PLF 2018 - L'Assemblée nationale vote la suppression partielle de la taxe d'habitation
Après l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, l'Assemblée nationale a entamé jeudi 19 octobre la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2018. Ce lundi, les députés devaient débattre des ultimes dispositions. Sans surprise, ils ont donné leur feu vert à la suppression en trois ans de la taxe d'habitation, sauf pour les 20% de ménages les plus aisés.
Les députés ont adopté samedi 21 octobre par 65 voix contre 14, l'article 3 du projet de loi de finances pour 2018 qui va permettre en 2020 à 80% de Français de ne plus payer de taxe d'habitation.
Alors que l'opposition accuse la majorité de "faire un budget pour les riches", les dégrèvements de taxe d'habitation de 3 milliards d'euros en 2018, 6,6 milliards d'euros en 2019, puis 10 milliards à partir de 2020 "vont permettre de donner du pouvoir d’achat" [...] aux Français ayant de modestes revenus", ont fait valoir les députés de La République en marche. Dès l'an prochain, les Français verront leur impôt baisser de 30%, ce qui représentera "165 euros en moyenne", a promis le ministre de l'Action et des Comptes publics. La taxe d'habitation est un impôt injuste, a-t-il insisté. Le ministre s'est voulu concret, au point d'utiliser son propre exemple. Avec un revenu de plus de 8.000 euros, le ministre paie une taxe d'habitation de 719 euros pour un appartement situé au centre-ville de Tourcoing. Or, son ex-assistante à la mairie, paie 720 euros pour une maison plus petite et située dans un quartier "moins central" et surtout, avec un revenu mensuel de 1.900 euros.
Une compensation intégrale... pendant combien de temps ?
L'argument n'a pas convaincu l'opposition. Cette mesure "démagogique" va "déconnecter une partie des Français du financement de la dépense locale" et "vider l’échelon communal de sa substance", a dénoncé Valérie Lacroute (Les Républicains). "Le gain sera très inégal, puisque l’on n’acquitte pas le même montant dans toutes les communes", a fait remarquer de son côté la socialiste Christine Pires Beaune. Dans le Puy-de-Dôme, par exemple, le bénéfice sera ainsi de seulement 49 euros en moyenne en 2018 pour les contribuables les plus modestes.
Par ailleurs, l'opposition a émis des doutes sur la compensation dans le temps des collectivités locales. "On sait que la promesse [...] s’évapore toujours après quelques années", a ainsi lâché Valérie Lacroute. La taxe restera injuste pour les 20% des Français qui y resteront assujettis, a regretté aussi l'opposition. Qui s'est interrogée par conséquent sur la constitutionnalité de la réforme. "L’idée du gouvernement n’est pas de garder les 20%, a répondu le ministre de l'Action et des Comptes publics. Gérald Darmanin a confirmé la volonté du gouvernement de réformer la fiscalité locale avant la fin du quinquennat.
Quand les principes de la réforme auront été définis, "j’accepterai d’engager la révision des valeurs locatives", a aussi déclaré le ministre. Il voulait bien sûr parler des valeurs locatives des locaux d'habitation, qui n'ont jamais été mises à jour, alors que celles qui concernent les locaux professionnels sont révisées à partir de cet automne. Deux amendements de la Gauche démocrate et républicaine et du rapporteur général Joël Giraud prévoyant que le gouvernement remette en 2019 au Parlement un rapport sur les effets d'une révision des valeurs locatives des locaux d'habitation ont alors été retirés. Un autre rapport est en revanche prévu : il vise à éclairer les parlementaires sur la mise en oeuvre de l'allègement de la taxe et de la compensation en direction des collectivités locales. Le gouvernement le remettra chaque année, au plus tard le 1er octobre.
Petite bombe fiscale
Les députés ont aussi adopté un amendement de l'exécutif permettant aux personnes âgées résidant dans des maisons de retraite sans but lucratif et "n'ayant pas la jouissance privative de leur logement", de bénéficier de l'allègement de la taxe d'habitation sous la forme d'une réduction de leur facture ou d'un remboursement.
L'Assemblé nationale a encore donné son feu vert à un amendement gouvernemental qui désamorce une petite bombe fiscale, la fin progressive de l'exonération de taxe d'habitation que la précédente majorité avait votée, dans la loi de finances pour 2016, au profit des personnes qui bénéficiaient de la demi-part des veuves. 360.000 foyers fiscaux, dont beaucoup de personnes âgées, qui auraient dû acquitter cette année une taxe d'habitation, y échapperont. 170.000 foyers, qui devraient la payer l'an prochain, seront également exonérés.
La majorité a fait le choix de financer les 60 millions d'euros que coûte cette mesure pour les collectivités, non pas par les "variables d'ajustement", mais par la dotation globale de fonctionnement (DGF). Selon le rapporteur général, celle-ci devait initialement croître de 95 millions d'euros en 2018. Elle sera donc finalement quasi nulle. A l'intérieur de la DGF, seule la dotation forfaitaire baissera. Sa diminution s'élèvera à non pas 60 millions, mais 90 millions d'euros.
Ne pas pénaliser les territoires industriels
Les 30 millions restants abonderont la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et de leurs groupements. Selon le rapporteur général, il s’agit d’une "première étape" pour éviter une minoration de cette dotation dont bénéficient de nombreux territoires industriels, que la réforme de la taxe professionnelle a pénalisés. La deuxième étape sera "plus globale", selon Gérald Darmanin. Le ministre s'est engagé à trouver une solution "d’ici à l’examen du texte au Sénat et à la deuxième lecture" pour que la DCRTP des "territoires industriels" ne baisse pas. Mais pour cela, il faudra, selon lui, trouver "170 à 190 millions d'euros" si l'on tient compte du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (qui est lui aussi inclus cette année dans les variables d'ajustement).
A l'article 7 du projet de loi, les députés ont choisi non pas de reporter d'un an, mais de supprimer les nouvelles modalités de répartition entre les collectivités territoriales du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) des groupes fiscalement intégrés (qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier prochain). Ils ont toutefois prévu que le gouvernement remettra le 30 septembre 2018 au plus tard un rapport qui fera le point, "en vue d’une modification [des] modalités de répartition à compter du 1er janvier 2019". Ainsi, "on ne renvoie pas aux calendes grecques [...] la date de mise en oeuvre du système", a jugé Joël Giraud.
Les députés devaient achever lundi soir 23 octobre l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2018 consacrée aux ressources. Les explications de vote et le scrutin public sur le texte auront lieu le mardi 24 octobre dans l'après-midi.