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PLF 2018 - Christine Pires Beaune : "En matière de péréquation, on doit faire mieux"

Dans une interview qu'elle a accordée à Localtis, la députée socialiste Christine Pires Beaune, ex-rapporteure spéciale de la commission des finances de l'Assemblée nationale pour la mission "Relations avec les collectivités territoriales", porte un jugement sévère sur le volet péréquation du projet de loi de finances (PLF)  pour 2018. En première ligne de l'examen de ce texte - qui a débuté mardi 17 octobre à l'Assemblée nationale - elle estime par ailleurs que l'objectif de limitation à 1,2 % par an - inflation comprise - des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales est "ambitieux" au regard de la "rigidité" de ce type de dépenses.

Localtis : Que pensez-vous de la volonté du gouvernement de passer des contrats avec les plus grandes collectivités territoriales pour maîtriser la dépense publique locale ?
Christine Pires Beaune : J'ai toujours considéré que la baisse des dotations, telle qu'elle a été mise en oeuvre sous le précédent quinquennat, a été une erreur. On a demandé à toutes les collectivités de participer au redressement des finances publiques dans les mêmes proportions, sans tenir compte de leur taille et de leur situation financière. Sur l'idée d'une contractualisation de l'Etat avec 319 collectivités qui représentent environ 60% de la dépense publique locale, je dis pourquoi pas. Mais, c'est un pari. En effet, 2018 approche et, à ma connaissance, l'Etat n'a débuté des discussions avec aucune collectivité. Je me demande aussi si les négociations bilatérales entre les préfets et les représentants des collectivités concernées seront bien réelles. Je m'interroge, en effet, sur la réalité des contreparties qui seront proposées aux collectivités locales. De plus, il existe un risque de recentralisation du pouvoir. Il serait inacceptable d'instaurer un contrôle en opportunité du préfet sur les dépenses locales.

Certaines grandes collectivités territoriales votent leur budget au mois de décembre. Le calendrier n'est-il pas tendu pour elles ?
Certaines de ces collectivités territoriales vont sans doute décaler le vote de leur budget. Elles voudront en particulier attendre de voir si les associations d'élus locaux s'engagent dans le pacte financier. A ce stade, on voit d'ailleurs que c'est mal parti : Régions de France a quitté la Conférence nationale des territoires, l'Assemblée des départements de France lie sa signature à une solution sur le financement des allocations individuelles de solidarité et l'Association des maires de France est échaudée. Les annonces gouvernementales de l'été dernier sur le logement, les contrats aidés, la réduction du nombre des élus locaux... ont entraîné une rupture de la confiance, laquelle constitue une condition indispensable à la signature du pacte financier.

Quel est votre sentiment sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 ?
Ce texte, lui aussi, ne favorise pas l'instauration d'un climat de confiance pour les négociations entre l'Etat et les élus locaux. Avec le renforcement de la règle d'or prévue à l'article 24, le gouvernement agit comme si les collectivités sont responsables de la dette publique. Or, il faut rappeler qu'elles participent à moins de 9% de celle-ci, tout en étant à l'origine d'une part très importante des investissements publics. De plus, contrairement à l'Etat, elles ne peuvent emprunter pour financer leurs dépenses de fonctionnement. L'autre difficulté vient de l'objectif d'évolution des dépenses locales (Odedel), de 1,2% par an, inflation comprise. En l'état du projet de loi, il s'appliquerait uniformément à toutes les collectivités territoriales, alors que l'évolution des dépenses de fonctionnement diffère d'une catégorie de collectivité à une autre et au sein même des catégories. En outre, 1,2%, inflation comprise, me semble être un objectif ambitieux au regard du taux de rigidité des dépenses de fonctionnement. Je prendrai un seul exemple : la compensation de la hausse de la CSG pour les fonctionnaires va mécaniquement entraîner une augmentation de la masse salariale.

Avec le projet de loi de finances, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) des communes et des intercommunalités est pour la première fois incluse dans les "variables d'ajustement", c'est-à-dire les dotations qui sont minorées pour financer notamment la progression des dotations de péréquation. Qu'en pensez-vous ?
Le gouvernement veut qu'on introduise dans les variables d'ajustement les DCRTP du bloc communal, une dotation qui ne bénéficie qu'à une minorité de collectivités territoriales, cette minorité étant la plus défavorisée. L'an dernier déjà, il avait élargi le champ des variables d'ajustement aux DCRTP des départements et des régions. J'avais combattu cette mesure, car elle était inéquitable. Parmi les régions par exemple, deux seulement perçoivent une DCRTP : les Hauts-de-France et l'Occitanie. L'Ile-de-France ne touche pas cette dotation. Au-delà, la mesure est symptomatique d'un système qui est arrivé à ses limites : on veut financer par les dotations elles-mêmes la croissance de la péréquation et de la population, ainsi que les évolutions intercommunales, ce qui pousse à élargir continuellement le périmètre des variables d'ajustement.

Le gouvernement a prévu une augmentation de la DSU et de la DSR de 180 millions d'euros au total en 2018. Cela vous paraît-il suffisant ?
La péréquation est prévue en progression, mais dans des proportions deux fois moins importantes qu'en 2017. L'an dernier, je rappelle que la majorité de gauche avait voté une augmentation de 360 millions d'euros de la DSU et de la DSR en 2017. Le gouvernement explique que l'arrêt de la baisse des dotations rend moins nécessaire de les faire croître. Je ne suis pas d'accord : tant que la répartition de la DGF ne sera pas réformée pour être plus équitable, il faudra renforcer la péréquation.

Lors de l'examen en commission, vous avez soulevé un autre problème concernant le financement de la péréquation. De quoi s'agit-il ?
Aujourd'hui, l'augmentation des dotations de solidarité urbaine et rurale est financée pour moitié par l'écrêtement de la dotation forfaitaire. Mais des centaines de communes et d'intercommunalités ne perçoivent plus cette dotation. On dit que leur DGF est "négative". Ces collectivités, souvent riches, ne contribuent donc plus à l'accroissement de la péréquation en faveur des collectivités défavorisées. C'est un scandale !

Sur les nouvelles modalités de répartition entre les collectivités territoriales du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) des groupes, qui devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2018, le débat n'est semble-t-il pas terminé.
La commission des finances a adopté un amendement qui reporte d'un an leur application. Si le Parlement confirme cette option, la commission des finances de l'Assemblée nationale devrait créer un groupe de travail pour approfondir le sujet. Le ministère des Finances nous avait remis au printemps un rapport qui n'a pas répondu à nos interrogations. Si le groupe de travail voit le jour, il pourrait se faire accompagner par un bureau d'études indépendant. L'idée est de choisir un petit panel de départements et d'observer, pour les sociétés des groupes qui s'y trouvent, s'il existe des transferts indus de CVAE au profit d'autres entités du groupe, notamment le siège.

Que propose le groupe de travail de l'Assemblée nationale sur le devenir de la réserve parlementaire auquel vous participez ?
Nous sommes tombés d'accord sur la création d'un fonds identifié qui regrouperait les crédits de la réserve parlementaire qui étaient jusque-là affectés aux collectivités territoriales. Il serait géré par une commission d'élus au sein de laquelle siégeraient les parlementaires. Il pourrait s'agir de la commission, qui actuellement se prononce sur la répartition de la dotation d'équipement des territoires ruraux. Cette commission verrait ainsi son rôle élargi.