Formation professionnelle - L'alternance traverse une zone de turbulences
Les contrats d'apprentissage ont subi une baisse de 21% entre mai 2011 et mai 2012, indique la Dares (ministère du Travail). Ainsi, 3.116 nouveaux contrats d'apprentissage ont été enregistrés en mai 2012, contre 3.948 en 2011. Pour les contrats de professionnalisation, la baisse est encore plus importante : 32%. 4.957 contrats ont été enregistrés en mai 2012 contre 7.172 en mai 2011.
La tendance en début d'année 2012 va globalement dans le même sens avec une chute des contrats d'apprentissage de 9% sur les cinq premiers mois, et de 6% pour les contrats de professionnalisation. Ces évolutions ne sont pas une surprise. En janvier 2012, la Fondation Apprentis d'Auteuil avait en effet prévu une décrue de l'apprentissage, 40% des chefs d'entreprises interrogés ayant l'intention d'avoir moins recours à l'apprentissage en 2012.
Pour Morgan Marietti, président de l'Association nationale des apprentis de France (Anaf), ces baisses s'expliquent par le contexte économique maussade et les difficultés qu'ont les jeunes dans ce climat pour trouver des entreprises et des contrats. Autre problème identifié : le manque d'accompagnement des jeunes, avant, pendant et après les contrats d'alternance. "Beaucoup de jeunes ne sont pas équipés et n'ont pas les bons codes pour approcher les entreprises, insiste Morgan Marietti. Quand une entreprise s'est cassée les dents sur un apprenti, elle n'a plus envie d'avoir recours à ce système." Mais le président de l'Anaf estime aussi qu'"on est arrivé à un palier dans l'alternance, qu'on a du mal à dépasser".
Pourtant, de nombreuses mesures pour développer l'alternance ont été mises en place à travers notamment la loi Cherpion du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance, comme la carte d'étudiant des métiers qui permet aux apprentis et aux jeunes en contrat de professionnalisation de bénéficier des mêmes droits que les étudiants. Elle a également ouvert l'apprentissage à l'intérim et a abaissé à 14 ans l'âge minimum pour signer un contrat d'apprentissage, sous réserve d'atteindre l'âge de 15 ans au cours de l'année civile. Elle permet aux jeunes qui n'ont pas trouvé d'employeurs de poursuivre une formation en centre de formation d'apprentis (CFA) pendant un an.
Un contrat de génération en alternance
Des incitations financières ont également été mises en place en temps de crise, pour accélérer les entrées en apprentissage. Les entreprises de moins de 250 salariés bénéficient ainsi d'une exonération de charges pour l'embauche d'un apprenti. Un dispositif qui a été prolongé jusqu'au 30 juin 2012 et qui a donc pris fin. Enfin, le quota du nombre d'alternants par entreprise a été augmenté pour inciter les entreprises à recruter des apprentis. Un système de bonus-malus est également en place.
Le gouvernement va-t-il garder l'ensemble de ces mesures mises en place par Nicolas Sarkozy ? Rien n'est moins sûr. D'après l'Anaf, il serait prêt à détricoter la loi Cherpion. "De notre côté, on ne va pas se battre sur certains points, comme le retour à l'âge de 16 ans pour l'apprentissage au lieu de 14 ans, détaille Morgan Marietti. En revanche, nous souhaitons avoir des garanties sur certaines mesures qui nous semblent être de réelles avancées pour l'apprentissage comme le statut d'étudiant donné aux apprentis, l'ouverture des CFA pour les jeunes sans contrat." L'association doit rencontrer le 20 juillet les conseillers de Vincent Peillon, ministre de l'Education nationale, pour en discuter. De leur côté, les régions étaient dès le départ opposées à la loi Cherpion et les nouvelles dispositions qu'elle permettait, comme l'ouverture à l'intérim, aux jeunes de 14 ans et aux emplois saisonniers. L'Association des régions de France (ARF) prône ainsi une approche qualitative, et non quantitative de l'apprentissage, permettant notamment de diminuer le taux de rupture de parcours en cours de formation qui se situe autour de 25% à l'heure actuelle. Mais d'ici les évolutions que pourraient subir la loi Cherpion, un autre sujet pourrait prendre le dessus : le "contrat de génération en alternance" que l'Anaf propose de créer. Le principe serait le même que le contrat de génération prévu par le gouvernement mais donnerait aux jeunes la possibilité de poursuivre en parallèle des études. Le dispositif assurerait ainsi aux jeunes embauchés un contrat à durée indéterminée, une formation pratique de qualité avec un tuteur et un maintien de l'emploi des seniors. D'après la feuille de route construite par le gouvernement à l'issue de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le contrat de génération doit faire l'objet d'une négociation d'ici à la fin 2012. Elle portera notamment sur les modalités du contrat.
Emilie Zapalski
Apprentissage : s'inspirer du modèle allemand sans mimétisme
"Le développement de l'apprentissage n'est pas le remède automatique au chômage des jeunes." C'est l'une des conclusions du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Céreq), dans une étude "Pour une approche circonstanciée de l'apprentissage". A partir d'une analyse des politiques pour les jeunes menées par différents pays, le Céreq conclut ainsi que "les pays qui s'en sortent le mieux sur ce registre ne sont pas forcément ceux qui possèdent un système d'apprentissage étoffé". Ainsi en 2009, le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est de 9,1% au Japon, où les formations en alternance sont inexistantes, contre 22,8% en France, 25,4% en Italie et 37,9% en Espagne, où des efforts importants ont été menés pour développer l'alternance. En conclusion de son analyse, le Céreq estime que plutôt que de vouloir transposer les exemples existants dans le monde, en Allemagne notamment, il s'agit plus de s'en inspirer et pas "dans une logique de mimétisme, qui ne donnera jamais les résultats escomptés". Il préconise aussi de réformer le cadre institutionnel de l'apprentissage, "par une mise à plat des compétences partagées entre divers niveaux d'action publique, des procédures de concertation entre les acteurs, ainsi que des circuits de financement".
E.Z.