Tourisme / Logement - L'Adil de Paris passe au crible les locations touristiques et propose de renforcer l'encadrement
L'association départementale d'information sur le logement de Paris (Adil 75) publie une étude sur les locations touristiques dans la capitale. Intervenant dans un contexte de relations de plus en plus tendues entre la ville et les plateformes d'intermédiation touristiques de type AirBnb ou Abritel, l'étude sur ces locations - sous-titrée "Contrôler leur développement sans les interdire : le difficile équilibre à trouver" - tombe à point nommé dans le débat, même si elle s'efforce de s'en tenir à une analyse objective et impartiale.
Un rapport locatif de un à trois en faveur de la location touristique
Après avoir procédé à un rappel du cadre juridique, l'étude de l'Adil 75 rappelle que "par comparaison à la location d'une résidence principale, la location touristique, très peu règlementée, permet de s'exonérer de toutes les obligations pesant sur le bailleur (fixation du loyer, durée du bail, clauses interdites, congés limités...)". En outre, "cet avantage se trouve conforté par la forte rentabilité des locations touristiques".
Sur ce dernier point, les chiffres présentés par l'étude - et qui sont directement tirés des données de l'observatoire AirBnb - sont très éloquents. Ainsi, un logement de type T4 rapporte à Paris 2.243 euros pour un mois de location traditionnelle (source Olap/Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne), mais 7.695 euros pour 30 nuits de location AirBnb. Ces chiffres sont respectivement de 777 et 1.935 euros pour un studio/T1. Dans ces conditions, on comprend mieux que nombre de propriétaires - voire de locataires - se laissent tenter, même si la comparaison est pour partie théorique (30 nuits ininterrompues de location AirBnb sont un cas rare dans la pratique).
On peut toutefois regretter - même si cela correspond à la vocation et au savoir-faire des Adil - que l'étude se cantonne à une approche très juridique (cadre réglementaire, fiscalité, charges sociales...) et ne s'aventure guère sur le terrain de l'impact économique de ces locations touristiques, ni même sur leurs conséquences en termes de politique du logement (contraction et renchérissement de l'offre locative pour les résidents).
"Il n'est pas possible de laisser spéculer sur l'attrait touristique d'une métropole où le besoin de logements est crucial"
L'étude offre en revanche des aperçus intéressants sur les expériences de grandes métropoles étrangères, qui semblent pour la plupart pratiquer une politique plus restrictive que la capitale. De même, l'étude de l'Adil 75 ne se contente pas de dresser un constat, mais formule aussi une quinzaine de propositions, qui vont clairement dans le sens d'un encadrement renforcé de cette activité. Parmi celles-ci, on retiendra notamment la réduction de la durée maximale de location dispensée d'autorisation préalable, le conditionnement de la location de courte durée à l'accord des copropriétaires et l'instauration d'un délai d'opposition de la copropriété au changement de destination, la création d'un statut particulier du loueur, ou encore plusieurs mesures fiscales sur la location de courte durée (modification des conditions de calcul de la taxe de séjour, suppression de l'exonération de CET, instauration d'un droit de bail, suppression de l'abattement micro-BIC du régime général...).
Au final - et tout en reconnaissant que la location touristique répond à un besoin - l'Adil 75 estime qu'"il n'est pas possible de laisser spéculer sur l'attrait touristique d'une métropole où le besoin de logements est crucial. Pour éviter de telles extrémités, la résistance à ce type de location, quand elle devient trop lucrative, nécessite que tous les acteurs concernés œuvrent ensemble dans l'objectif de préserver à la fois le parc de logements et l'accueil des visiteurs".
Paris veut aller plus loin que 120 nuitées autorisées par an
Nul doute que cette étude recevra un accueil très favorable du côté de la mairie de Paris, mais aussi d'autres villes très concernées par l'explosion des plateformes d'intermédiation locative, comme Bordeaux ou Cannes (voir notre article ci-dessous du 26 juin 2017). Lors de sa session du 26 septembre, le conseil de Paris a en effet voté, à l'unanimité, un vœu demandant que soit "significativement baissé" le nombre maximal de nuitées autorisées pour les locations de meublés touristiques. Ce plafond est aujourd'hui de 120 nuitées, un nombre supérieur à celui autorisé dans la plupart des grandes métropoles mondiales, y compris aux Etats-Unis.
En attendant une prise de position du gouvernement, la ville annonce l'organisation, dans les six mois, d'une rencontre avec d'autres grandes métropoles, afin de "travailler à une régulation concertée", ainsi que la mise sur pied d'un "observatoire de la location meublée touristique à Paris".
Pour justifier ces demandes, Ian Brossat, l'adjoint à la maire de Paris chargé du logement, fait notamment valoir que, dans les quatre premiers arrondissements, "un logement sur quatre ne sert plus à loger des Parisiens". La ville passe aussi aux actes, avec un total de 754.000 euros d'amendes prononcées par la Justice depuis le début de cette année pour des infractions à la réglementation sur les meublés touristiques.
Enfin, et même s'il s'agit là d'une mesure nationale (voir notre article ci-dessous du 2 mai 2017), il faut rappeler que les propriétaires souhaitant procéder à une mise en location de leur logement sur des sites d'intermédiation touristique doivent s'enregistrer sur une plateforme dédiée de la ville de Paris depuis le 2 octobre. D'abord expérimental, cet enregistrement deviendra obligatoire dès le 1er décembre 2017.