Congrès de l’USH : un bilan globalement positif de 20 ans de rénovation urbaine
La méthode collégiale qui a caractérisé la rénovation urbaine depuis la création de l'Anru en 2003 est globalement plébiscitée par les professionnels de la ville. Mais les risques d’une politique qui néglige les services publics de droit commun dans les quartiers concernés, ainsi que la nécessité d’une meilleure concertation avec les habitants ont été soulignés à Nantes lors du 83e congrès de l'Union sociale de l'habitat (USH), qui consacrait une table ronde à ce sujet.
Maxime Bitter, directeur général de Lille Métropole Habitat, a illustré en ces termes la transformation réelle des quartiers bénéficiaires de programmes de renouvellement urbain : "Il y a 20 ans, personne ne se risquait à s’aventurer à Lille-sud, coupé du reste de la ville par un check-point. Aujourd’hui, le quartier a retrouvé toute sa tranquillité, et la population s’est heureusement diversifiée…" "La dignité retrouvée" par les habitants des grands ensembles où l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) est intervenue a été mise en avant par Stéphane Peu, député (PCF) de Seine-Saint-Denis, ex-maire de La Courneuve. Au 83e congrès de l’USH, à Nantes, lors de la table ronde consacrée le 4 octobre aux 20 ans de la loi d’orientation pour la ville (dite loi Borloo), qui a créé l’Anru, la faiblesse relative de l’intensité des émeutes dans ces quartiers, alors que de nombreuses villes se sont enflammées fin juin dernier, a également été relevée.
Pêle-mêle, les différents intervenants ont dit tout le bien qu’ils pensaient de la méthode mise en place par l’ancien maire de Valenciennes : concentrer les moyens sur une série de sites en difficulté, mais aussi "mettre tout le monde autour de la table", pour décloisonner et accélérer les politiques publiques et favoriser l’intelligence collective. La diligence des opérations a d’ailleurs été citée parmi les clés de succès : "Quand un enfant, qui a vu à l’âge de 5 ans le chantier démarrer, constate, arrivé à sa majorité, qu’il n’est pas fini, c’est que quelque chose n’a pas fonctionné."
Des concertations à approfondir
Face à des intervenants plutôt positifs, Eddie Jacquemart a toutefois insisté sur les imperfections de la rénovation urbaine : le président de la Confédération nationale du logement a affirmé que le solde entre le nombre de logements démolis et ceux reconstruits était déficitaire de 20.000 unités. Il a déploré des concertations parfois superficielles, évoquant la souffrance d’habitants viscéralement attachés à leurs quartiers en assistant à la démolition de leurs tours. "Parfois, l’Anru agit comme un bulldozer", a-t-il déploré. Eddie Jacquemart a regretté la destruction de "chefs-d’œuvre architecturaux de la cité du Mirail, à Toulouse", malgré l’opposition des habitants. Des propos nuancés par Fabienne Abecassis, directrice générale de Logirem, cette dernière évoquant les nombreuses études auprès des habitants, effectuées par des tiers, attestant de leur satisfaction. La directrice de recherche au CNRS Christine Jaillet a évoqué quant à elle les désirs insatisfaits de quitter ces quartiers pour un avenir meilleur éprouvés par nombre de leurs habitants, y résidant par défaut.
Désengagement de l’État
La nécessité de ne pas se servir des politiques de rénovation urbaine pour masquer un désengagement de l’État a été soulignée par Stéphane Peu. Le parlementaire a cité le rapport qu’il avait préparé en 2019 avec François Cornut-Gentille, alors député (LR) de Haute-Marne, énumérant la liste des services publics pour lesquels son département, pourtant parmi les plus pauvres de France au regard du revenu de ses habitants, est en dessous de la moyenne nationale, en termes d’effectifs ou de niveau des agents. Il a pris l’exemple des professeurs des écoles : "50% des postes ne suscitent pas de candidat, l’Éducation nationale devant baisser ses exigences de niveau de notes aux examens pour parvenir à les pourvoir." "Après les émeutes du début de l’été, j’ai entendu le président en appeler à l’ordre, j’en appelle à l’école", a-t-il déclaré, déplorant les fermetures des bureaux de poste, ou de ceux de la sécurité sociale, "qui creusent la ségrégation sociale".
Catherine Vautrin, présidente de l’Anru, a également insisté sur la nécessité de l’accompagnement social de la rénovation urbaine. Elle a évoqué l’intérêt de la "maîtrise d’usage de ces politiques", consistant par exemple à répondre à des questions aussi simples que le stockage ou le transport des meubles des habitants relogés. La présidente (LR) de Reims Métropole a évoqué l’évolution des modes d’intervention de l’Anru, passés d’une démolition potentiellement traumatisante des tours à leur déconstruction, plus écologique et circulaire, et mieux acceptée.
Fabienne Abecassis, directrice générale de Logirem, a rappelé à son tour que la rénovation urbaine ne traitait que de logement et d’urbanisme, et que si son bilan était positif, ces politiques ne réglaient pas les autres difficultés de ces quartiers, liés à l’emploi notamment. L’incapacité de l’Anru à introduire de la mixité sociale a également été soulignée.
Catherine Vautrin s’est inscrite en faux contre l’idée selon laquelle l’Anru représenterait un puits sans fond d’argent public. "Sur les 12 milliards d’euros représentés par la première génération de l’Anru, l’État n’a pris à sa charge que 10%, Action logement et les bailleurs sociaux s’acquittant de l’essentiel de ces financements." La présidente de l’Anru a relevé au contraire les 48 milliards d’euros de travaux générés, rapportant à l’État quelque 4 milliards d’euros de recettes fiscales au titre de la TVA et générant 40.000 emplois durant 10 ans dans le bâtiment, soit 6 milliards d’euros de cotisations sociales". |