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L'ANCT en attente de sa "doctrine d’intervention"

Le véritable démarrage de l'Agence nationale de la cohésion des territoires dépend de la diffusion de sa "doctrine d'intervention". Or celle-ci se fait attendre, constatent les députés Yolaine de Courson et Hubert Wulfranc. La publication d'une circulaire destinée aux préfets est "imminente", rassure cependant l'ANCT.

Deux mois après son lancement officiel, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est toujours en attente de sa "doctrine d’intervention", ont fait savoir les députés Yolaine de Courson (LREM, Côte-d’Or) et Hubert Wulfranc (PCF, Seine-Maritime), mercredi 4 mars, en présentant leur rapport d’information devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. "On a un changement culturel très important au niveau des territoires", a insisté la députée de Côte-d’Or. Or "l’ANCT ne servira à rien si les élus locaux ne s’en saisissent pas", prévient-elle, pressant les responsables de l’agence de les éclairer sur ce point. "Nous attendons la circulaire et le vade-mecum destiné aux préfets et délégués territoriaux de l’agence pour leur permettre d’établir le modus operandi de traitement des dossiers", a-t-elle déclaré. Ces textes pourraient être présentés lors du prochain conseil d’administration de l’agence, au mois d’avril, espère la députée. C’est aussi à cette occasion que seront examinées les conventions qui lient l’agence à ses partenaires (Ademe, Anah, Anru, Cerema, Caisse des Dépôts). Une mission de préfiguration du fonctionnement territorial de l’ANCT conduite en Occitanie entre décembre 2018 et mai 2019 a montré "qu’il y aura probablement in fine autant de fonctionnements locaux de l’ANCT que de départements, et que l’action territoriale de l’ANCT se fera en subsidiarité de celle des acteurs locaux", a indiqué Hubert Wulfranc.

Les agendas attendent le modus operandi

Si la loi du 22 juillet 2019 portant création de l’ANCT ouvrait, à l’article 2, un éventail très large de domaines d’intervention (accès aux services publics, accès aux soins, logement, mobilités, politique de la ville, revitalisation commerciale et artisanale des centres-villes et centres-bourgs, transition écologique, développement économique, numérique…), le décret du 18 novembre 2019 portait, lui, presque exclusivement sur les statuts de l’agence et donnait très peu de précisions sur ses missions. "Dès lors qu’on ne sait pas où l’on va et quelles priorités d’action on va suivre (…), on reste largement dans les starting blocks", estime Hubert Wulfranc, pour qui les agents des trois entités fusionnés (CGET, Agence du numérique et Epareca) – soit environ 350 concernés – sont dans le flou. "Ils attendent le modus operandi, la méthode de travail et la définition des tâches précises qui leur seraient demandées", a-t-il témoigné, faisant état de plusieurs dizaines de départs. Selon lui, "les recrutements en cours ne permettront pas à eux seuls de compenser cette perte d’expertise et de savoir-faire".

Pour le reste, la quasi-totalité de décrets d’application de la loi ont été publiés. Seul manque à l’appel celui sur la "réserve citoyenne pour la cohésion des territoires" (article 11), partie intégrante de la réserve civile, destinée à compléter les moyens humains de l’agence dans les territoires.

"Accompagner patiemment les initiatives locales"

Yolaine de Courson a rappelé la philosophie de la nouvelle agence qui consiste à "accompagner patiemment les initiatives locales", soit selon elle le contraire de ce qui se faisait jusqu’ici, consistant à faire "rentrer au forceps" les projets locaux dans les appels à projets et les appels à manifestation d’intérêt. Si l’agence a vocation à continuer d’accompagner les grands programmes nationaux, comme Action cœur de ville, Territoires d’industrie, France services, "Nouveaux lieux, nouveaux liens" (tiers-lieux) et, bientôt, Petites Villes de demain, elle vise avant tout à soutenir les projets locaux dans une logique "ascendante", quel que soit leur état d’avancement. Même si les acteurs locaux n’ont qu’un "embryon d’idée", assure la députée. "Fini le copier-coller, cette logique surplombante qui a fait son temps", se félicite Yolaine de Courson, "à chaque projet correspondra un bouquet d’interlocuteurs". "Les élus rencontrés nourrissent beaucoup d’espoir vis-à-vis de l’ANCT et ont déjà des projets à soumettre", a-t-elle fait savoir, après avoir parcouru la France entière pour présenter l’agence aux élus. "Il faut désormais pallier les manques signalés par le rapport pour que les attentes ne se transforment pas en déception."

Toujours des incertitudes sur le budget

Pour Hubert Wulfranc, la question des moyens financiers de l’agence – qui a animé une large partie des débats au Parlement – n’est pas résolue. Le budget pour 2020, adopté lors de son premier conseil d’administration en décembre, s’élève à 75,3 millions d’euros, avec quatre grandes enveloppes : un peu plus de 28 millions pour les dépenses de personnel, 18,7 pour les programmes qui relevaient auparavant de l’Epareca, 10 pour les missions d’appui opérationnel aux territoires et encore 9,5 pour les fonctions support. Ces crédits, notamment les 10 millions consacrés à l’ingénierie, peuvent paraître insuffisants au regard des enjeux, mais ils ont vocation à être complétés par les crédits des programmes 112 (Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire) et 147 (Politique de la ville) de la mission Cohésion des territoires, a rappelé le député. Toutefois, "on n’a pas véritablement de visibilité sur les moyens qui vont être dégagés" par les partenaires privilégiés. Ainsi, le projet de convention du Cerema prévoit-il un budget de 4,5 millions d’euros en 2020 qui passera à 10 millions en 2022 spécifiquement dédié aux projets de l’agence. Mais le Cerema est confronté à une baisse importante de ses effectifs dans un contexte de réduction des subventions de l’État. "Les incertitudes se cumulent", a prévenu Hubert Wulfranc. "Il va falloir revisiter dans quelques mois les conditions réelles en termes de moyens pour la montée en puissance de cette agence." Contactée par Localtis, l’ANCT indique que la publication de la circulaire est "imminente".