Un rapport sur l'avenir de l'Anru attendu pour juin
C'est ce qu'a indiqué le ministre Christophe Béchu lors des 20 ans de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. A cette occasion, deux études ont été diffusées. D'une part un baromètre de l'Anru mesurant le regard que les habitants portent sur leur quartier et leur logement, d'autre part une étude de France Stratégie montrant que le Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU) a en partie permis d'agir sur l'offre de logements et sur le "peuplement".
Le gouvernement a commandé un rapport pour juin prochain sur l'avenir de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), qui pilote la transformation des quartiers populaires, a déclaré dans un message diffusé ce jeudi en fin de journée le ministre de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Ce rapport, qui doit être remis "avant l'été" au ministre, a été confié à la directrice générale de l'Anru, Anne-Claire Mialot, au maire PS de Villeurbanne, Cédric van Styvendael, et au haut-fonctionnaire Jean-Martin Delorme. "Ce sera l'occasion d'ouvrir les pistes qui nous permettront d'explorer pour préparer ensemble les 20 prochaines années du renouvellement urbain", a déclaré le ministre dans un message pré-enregistré, diffusé en clôture du colloque célébrant le 20e anniversaire de l'Anru à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Les auteurs du futur rapport devront plancher sur le périmètre d'action de l'Anru et les instruments de sa politique, son financement, la place des habitants dans les projets, selon la lettre de mission, qui leur a été adressée en décembre dernier. Ils devront réfléchir aux moyens d'améliorer la "mixité sociale et fonctionnelle" dans les quartiers prioritaires, ainsi que leur adaptation au réchauffement climatique et l'adéquation de leur urbanisme avec les impératifs écologiques et la sécurité publique.
A l'occasion de ce 20e anniversaire de l'Anru et de ce colloque "20 ans de renouvellement urbain : penser les quartiers de demain", deux études ont été publiées.
L'image que les habitants ont de leur quartier s'est améliorée
La première, c'est la troisième édition du baromètre d'opinion Anru / Harris Interactive intitulée "Les Français dans leur quartier", qui sonde deux échantillons de personnes – l'un représentatif de l'ensemble de la population, l'autre centré sur les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). L'objectif, mesurer comment a évolué leur regard sur leur quartier.
Comme dans les précédentes éditions, les niveaux de satisfaction sont "plus faibles dans les QPV, mais restent néanmoins nettement majoritaires" : "83% des habitants de QPV se montrent satisfaits d’habiter dans leur commune, 76% dans leur quartier et 84% dans leur logement". Des chiffres très positifs donc. Et qui, de surcroît, progressent. Certes, dès lors qu'on leur demande de de comparer la situation de leur quartier par rapport à la moyenne des autres territoires, on constate un réel "écart de perception" entre l'ensemble des Français et les habitants des QPV. En tout cas, "si l’image globale du quartier reste moins favorable dans les QPV qu’ailleurs en France, celle-ci semble connaître une amélioration significative depuis ces dernières années, une évolution qui pourrait être attribuée aux politiques menées dans ces quartiers, parmi lesquelles les programmes de rénovation urbaine", en conclut l'Anru.
Huit habitants de QPV sur dix ont déjà entendu parler du programme national de rénovation urbaine (PNRU). Qu'en disent-ils ? "Dans les QPV, les jugements favorables sont majoritaires (62%), mais ceux défavorables sont légèrement plus importants qu’ailleurs (18%), signe que la perception du PNRU est plus contrastée dans ces territoires. Dans le détail, parmi les habitants de QPV, ce sont les jeunes qui sont les plus divisés à propos du PNRU". Ils évoquent avant tout "de nouvelles constructions et des travaux de rénovation".
Dans quels domaines les habitants de QPV se disent-ils moins souvent satisfaits que la moyenne des Français sur la situation de leur quartier ? "Les espaces verts, les logements, la sécurité, la propreté, la circulation et le stationnement des voitures, ou encore la cohésion sociale". En revanche, la satisfaction est équivalente lorsqu'il s'agit de services publics de proximité, garde d’enfants, diversité des commerces, offre culturelle, offre de soins, ou accès à l’emploi. Et est même supérieure s'agissant des transports en commun. Les transports, les espaces vers et l'offre d'activité sportive sont d'ailleurs les plus cités lorsque les habitants de QPV sont interrogés sur les domaines dans lesquels ils perçoivent une amélioration.
Quelles priorités pour l’avenir de leur quartier ? Rénovations énergétiques (82%), espaces verts (74%, +18 points par rapport à la moyenne des Français) et "démolition de logements dégradés pour en reconstruire de plus adaptés" (72%).
On notera en outre que "les divers problèmes liés au logement semblent davantage rencontrés dans les QPV qu’ailleurs, puisque 85% des habitants de QPV indiquent avoir déjà été confrontés" à des problèmes notamment liés à la température (en été comme en hiver) ou à une mauvaise insonorisation, contre 65% en moyenne en France. D'ailleurs, les habitants de QPV expriment plus souvent le souhait de déménager : "62% des habitants de QPV souhaiteraient changer de logement, contre 41% dans l’ensemble de la population". Les plus désireux de déménager étant "les moins de 35 ans et les catégories aisées".
Rénovations Anru : quel impact en termes de mixité ?
Selon une note d'analyse publiée par France Stratégie à la veille de la célébration des vingt ans de l'Anru, le Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU), qui s'est achevé en 2021, a partiellement atteint l'un de ses objectifs, celui de renforcer la mixité sociale dans les quartiers concernés, en agissant sur l'offre de logements et le "peuplement".
