Santé - L'Assemblée nationale restreint le droit au séjour pour raisons médicales
L'Assemblée nationale a adopté le 15 mars, en seconde lecture et par un scrutin public, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. L'examen des dispositions du texte s'était achevé dès le 10 mars. A cette occasion, les députés ont adopté un article 17 ter, qui pourrait limiter l'accès aux soins des étrangers malades. Dans sa rédaction actuelle, l'article L.313-11 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en effet que "sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit : […] 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire [...]". L'article 17 ter, adopté par l'Assemblée, prévoit de remplacer les mots "qu'il ne puisse effectivement bénéficier" par les mots "de l'indisponibilité".
Précision sémantique ou restriction ?
Présentée comme une simple précision, cette nouvelle formulation pourrait en réalité - selon l'application qui en sera faite - restreindre sensiblement l'accès aux soins des personnes concernées. En effet, un traitement peut être disponible dans le pays d'origine, sans que la personne malade puisse pour autant y accéder pour diverses raisons (coûts, ségrégation...). Introduite par l'Assemblée, avec l'accord du gouvernement, lors de la première lecture du projet de loi, cette disposition avait été supprimée par le Sénat le 8 février dernier, avant d'être rétablie par l'Assemblée en seconde lecture.
La mesure n'a pas manqué de faire réagir les associations. Dans un communiqué intitulé "Les étrangers condamnés à mort", Médecins du Monde estime que cet article "remet fondamentalement en cause" le droit au séjour pour raison médicale. L'association rappelle en effet que "ce n'est pas parce qu'un traitement est 'disponible' dans un pays qu'il y est 'accessible'". Elle évoque notamment différents cas de figure qui peuvent entraver l'accès aux soins : ruptures de stocks, absence de couverture maladie, insuffisance de l'offre quantitative et qualitative de soins, prix prohibitifs des traitements ou encore manque de personnel soignant. Une position partagée par une quinzaine d'associations - dont Aides, Médecins sans frontières, La Ligue des droits de l'Homme, le Mrap... - qui ont mis en ligne un site baptisé "Un mot, des morts", par allusion au changement sémantique opéré par l'Assemblée. Les signataires exigent le maintien du périmètre actuel du droit au séjour pour raison médicale - qui concerne environ 28.000 personnes chaque année - et demandent au Sénat d'abroger à nouveau l'article 17 ter (ce qu'il devrait faire). Si la récente réforme de l'aide médicale d'Etat avait finalement été plus modérée que le souhaitaient certains députés (voir nos articles ci-contre), il n'est pas sûr que la commission mixte paritaire qui devrait suivre l'adoption du projet de loi par le Sénat aboutisse à un tel résultat.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (adopté en seconde lecture par l'Assemblée nationale le 15 mars 2011).