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"La situation de nos comptes sociaux n'est pas bonne", mais une amélioration se dessine

Auditionnés en commission à l'Assemblée, Olivier Véran et Olivier Dussopt ont apporté de nombreuses informations concernant l'impact - colossal - de la crise sanitaire sur les comptes sociaux et sur ce qui se profile sur ce terrain, entre autres pour les hôpitaux et sur la cinquième branche dédiée à la dépendance.

Dans une réunion conjointe, les commissions des affaires sociales et des finances de l'Assemblée nationale ont auditionné, le 26 janvier, Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, et Olivier Dussopt, le ministre délégué chargé des Comptes publics. L'audition portait sur "la situation financière des administrations de sécurité sociale, son évolution depuis le début du quinquennat et ses perspectives". En pratique, les explications des ministres et les échanges avec les députés – pas moins d'une vingtaine d'entre eux sont intervenus – ont porté essentiellement sur l'impact et les suites de la crise sanitaire sur les comptes sociaux. Les débats, très riches, ont été l'occasion d'apporter de nombreux éclaircissements ou informations. Comme l'a expliqué Eric Woerth, le président de la commission des finances, "cet exercice, à la fois rétrospectif et prospectif, va nous permettre d'établir une sorte de bilan provisoire de nos comptes sociaux en cette fin de législature".

Un retour à l'équilibre en 2030 ?

Pour Olivier Véran, "la situation de nos comptes sociaux n'est pas bonne" : "Alors que nous étions sur le point de retrouver un équilibre tant attendu, la crise sanitaire mondiale a conduit la puissance publique à engager des dépenses considérables, que nous assumons." Le ministre des Solidarités et de la Santé confirme que "nous mettrons du temps à sortir d'une telle situation". Rappelant qu'il avait fallu dix ans pour absorber l'impact – pourtant moindre – de la crise économique de 2008, Olivier Véran a rappelé que "la LFSS pour 2022 prévoit encore un déficit de 11,1 milliards en 2025. La trajectoire tendancielle ne reviendra vraisemblablement pas à l'équilibre avant 2030". Mais, dans le même temps, "cette crise a également été un révélateur, un électrochoc et une épreuve de vérité qui nous contraint à faire des choix et à placer les solidarités et la santé au cœur de notre pacte social".

Plus précisément, alors que l'année 2019 avait vu un quasi retour à l'équilibre des comptes sociaux et que l'apurement de la totalité de la dette sociale à l'horizon 2024 se trouvait confirmé, la pandémie de Covid-19 a conduit à un déficit des régimes de base de la sécurité sociale de 38,7 milliards d'euros en 2020 – essentiellement pour l'assurance maladie – et de l'ordre de 25 milliards en 2021 (au lieu des 33,5 milliards initialement envisagés). L'assurance chômage a connu la même évolution, passant d'un déficit de l'ordre de 1,9 milliard en 2019 à 17,4 milliards en 2020 et près de 10 milliards en 2021 (avant un retour à l'équilibre espéré en 2022, car l'assurance chômage est très réactive à la conjoncture économique). Pour sa part, la dette sociale est passée de 193 milliards à la fin de 2019 à 268 milliards un an plus tard. Le vote d'une loi organique, à l'été 2020, a permis une nouvelle reprise de cette dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), pour un total de 136 milliards, en contrepartie d'un prolongement de l'amortissement de celle-ci – autrement dit du maintien de la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) – de 2024 à 2033.

"Pas un euro d'économie" ne sera imposé aux hôpitaux

Olivier Véran a plus particulièrement insisté sur trois questions : les hôpitaux, les tests, qui ont connu une croissance exponentielle avec la vague du variant Omicron, et le vieillissement de la population. Sur les hôpitaux, il a évoqué une sorte de sanctuarisation. Hors mesures du Ségur de la santé. Les hôpitaux ont en effet bénéficié, en 2021, de 2,6 milliards supplémentaires et "le budget de l'année 2022 a été construit pour que pas un euro d'économie ne leur soit imposé". Interrogé par des députés sur le rapport de la Cour des comptes évoquant des "marges d'efficience" dans le système de santé, et notamment dans les hôpitaux, le ministre de la Santé, tout en expliquant qu'il n'y a pas de solution miracle, a convenu que "nous cherchons ces marges. Il est possible, par exemple, d'augmenter la pertinence des soins en évitant la redondance de certains actes". Il a notamment évoqué le déploiement de l'espace numérique de santé pour tous, qui permettra de réduire les doubles dépenses, ou le développement des bonnes pratiques. Mais, "ce qui est certain, c'est qu'on n'économisera plus sur le dos de l'hôpital. A cet égard, un virage a été pris et je ne crois pas que nous entendrons de sitôt l'un de mes successeurs tenir un autre discours que le mien". A plus court terme, Olivier Véran a précisé qu'une mission flash de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) est en cours sur les délais de remboursement aux hôpitaux des surcoûts liés au Covid. Elle remettra ses conclusions à la mi-février et "les versements auront lieu en mars, dans le cadre de la campagne tarifaire et budgétaire des établissements de santé. Les hôpitaux le savent, ils peuvent donc être rassurés".

