Sports / Finances - La revue de dépenses du sport prône une forte remise en cause des aides d'Etat
"La dynamique de la dépense publique consacrée au sport est avérée, mais des mesures d'optimisation sont clairement nécessaires." Ce constat ressort de la mission de revue des dépenses consacrées au sport en 2016, menée conjointement par le contrôle général économique et financier du ministère de l'Economie et par l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports, et récemment publiée.
Des moyens conséquents pour le sport
Après avoir précisé que "la connaissance de la dépense sportive publique [revêt] à ce jour une dimension estimative", la mission note tout d'abord que "la dynamique de la dépense publique consacrée au sport est avérée et ne marque pas d'inflexion sur moyenne et longue périodes". L'agrégat de la dépense sportive nationale établit le poids économique du sport en France à 36,5 milliards d'euros en 2012, soit 1,74% du produit intérieur brut (PIB). La dépense publique constitue 46% de ce total et augmente plus vite que la dépense globale (+13% sur la période 2008-2012, contre +8%). Les collectivités représentent 72% de cette dépense publique et l'Etat 28%. Dans le détail, Les dépenses des collectivités ont augmenté à un "rythme soutenu" (+4,4% par an en moyenne) entre 2008 et 2013. Communes (+5,4% par an) et intercommunalités (+9,1%) affichant une progression nettement plus forte que les régions (+1,8%). Quant aux départements, ils enregistrent une diminution sur la période (-1,0%).
Après les dépenses, la mission s'est intéressée aux économies possibles alors que, comme elle l'affirme, "le modèle de la dépense publique en faveur du sport […] fait aujourd'hui l'objet d'un débat, voire d'une remise en cause". En cause précisément : la complexité et la dilution résultant de l'empilement des compétences et de l'engagement financier des collectivités, ainsi que la nécessaire recherche d'un effet de levier et d'une stabilité accrue des objectifs de l'Etat et de l'organisation du mouvement sportif. La mission formule ses recommandations autour de quatre axes.
Vers la rebudgétisation du CNDS ?
Le premier axe porte sur la connaissance et l'évaluation de la dépense publique, qui méritent d'être renforcées. Il s'agit notamment de procéder à une enquête périodique en vue de l'estimation des dépenses des collectivités territoriales consacrées au sport.
Le deuxième axe porte sur la clarification des responsabilités propres à chacun des acteurs. L'Etat doit se concentrer sur le sport de haut niveau, les grands évènements et équipements, ainsi que sur la réduction des inégalités sociales et territoriales d'accès à la pratique sportive.
Pour sa part, le Centre national pour le développement du sport (CNDS) appelle une réforme. La mission évoque plusieurs options, dont la rebudgétisation totale ou partielle de ses interventions, aujourd'hui essentiellement financées par des prélèvements sur les jeux et paris. Cette option entraînerait, selon la mission, une réduction des dépenses de structures de un million d'euros, et de 3 à 20 millions d'euros d'économies par "régulation budgétaire". On peut en outre imaginer qu'une rebudgétisation amènerait une reprise en mains par le ministère, et donc la fin d'une instance de codécision où siègent aujourd'hui des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des collectivités territoriales.
Les subventions du CNDS en péril
Les collectivités devraient, quant à elles, organiser la compétence partagée qui résulte de la loi Notr. Ceci afin de "mieux séquencer leurs interventions dans une logique renforcée de subsidiarité." En clair : l'accent devrait être mis sur un niveau de stratégie territoriale, la région, et un niveau d'action de proximité, la commune et, de plus en plus, l'intercommunalité. La mission va même plus loin en affirmant que "le poids des intercommunalités en fait le niveau le plus pertinent d'intervention, particulièrement dans les zones non urbaines".
Le troisième axe de réforme invite à recentrer la dépense publique autour d'une logique de projet renforcée. L'Etat est invité à "mettre fin à la dilution de son soutien aux fédérations sportives, redéfinir la doctrine d'emploi des moyens humains dont il dispose à ce titre (conseillers techniques sportifs) et concentrer l'action menée au travers du CNDS".
Ici, des pans entiers de l'intervention traditionnelle du CNDS sont en péril. La mission recommande en effet de supprimer ou déconcentrer les subventions d'équipements structurants de niveau local, pour une économie de 25 millions d'euros, ou encore d'abandonner la part du soutien non différencié à la pratique sportive dans la part territoriale du CNDS, pour 25,5 millions d'économies. En d'autres termes, les subventions aux associations sportives locales dont les actions ne visent pas spécifiquement la réduction des inégalités sociales et territoriales seraient supprimées.
Impliquer les clubs dans le financement des stades
La question du financement des grands équipements est également abordée par la mission, qui recommande de "clarifier les conditions de participation des clubs aux coûts d'implantation et de gestion des équipements sportifs publics" et d'"impliquer financièrement les clubs dans l'exploitation, voire la construction et la rénovation des équipements sportifs". Sur ce point précis, l'adoption récente au Sénat d'un amendement visant à interdire aux collectivités de financer plus de 50% d'un équipement destiné au sport professionnel dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi de régulation du sport professionnel (voir notre article du 28 octobre 2016 ci-contre) apporte une première réponse, à condition que les députés maintiennent cette mesure.
Enfin, le quatrième axe de réforme consiste à "mieux intégrer la dépense dans une approche économique assurant le développement de l'offre de services sportifs". Ce qui passe, entre autres, par une meilleure régulation du soutien des collectivités aux clubs professionnels. La suppression des subventions aux clubs de L1, L2 de football et de Top 14 de rugby, évoquée par la mission, amenant à elle seule 40 millions d'économies.