Formation professionnelle - L'Afpa "dans une situation très compliquée"
Rien ne va plus à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Les personnels et syndicats sont très remontés face à une situation qu'ils jugent critique, alors que les comptes sont au rouge. En 2010, ils font apparaître un déficit de 11,4 millions d'euros et le projet de budget 2011 tablent sur un déficit de 8 millions d'euros. "La situation est très compliquée, l'Etat s'étant désengagé de l'Afpa ; on est en train de payer les charges du patrimoine et on paie aussi la facture des départs des psychologues de l'association vers Pôle emploi", explique Jacques Coudsi, secrétaire général de la CGT Afpa. L'association vit depuis plusieurs mois un réel bouleversement avec l'ouverture à la concurrence sur fond de rigueur budgétaire. Auparavant subventionnée par l'Etat, l'Afpa doit maintenant gagner ses marchés par elle-même à travers des appels d'offres, au même titre que n'importe quel organisme de formation. Autre changement : le transfert de son activité orientation à Pôle emploi (913 psychologues du travail) depuis le 1er avril 2010, qui était prévu par la loi du 24 novembre 2009, et le transfert à l'association des biens mis à sa disposition par l'Etat. Un transfert qui a été jugé inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel le 17 décembre 2010. Les syndicats réclament à l'Etat de "payer ses dettes". D'après l'intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CGC, l'Etat est ainsi redevable à l'association de 160 millions d'euros : la moitié au titre de l'entretien de ce patrimoine immobilier et foncier, dont le sort n'est pas encore réglé suite à la décision du Conseil constitutionnel, et l'autre moitié au titre du dernier contrat de progrès de l'Afpa. Les organisations syndicales contestent aussi le projet stratégique 2010-2014 qui a été validé par la direction de l'Afpa malgré l'opposition des instances représentatives du personnel.
"Grand ménage"
"On a une volonté de la direction de favoriser le passage à la concurrence mais aussi d'accélérer la réduction des postes. On a déjà perdu 2.000 emplois en 2010, en incluant les psychologues, et la direction continue à maintenir le blocage sélectif des emplois", détaille Jacques Coudsi. "Ce contexte a pour conséquence une aggravation de la situation des personnels. De plus, la direction sent qu'elle a de plus en plus de mal à mettre en œuvre son plan stratégique et plutôt que de chercher des solutions, elle a décidé de forcer les choses", poursuit-il.
L'inquiétude est tout particulièrement perceptible au sein de l'Afpa Limousin que le délégué interrégional souhaite mettre "en ordre de marche", comme le laissait entendre un récent courrier. S'en est suivie quelques jours plus tard, le 20 janvier, la mise à pied du directeur régional, Philippe Bonnot. Une situation dénoncée par une large majorité de salariés de l'Afpa Limousin dans une pétition du 7 février, lancée à l'initiative de l'intersyndicale CGT-FO-CFDT. Objectif : adresser un avertissement contre la mise en place "d'une politique destinée à mater, à mettre la pression et à faire le grand ménage" sur l'Afpa Limousin. "Les Hauts commandeurs exigent des résultats tout en étranglant l'Afpa et en la privant des moyens pour les atteindre (moins d'effectifs, plus de charges à assumer, des moyens "techniques" en perpétuel réorganisation et dysfonctionnement…)", détaille le communiqué des syndicats qui craignent restructurations et suppressions d'emplois. Les agents de l'Afpa Limousin dénoncent aussi des "remontrances sévères" et convocations à entretien (y compris entretien préalable à sanction) dont ils feraient l'objet. Mais les salariés font bloc. "Ils ne se laisseront pas flinguer les uns après les autres", peut-on lire dans la pétition, et exigent des réponses quant à la situation économique réelle de l'Afpa Limousin et au plan d'action de la nouvelle direction régionale.
Une semaine d'action prévue fin février
Pour l'heure, la direction par intérim tente de calmer les esprits. "Actuellement, aucune fermeture de site n'est prévue, assure Gilles Gaillard, le responsable régional communication à l'Afpa Limousin, qui parle de "rumeurs folles". "On est dans une zone de turbulences : d'une logique de subvention, on passe à une logique d'appel d'offres, on entre dans le champ de la concurrence, ce qui nous change la vie", explique-t-il. Pour autant, selon le comité régional d'établissement (CRE), les chiffres sont là pour témoigner de la situation, avec 60 emplois perdus depuis dix ans et 40 suppressions d'emplois prévus d'ici 2014… "C'est une période de prudence et de fragilité... l'objectif au niveau national est de réduire la masse salariale mais il n'y pas de plan social prévu, peut-être des fonctions qui seront déplacées géographiquement mais pas de mutations forcées. Il y aura un accompagnement, chacun sera reçu", tempère Gilles Gaillard.
En attendant, la mobilisation se renforce au plan national. Une semaine d'action est déjà prévue du 21 au 24 février par l'intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CGC, avec des assemblées générales du personnel, des initiatives dans les centres et les régions et des débrayages. Estimant que les informations dont il dispose sur la situation économique et financière "font apparaître des risques majeurs pour l'association", le comité central d'entreprise (CCE) de l'Afpa a voté, le 10 février, le déclenchement d'une procédure de droit d'alerte. Il va mandater son secrétaire pour obtenir de la direction une réponse détaillée.