Cinquième branche : 2,3 milliards, mais pas au-delà

Sur le dépistage, l'effort – dès que les moyens techniques ont été disponibles – a été à la hauteur de l'enjeu consistant à proposer des tests gratuits : 2,6 milliards d'euros en 2020 pour les tests, 6,9 milliards en 2021 (soit 600 millions d'euros de plus que ce qui avait été voté en LFSS, notamment du fait de l'accélération de l'épidémie en décembre), et des premières estimations de l'ordre de près de 1,6 milliard pour le seul mois de janvier 2022... La dépense pour les vaccins (doses et organisation vaccinale) s'est élevée pour sa part à 6,3 milliards en 2021.

Sur "le changement démographique majeur qui se profile avec le vieillissement de la population", Olivier Véran n'a rien dit de l'abandon du projet de loi sur la dépendance. Mais il a rappelé que le rapport Libault évoquait un besoin de financement de près de 10 milliards d'euros. Le ministre a cependant été très clair : "Nous aurons une approche responsable consistant à couvrir les besoins sans creuser les déficits : tels sont les objectifs du 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) affecté en 2023 à la cinquième branche. Cela représente 2,3 milliards d'euros, qui seront pleinement mobilisés, mais sans aller au-delà". Le gouvernement compte en effet sur le "virage domiciliaire engagé par la LFSS pour 2022" afin de répondre à la demande tout en contrôlant la dépense.

Interrogé sur ce point par plusieurs députés, Olivier Véran a précisé que le solde de la cinquième branche de la sécurité sociale, voté dans la LFSS pour 2022, sera excédentaire à compter de 2024, à hauteur d'environ 1,1 milliard d'euros. Aussi, "il n'est donc pas nécessaire d'augmenter les impôts [...]. Il n'est pas davantage question de réaliser des économies sur le dos des personnes en perte d'autonomie". Répondant à un autre député, le ministre a également indiqué que la COG 2022-2026 de la CNSA – qui va gérer la cinquième branche – "devrait être signée dans les prochaines semaines". Elle prévoira notamment un renforcement de 50% environ du nombre de salariés de la Caisse, afin de lui permettre de gérer cette nouvelle branche.

"Le financement de la dette sociale est aujourd'hui assuré"

Après une intervention d'Olivier Véran centrée sur le creusement des déficits pour répondre à l'ampleur de la crise sanitaire, Olivier Dussopt a consacré son intervention au redressement de la situation, dans une vision résolument optimiste. Tout en rappelant le rôle d'amortisseur qu'a joué la sécurité sociale, il estime en effet que "si la trajectoire des finances sociales reste dégradée, elle est en voie d'amélioration". Ainsi, les prévisions de l'Insee comme de la Banque de France laissent espérer que la croissance en 2021 sera finalement de l'ordre de 6,7% au lieu de 6,25%, ce qui permet d'espérer un surcroît de cotisations et de contributions sociales de plus de 6 milliards d'euros et un surcroît de recettes fiscales de l'ordre de 2 milliards. Pour le ministre des Comptes publics, "ces nouvelles relativement bonnes pourraient avoir un effet positif sur le solde de l'exercice 2022 [qui prévoit à ce jour un déficit de 20,4 milliards, ndlr] et des années suivantes".

Par ailleurs, "le financement de la dette sociale est aujourd'hui assuré". La reprise de 136 milliards d'euros par la CADES, prévue en 2020, a fait l'objet d'un premier transfert de 20 milliards en 2020, suivi d'un autre de 40 milliards en 2021, et un nouveau transfert du même montant est prévu en 2022. A plus long terme, sur les moyens qui vont permettre à la sécurité sociale de s'inscrire dans une trajectoire de retour à l'équilibre, le ministre des Comptes publics a été aussi clair que son collègue de la santé : "Une stratégie de retour à l'équilibre ne peut pas s'appuyer sur une hausse des cotisations. Ce n'est pas la politique conduite depuis 2017, car augmenter les impôts et les prélèvements obligatoires n'est pas un service rendu à la croissance". La réponse suppose donc l'augmentation du potentiel de croissance de la France, grâce à la poursuite de réformes structurelles, "mais aussi, bien évidemment, d'ouvrir la question de la réforme des retraites, que nous avons dû suspendre avec la crise".

 

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