Comité interministériel des villes : Élisabeth Borne réaffirme l’objectif de mixité sociale dans les quartiers
Ce 27 octobre à Chanteloup-les-Vignes, la Première ministre s’est attachée à démontrer l’engagement du gouvernement pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville, avec des mesures sur l’emploi et l’entrepreneuriat, la transition écologique et l’accès aux services publics, dont l’école et la sécurité. À retenir de la vision "Quartiers 2030" de la politique de la ville : l’"émancipation" plutôt que la "réparation", de la souplesse pour les futurs contrats de ville et la réaffirmation d’un objectif de mixité sociale dans le logement.
Après des mois d’attente pour les élus de banlieue, le Comité interministériel des villes (CIV) s’est finalement tenu ce 27 octobre 2023 à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), là où il devait avoir lieu à la fin du mois de juin lorsque les émeutes urbaines sont survenues. Pour le gouvernement, ce rendez-vous est le volet "cohésion" de la réponse globale aux émeutes que le président de la République avait demandée, après le volet "régalien" présenté la veille (voir notre article). Mais c’est aussi l’occasion de donner corps au fameux plan "Quartiers 2030" qui avait été esquissé par Emmanuel Macron pendant sa campagne électorale, puis à Marseille précisément la semaine des émeutes (voir notamment notre article du 27 juin 2023). En phase de finalisation de leur nouveau contrat de ville, les élus locaux étaient quant à eux en attente d’un engagement fort de la part de l’exécutif et de mesures concrètes en matière d’éducation, de sécurité, de formation et d’emploi, de rénovation urbaine et de transition écologique (voir notre article du 18 octobre 2023).
Transition écologique et lutte contre l’habitat indigne
C’est sur ce dernier thème que la Première ministre, accompagnée de douze membres du gouvernement – dont Gabriel Attal, Aurélien Rousseau, Aurore Bergé, Roland Lescure, Patrick Vergriete, Dominique Faure et Sabrina Agresti-Roubache – a mis l’accent en premier lieu lors des conclusions du CIV. "Alors que les conséquences du dérèglement climatique apparaissent de plus en plus clairement, les habitants des quartiers populaires sont les premiers à les subir", met en avant la cheffe du gouvernement.
Élisabeth Borne désigne ainsi 24 nouveaux "quartiers résilients" (1) qui rejoindront le programme doté de 250 millions d’euros et piloté par l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) avec des partenaires dont l’Ademe et la Banque des Territoires (voir nos articles de septembre 2022 et avril 2023).
Doté de 2,5 milliards d’euros en 2024 (voir notre article), le fonds vert va être "fléché prioritairement" vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), avec l’objectif de consacrer 15% de ce fonds à ces quartiers.
Concernant la lutte contre l’habitat indigne, le gouvernement s’appuiera sur un projet de loi pour faciliter et accélérer les procédures d’intervention dans les copropriétés dégradées, sur la base du rapport de Michèle Lutz et Mathieu Hanotin remis au ministre du Logement en début de semaine (voir notre article).
Des outils pour la mixité sociale
"Nous devons mener une action déterminée pour enrayer les phénomènes de concentration de la pauvreté et des difficultés dans les quartiers", affirme Elisabeth Borne, après avoir confirmé que le taux de pauvreté restera le principal critère de la géographie prioritaire. Cette dernière est en train d’être actualisée – à la marge vraisemblablement – et ses contours seront dévoilés d’ici la fin de l’année.
"Je demande donc aux préfets de ne plus installer, via les attributions de logement ou la création de places d'hébergement, les personnes les plus précaires dans les quartiers qui concentrent déjà le plus de difficultés", annonce la Première ministre. Cela concerne en particulier les ménages "Dalo" (droit au logement opposable) les plus en difficulté qui ne pourront plus être logés dans des QPV.