Pour réaliser leur étude, les auteurs ont comparé 497 quartiers ZUS ciblés par le PNRU avec un groupe contrôle de 240 quartiers aux caractéristiques similaires mais non rénovés. L'idée étant, donc, de "mettre en évidence l'effet causal du PNRU sur le parc de logements et la sociologie de leurs habitants".
Le PNRU a eu un "impact causal significatif à la fois sur l'offre de logements et sur le peuplement des quartiers ciblés", du moins des plus intensément démolis d'entre eux, analyse France Stratégie. Cet impact se traduit "par une diminution de la part des logements sociaux, initialement prépondérante, et par une réduction de la part des ménages les plus pauvres". Cette dernière s'est faite "essentiellement au profit d'un accroissement de la part de ménages de niveau de vie modeste à moyen".
Ainsi, dans "le quart des quartiers où les démolitions ont été les plus intenses, qui accueillent 6,5% de la population de l'ensemble des quartiers rénovés, le PNRU a causé une baisse de 6 points de la part des logements sociaux (-9%), ainsi qu'une baisse de 5 points (-17%) de la part des ménages les plus pauvres". Cet effet a été causé principalement "par la démolition des logements qui accueillaient le plus de ménages pauvres" et, dans une moindre mesure, "par la construction de logements sociaux accueillant des ménages aux profils un peu plus aisés". En sachant que "les quartiers rénovés intensément démolis ont été aussi intensément reconstruits, même si le niveau des reconstructions n’a pas atteint celui des démolitions". En fait, les démolitions ont "permis de ramener le taux de logement social à un niveau comparable à celui des autres quartiers de la politique de la ville". La baisse de la part des habitants les plus pauvres a été particulièrement forte entre 2005 et 2013, et plus atténuée ensuite.
"La baisse de la part des habitants du premier décile dans les quartiers rénovés intensément démolis procède à la fois du recul du poids du parc social dans l’ensemble du parc de logements et d’une diminution de la part des plus pauvres accueillis au sein du parc social", résume la note. On relèvera toutefois que "dans le parc privé à l’inverse, la part des ménages du premier décile est légèrement plus élevée dans les nouveaux logements que dans les anciens" : "Quel que soit le quartier, les nouveaux logements privés n’arrivent donc pas à attirer une population moins pauvre que celle des anciens logements".
En revanche, dans les trois quarts restants des quartiers ciblés, où les interventions ont été moins intenses, l'impact du PNRU est "quasi nul et n'a pas permis d'empêcher une légère augmentation de la part des ménages les plus pauvres".
"On a 75% des quartiers dans lesquels on n'a aucun effet parce qu'on a aussi un budget dépensé par habitant qui est nettement plus faible", souligne Nina Guyon, co-autrice de l'étude, précisant que cette dernière suit les logements et non les personnes et qu'elle "ne dit donc pas où sont passés les ménages pauvres qui ne sont plus dans ces quartiers" (ce qui représente évidemment une question importante...).
"Dans les quartiers rénovés avec des démolitions moins intenses, et a fortiori dans ceux n’ayant pas fait l’objet d’un programme de rénovation, c’est à un appauvrissement général de quartiers déjà pauvres que l’on a assisté entre 2003 et 2019, avec une hausse de la part des ménages des trois premiers déciles et une baisse de la part des ménages de tous les autres déciles", peut-on lire.
"L'étude est un peu optimiste quand elle met l'accent sur ce qui bouge, en réalité ce ne sont pas des choses qui changent fondamentalement la composition du quartier et ces ménages très pauvres sont essentiellement remplacés par des ménages qui sont quand même assez pauvres", nuance Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. "Les opérations Anru n'ont pas bouleversé du tout la ségrégation spatiale (...) mais elles ont permis d'investir relativement massivement dans des quartiers largement oubliés", ajoute-t-il.
D'après un bilan de l'Anru publié en octobre, les opérations financées par le premier PNRU ont représenté au total 48,4 milliards d'euros, soit en moyenne 2,8 milliards d'euros par an. Selon France Stratégie, c'est "environ 1% du budget annuel de l'Etat pour un ensemble de quartiers ciblés qui représente environ 7% de la population française, soit 4 millions d'habitants". Près de la moitié de ce montant a été financée par les bailleurs sociaux (en fonds propres ou en emprunts, principalement auprès de la Caisse des Dépôts), près d'un quart par l'Anru et le dernier quart par les collectivités locales. Au total, 175.000 logements, en grande majorité sociaux, ont été démolis, tandis que 142.000 logements sociaux et 81.000 logements privés ont été construits. Les autres opérations regroupent des projets d'aménagement urbain, de réhabilitation, de création d'équipements publics ou commerciaux.
Cette étude n'a abordé qu'un aspect du PNRU puisque, reconnaît France Stratégie, "son impact devrait également être évalué en termes d’amélioration du cadre de vie pour les habitants, quel que soit leur niveau de ressources, ainsi qu’en termes environnementaux – le remplacement d’un parc de logements dégradés par un ensemble de logements neufs constitue, en lui-même, un bénéfice pour les personnes qui accèdent au nouveau parc". Autrement dit, il faut aussi "mesurer ce que le programme a changé en termes de sécurité, d’accès à l’emploi, de réussite éducative, ou encore de mobilité sociale et géographique".