qui relève que les émissions de gaz à effet de serre repartent à la hausse, la reprise ayant presque effacé la baisse historique liée au covid. Le rapport souligne que ce rebond des émissions cache néanmoins des situations fort disparates et que l'action climat est elle aussi à la hausse, notamment sous l'impulsion des collectivités et des grandes entreprises. Mais leur action bute sur une économie qui n’est pas encore dimensionnée pour cette transition, et par ailleurs désorganisée par la crise sanitaire.
"Les collectivités locales jouent un rôle assez important – au moins en Europe, mais aussi de plus en plus aux États-Unis - dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre". En présentant l’édition 2021 du Bilan mondial de l’action climat par secteur élaboré par Climate Chance – l’association qu’il préside et qui se veut la fédération de l’ensemble des acteurs non étatiques reconnus par la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques –, le sénateur de Loire-Atlantique (groupe Écologiste) Ronan Dantec n'a pas manqué de souligner l'importance des collectivités dans la lutte pour le climat. L'élu se félicite d'ailleurs "des gros progrès réalisés dans la reconnaissance des acteurs non étatiques", encore "constatés lors de la COP de Glasgow". Il relève en revanche que "le dialogue institutionnel s’est affaibli", plusieurs États s'opposant à une plus grande intégration de ces "ANG" dans le dispositif, mouvement que devait pourtant faciliter le "dialogue de Talanoa" lancé en 2018.
Un "rapport Saint-Thomas", six secteurs à la loupe
Le bilan présenté ne vise toutefois pas l'action des territoires en particulier (présentée par l'association en avril dernier dans une étude dédiée – voir notre article), mais dresse le bilan des démarches conduites au niveau mondial dans six grands secteurs :
- l'énergie, où "les énergies fossiles ne cèdent pas à la fièvre des renouvelables" ;
- le transport, où "la mobilité bas carbone accélère avec le frein à main" ;
- le bâtiment, qui "se rénove", mais dont les "fondations restent fortement carbonées" ;
- l'industrie, qui "mise sur des technologies de rupture pour sa décarbonation" ;
- les déchets, pour lesquels "la pandémie a révélé le retard d'adaptation aux restrictions sud-asiatiques [fermeture des frontières à l'entrée de nouveaux déchets] et à la transition" ;
- l'usage des sols, où les engagements sont jugés "à la traîne pour contenir la reprise de la déforestation".
Pour chacun d'eux, l'association présente des "indicateurs", des "tendances", des "signaux" et des "études de cas". C'est le seul rapport "Saint-Thomas du climat", assure Ronan Dantec, relevant qu'il ne s'intéresse "qu'aux résultats, pas aux engagements des Parties. Nous montrons l'action telle qu'elle est, et non pas telle qu'elle devrait être".
Les collectivités à la manœuvre
On relèvera que l'action des collectivités y est très souvent mise en lumière. En témoignent notamment les présentations de la municipalisation de l'énergie à Cadiz, du "100% renouvelable" mis en œuvre par la ville de Melbourne via les contrats d'achat d'électricité, de la mue du système de transport lancée par celle de Bogota, du développement des transports collectifs promu par celle de Dakar, de la création d'un réseau de chaleur/froid "5e génération" opérée par la ville hollandaise de Heerlen, de la promotion d'un "traitement complet des déchets socialement inclusif" lancé par le gouvernement provincial de Mendoza (Argentine) ou encore de l'action de certaines villes américaines contre le chauffage au gaz dans les bâtiments.
La grande accélération de l'action climat… et des émissions
De cet état des lieux tous azimuts, l'association retire dix grands enseignements :
• si la baisse historique des émissions due au covid a presque été effacée par la reprise en 2021, ce rebond masque des profils régionaux très disparates. À la baisse lente mais structurelle des émissions en Europe et en Amérique (du Nord et latine), s'oppose une forte reprise dans les grands pays émetteurs asiatiques, alors que la "croissance galopante" des émissions en Afrique et au Moyen-Orient a, elle, été "stoppée nette" par la pandémie ;
• l'adoption des énergies renouvelables et de la mobilité bas carbone s'accélère dans les "grandes économies". La tendance reste toutefois à l'accumulation des énergies (fossiles et bas carbone), et non à une substitution nette ;
• l'électrification des usages et la décarbonation du mix électrique sont désynchronisées. 61% de l’électricité mondiale est toujours produite à partir d’énergie fossiles ;
• la demande en biens et services bas carbone dépasse la capacité d’adaptation des chaînes d’approvisionnement de l’économie mondiale. Exemple typique, la pénurie de vélos. L'association relève qu'aux contraintes structurelles se sont ajoutées les difficultés conjoncturelles liées au covid (désorganisation du fret maritime, entraînant une explosion du taux de fret, etc.). "Trop lentes pour le climat, les transitions régionales vont trop vite pour les chaînes d’approvisionnement" ;
• la "neutralité carbone" intègre les stratégies de relance et de croissance des grandes entreprises. 417 des 2.000 plus grandes entreprises mondiales ont ainsi adopté un tel objectif ;
• les ruptures d’approvisionnement et les engagements à la neutralité carbone poussent les entreprises à la concentration et à l’intégration verticale des filières. "Les grandes villes, les grandes entreprises dictent la demande", assure Antoine Gillod, coordinateur de l'observatoire de l'action climat non-étatique. Ce qui favorise un "marché de gros" guère favorable aux entreprises municipales et aux coopératives citoyennes. Mais l'expert relève que "les capacités financières dégagées par les acteurs historiques des énergies fossiles permettent aujourd'hui l'essor des activités décarbonées. Les grandes entreprises qui ont fait le XXe siècle dans le domaine de l’énergie sont celles qui assurent aujourd’hui les investissements de la transition" ;
• les technologies de rupture gagnent en crédibilité pour les secteurs qui ne parviennent pas à se décarboner. Antoine Gillod pointe néanmoins les progrès qui restent à accomplir : si l'hydrogène bénéficie d'une forte hausse des engagements et des investissements, il reste encore très dépendant d’activités émissives ; le regain d'intérêt pour la capture du carbone ne doit pas masquer les difficultés pour atteindre sa séquestration ;
• entre investissements verts et bruns, les États orientent la reprise d’une manière ambiguë. Ainsi, sur les 700 milliards de dollars que les pays du G20 se sont engagés à investir pour la relance, 37% viseraient des secteurs bas carbone et 40% des secteurs émetteurs ;
• souvent moteurs de l’accélération de l’action climat, les gouvernements locaux adaptent le tempo de la transition aux besoins et capacités de leurs territoires. L'association relève ainsi que les "gouvernements sub-nationaux peuvent également freiner la transition lorsqu'elle menace les intérêts économiques de leurs territoires" ;
• avec l’activisme actionnarial, la société civile élargit son répertoire d’action, par ailleurs marqué par une judiciarisation croissante de l’action climat – plus de 1.500 contentieux en cours relevés en juillet 2020, dont 1.200 aux USA… et 55 dans l'Union européenne.