Cette ambition se concrétisera par la publication du décret relatif à la mise en place de "résidences à enjeu prioritaire de mixité sociale", créées par la loi 3DS de 2022, permettant aux intercommunalités de "limiter la part de logements attribués à des publics identifiés comme fragiles". Matignon précise que cette publication n’interviendra pas avant "plusieurs semaines".
À l’inverse, il s’agit d’aller "très vite" concernant la publication d’une circulaire par le ministre du Logement pour "renouveler la politique de mixité sociale" dans les QPV, "en appelant les bailleurs et les collectivités à jouer sur la politique d’attribution (…) et sur les loyers". Cela passe par le fait de "renforcer le rôle du maire dans les attributions dans les QPV tout en accompagnant davantage les habitants à la mobilité résidentielle".
Ainsi, l’"un des principaux enjeux de la politique de la ville est de parvenir à supprimer le phénomène de trappe à pauvreté qui caractérise encore trop souvent les quartiers", réaffirme le gouvernement dans le dossier de presse, alors que certains élus se demandent à l’inverse s’il ne faudrait pas renoncer à l’idéal de mixité sociale et assumer l’idée que leurs quartiers sont des "sas" (voir notre article).
Un format renouvelé pour les contrats de ville
Les nouveaux contrats de ville 2024-2030 devront être signés au plus tard le 31 mars 2024 (voir notre article).
Matignon assure qu’il y aura une "simplification dans l’accès aux financements", avec la fin de l’appel à projets jusque-là pratiqué. "Une majorité de conventions pluriannuelles d'objectifs" sera recherchée, est-il indiquée dans le dossier de presse.
"Une souplesse assez radicale dans l’élaboration des thématiques" est annoncée pour le format du contrat. Ce dernier sera désormais "beaucoup plus à la main des territoires, pour définir chaque projet nécessaire", ajoute Matignon.
Soutien à l’emploi et à l’entrepreneuriat
Pour le gouvernement, le plein emploi est une "cible atteignable", ce qui implique de "définir de nouvelles perspectives pour la politique de la ville, en passant d’une logique réparatrice à une politique de la ville émancipatrice", écrit la Première ministre en préambule du dossier de presse. L’objectif de la politique de la ville devient dans ce contexte "de s’assurer, avec l’ensemble des acteurs locaux, que ces nouvelles opportunités peuvent être saisies par les habitants des quartiers". "Même si le chômage baisse dans nos quartiers, il reste trop élevé et bien supérieur au reste du territoire", justifie Elisabeth Borne, avant d’exposer plusieurs mesures.
Annoncé par Emmanuel Macron à Marseille en juin, un "plan entrepreneuriat Quartiers 2030", porté avec BpiFrance et la Banque des Territoires, sera doté de 456 millions d’euros sur quatre ans.
Un fonds de 300 millions d’euros sur trois ans, dont la moitié réservée aux QPV (soit 50 millions d’euros par an), bénéficiera aux associations de lutte contre la pauvreté qui sont engagées dans des démarches d’insertion vers l’emploi. Il financera des actions "d’aller-vers, pour remobiliser des publics les plus éloignés de l’emploi, les aider à trouver une formation, les accompagner", précise Matignon.
Le gouvernement veut également renforcer le programme "Les entreprises s’engagent pour les quartiers", avec l’objectif d’intégrer 2.000 nouvelles entreprises pour atteindre un total de 6.000 entreprises engagées.
Pour lutter contre les discriminations (à l’embauche mais également dans d’autres domaines, comme le logement), des testings seront conduits en 2024, "avec une méthode robuste et partagée", sous l’égide de la Dilcrah (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT). Cette instance est présidée depuis peu par Olivier Klein, ancien ministre à la Ville.
Accès aux services publics de droit commun
"L’accès aux services publics, aux politiques publiques de droit commun qui doivent s’appliquer au moins aussi bien dans les quartiers qu’ailleurs", expose la Première ministre, pour répondre à l’une des revendications les plus fortes des élus de banlieue.
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École
Les cités éducatives seront généralisées d’ici 2027, confirme d’abord Elisabeth Borne.
