La rénovation urbaine entre 2004 et 2022 : quel bilan ?
Lancé il y a 20 ans sous l’impulsion de la loi Borloo, le programme national de la rénovation urbaine (PNRU) a constitué, par son ampleur, "une rupture majeure dans la politique nationale de rénovation urbaine", selon un rapport d’évaluation réalisé par plusieurs organismes (pour la plupart étatiques). Si ce programme a "profondément transformé l’espace urbain" des quartiers, avec notamment 175.000 logements démolis et 220.000 nouveaux logements construits, il a eu un impact mitigé en matière de mixité sociale et d’attractivité : un impact surtout marqué "dans les quartiers où la rénovation a été la plus intense", soit un quart des 546 quartiers concernés.
Coordonné par la direction générale des collectivités locales (DGCL) et ayant mobilisé une douzaine d’organismes, un rapport d’évaluation sur le programme national de la rénovation urbaine (PNRU) vient d’être publié. Dense, ce rapport présente un bilan quantitatif (réalisé par l’Anru, l’Agence nationale de la rénovation urbaine), des monographies réalisées par des agences d’urbanisme sur 12 quartiers, la synthèse d’une évaluation de l’impact du NPNRU sur le bâti et le peuplement des quartiers concernés (par France stratégie), une étude sur l’impact du programme sur les marchés du logement (par le CNRS Gate) et une contribution de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) sur la mixité sociale "sous l’angle de la diversité".
"Une rupture majeure dans la démultiplication des moyens financiers alloués"
Sur le plan quantitatif, il est rappelé que le PNRU, démarré en 2004 après la loi Borloo du 1er août 2003, "a constitué une rupture majeure dans la politique nationale de rénovation urbaine par la démultiplication des moyens financiers alloués et la massification des opérations soutenues". En 1999, il avait été débloqué l’équivalent en francs de 945 millions d’euros pour 50 "grands projets de villes" et 30 "opérations de renouvellement urbain". Entre 2004 et 2022, le PNRU a représenté 48,4 milliards d’euros d’investissements (dont 11,2 mds de l’Anru, 22,9 mds des bailleurs, 9,3 mds des villes et EPCI, 2 mds des régions et 1,5 mds des départements), au bénéfice de 546 quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans le cadre de 385 conventions de rénovation urbaine.
Sur ces 48 milliards d’euros, 32 milliards d’euros (soit les deux tiers) ont porté sur l’habitat en tant que tel, dont : 3,4 mds d’euros pour les démolitions ("175.000 logements démolis, dont 164.400 logements sociaux, caractéristiques des grands ensembles pour beaucoup d’entre eux") et 19,4 mds d’euros pour la "reconstitution de l’offre" (220.000 logements produits, dont "142.000 logements sociaux produits, pour l’essentiel en construction neuve" et 81.000 logements autres réalisés "au titre de la diversification dans les quartiers").
En solde, "le PNRU a produit 48.000 logements supplémentaires répartis dans les agglomérations des quartiers d’intervention", indique l’Anru. Les nouveaux logements sociaux ont été implantés pour moitié dans le quartier du projet et hors QPV dans 43% des cas. Quant à la réhabilitation, elle a "porté sur 408.500 logements d’un coût moyen de 17.250 € par logement" ; soit un coût global d’environ 7 milliards d’euros.
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En dehors de l’habitat, le PNRU a financé des opérations d’aménagement (environ 7 milliards d’euros) et de construction ou de rénovation d’équipements publics (5 milliards d’euros) dont la création de 500 écoles.
"Un parc de logements plus diversifié"
Au-delà de ces chiffres impressionnants, le PNRU a-t-il atteint les objectifs fixés ? Selon les termes de la loi de 2003, ce programme visait à "restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible".
De ce rapport, la DGCL retient "quatre constats", dont les deux premiers paraissent relativement irréfutables au regard du nombre d’opérations réalisées : le PNRU a contribué à "constituer un parc de logements plus diversifié et plus attractif" et à "transformer profondément l’espace urbain". Le regain d’attractivité peut toutefois prêter à débat, les auteurs mettant en avant "une baisse significative de la vacance stabilisée à 11% en moyenne dans les quartiers du PNRU à l’issue des projets", sans toutefois pouvoir dire précisément à quel niveau était le taux de vacance avant le démarrage du programme.
Est observé un certain impact du programme sur le marché, avec une hausse des acquisitions de logements par des professions intermédiaires "dans les quartiers où le parc HLM représente moins de la moitié des logements". Mais globalement, "les prix ont été très faiblement affectés par la rénovation", sauf en agglomération parisienne où le marché du logement est particulièrement tendu.
Quant à la baisse de la part du logement social dans les QPV (donc la diversification du parc), elle est surtout marquée "dans le quart des quartiers où la rénovation a été la plus intense", avec une diminution de 8,5 points dont 6 imputables au PNRU.
Une mixité sociale renforcée dans un quart des quartiers rénovés
Troisième constat de la DGCL : le PNRU a contribué à "favoriser la mixité sociale dans les quartiers politique de la ville". Là encore, les quartiers qui ont été "rénovés en profondeur" sont ceux qui ont connu les plus grands changements, avec une "part de diversité sociale" qui est passée de 21,9% à 44,4%. "En revanche, dans les quartiers où les rénovations ont été moins importantes (quartiers non conventionnés), la hausse de cette proportion est comparativement plus faible", peut-on lire dans le rapport. "Géographiquement, ces quartiers à diversité sociale élevée se concentrent pour la plupart en Île-de-France, alors que ceux qui sont à faible diversité sociale se concentrent surtout dans les Hauts-de-France", ajoutent les auteurs.
Selon l’étude de France stratégie, la part des plus pauvres "dans les quartiers où la rénovation a été la plus intense − soit un quart des quartiers ciblés" relève "principalement [de] la démolition des logements qui accueillaient le plus de ménages pauvres". "Dans les trois quarts restants des quartiers ciblés, où les interventions ont été moins intenses, l’impact moyen du PNRU est quasi nul et n’a pas permis d’empêcher une légère augmentation de la part des ménages les plus pauvres, évolution que l’on retrouve dans les quartiers contrôles n’ayant pas bénéficié du PNRU", selon le rapport.
Image des quartiers : une évolution "souvent lente et décalée par rapport au temps du projet"
Dernier constat de la DGCL : le PNRU a contribué à "améliorer l’image de ces quartiers". Les études dont rend compte le rapport expliquent pourtant que cette image des quartiers "peine à évoluer", que "l’évolution de cette perception est souvent lente et décalée par rapport au temps du projet". Or, "l’image d’un quartier est un frein majeur et parfois difficilement objectivable, à une plus forte diversification sociale d’un quartier", au fait d’attirer de nouveaux habitants, des commerces, etc.
Issu de la loi du 21 février 2014 et successeur du PNRU, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) "intervient dans 453 quartiers" et devrait "générer environ 50 milliards d’euros d’investissement tous financeurs confondus (collectivités locales et bailleurs sociaux notamment)", est-il rappelé. Les auteurs du rapport appellent à "une évaluation en continu du NPNRU", pour mesurer en quoi le programme répond aux objectifs fixés et apporte une "plus-value" aux territoires et aux habitants.