L’accueil continu de 8h à 18h dans les collèges de REP et REP+, comme annoncé par le chef de l’État en juin à Marseille, sera assuré à partir de la rentrée scolaire 2024.
Le gouvernement promet également une "convergence progressive du zonage des QPV et de celui de l’éducation prioritaire en assurant dès 2024 un traitement spécifique pour l’ensemble des écoles orphelines".
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Culture
Un plan d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques visera à toucher 500 collectivités, pour "neuf heures d’ouverture supplémentaire par semaine en moyenne" et en particulier le dimanche. "Un abondement exceptionnel de la dotation globale de décentralisation" financera cette mesure.
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Santé
Avec l’appui du fonds de co-investissement de l’Anru, l’expérimentation de 60 centres de santé sera conduite d’ici 2027. Ces centres regroupant différents professionnels de santé et de l’accompagnement psycho-social auront pour "priorité d’aller vers les habitants et de les orienter vers les soins dont ils ont besoins", détaille Elisabeth Borne. 26 centres de ce type sont actuellement en activité.
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Petite enfance
Toujours via le fonds de co-investissement de l’Anru, le gouvernement veut participer à l’ouverture de 100 nouvelles crèches dans les quartiers. L’horizon de temps n’est pas précisé.
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Sécurité et tranquillité publiques
Les nouvelles mesures, et en particulier le déploiement de "forces d’action républicaines (FAR)" a été détaillé le 26 octobre (voir notre article). "Ces réponses nationales doivent avoir un écho particulier dans les QPV, dont les habitants subissent trop souvent la violence et les trafics", ajoute la Première ministre ce 27 octobre. Elisabeth Borne promet ainsi "plus de présence policière dans les quartiers en particulier pour lutter contre les trafics de drogue".
Parmi les leviers énumérés dans le dossier de presse, on peut citer la mise en place de moyens ciblés pour mieux protéger les femmes dans l’espace public, la création dans les quartiers de postes de "délégués de la cohésion police/population" et le développement de la réserve opérationnelle de la police nationale.
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Grand âge
L’expérimentation de "nouvelles modalités d’accompagnement des personnes âgées" concernera 20 QPV, "à travers de nouvelles formes de partenariat entre des bailleurs et des associations, (actions de prévention de la perte d’autonomie, à la fois individuelles et collectives, en insistant sur le renforcement des solidarités)".
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Sport
Des mesures en faveur de l’insertion professionnelle par le sport ont été dévoilées par le président de la République le 23 octobre (voir notre article).
Jeux olympiques et paralympiques (JOP) et quartiers : lors du Comité interministériel des JOP du 20 octobre dernier, la Première ministre a validé pour l’été 2024 "l’ensemble des dispositifs d’animation existants pendant les vacances scolaires portés notamment par les ministères de la Ville (Quartiers d’été), de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse (Vacances Apprenantes), de la Culture (Été culturel) et du Sport et des Jeux Olympiques et Paralympiques (clubs ouverts et crédits d’animation territoriale Jeux Olympiques et Paralympiques )". "Le contenu de ces programmes sera revu afin d’y intégrer davantage de sports et l’apprentissage des valeurs de l’olympisme et du paralympisme", est-il précisé.
"Si nous tirons dans le même sens et que nous sommes à la hauteur des circonstances, nous pouvons faire naître l’espoir, et créer les conditions d’un renouveau des quartiers en 2030", a conclu la Première ministre.
(1) Selon le dossier de presse du CIV, les 24 quartiers sont situés dans les villes de Saint-Pol-sur-Mer et Dunkerque, Amiens, Angers, Allonnes, Auxerre, Mulhouse, Poitiers, Châteauroux, Oyonnax, Grenoble et Echirolles, Bézier, Montpellier, Miramas, Marseille, Colombes, Sevran, EPT Est ensemble, Clichy-sous-Bois et Montfermeil, Valenton, Savigny-sur-Orge, Grigny, Montereau-Fault-Yonne, Saint-André (La Réunion).
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