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Politique de la ville : Jean-Louis Borloo appelle à agir avec "méthode" pour les "zones délaissées"

Deux ans après avoir été mandaté par le président de la République pour établir un ambitieux "plan banlieues" avec l'ensemble des acteurs, Jean-Louis Borloo est revenu ce 15 janvier devant les sénateurs sur la politique en faveur des "zones délaissées". Pour l'ancien ministre de la Ville, un effort de méthode est absolument nécessaire pour avancer plus rapidement, en particulier sur la rénovation urbaine.

Depuis la remise de son rapport en avril 2018 et l'accueil mitigé qui lui avait été réservé par le président de la République un mois plus tard (voir notre article du 22 mai 2018), c'était la première fois que Jean-Louis Borloo, ancien ministre de la Ville, s'exprimait devant la représentation nationale sur la politique de la ville. Devant les sénateurs de la commission des affaires économiques, il a adopté une posture d'humilité - "je viens comme citoyen parler à des citoyens en charge, donner un éclairage qui n'est que le mien" – et son franc-parler habituel pour faire passer quelques messages.

Ouvrir une enquête parlementaire sur l'"arrêt" de la rénovation urbaine

Sur la rénovation urbaine, celui qu'on désigne comme le père de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) et de la loi de 2003 a interrogé : "comment un dispositif, une ambition votée à l'unanimité des sénatrices et des sénateurs, votée à l'unanimité des députés (…), comment cette décision de la Nation française a-t-elle pu s'arrêter sans que personne ne l'ait jamais décidé ?" "Ca mérite au moins une enquête, démocratique", a poursuivi Jean-Louis Borloo à l'adresse des parlementaires, se défendant de toute "polémique" ou de rejeter la faute sur "tel ou tel gouvernement". "Plus grave", cet abandon est selon lui le symptôme d'une crise du "fonctionnement de la décision publique".

L'ancien maire de Valenciennes a notamment pointé des contraintes exercées par l'administration de Bercy et un changement de statut de l'Anru (1). Le bras armé de la rénovation urbaine ne jouerait plus de son point de vue ce rôle de "tiers de confiance" si nécessaire pour entraîner une multiplicité d'acteurs dans ce type de programmes. Il a dénoncé plus globalement la complexification du processus - "A Marseille, 61 réunions de préfiguration !" Tout en reconnaissant quelques évolutions positives depuis mai 2019 (voir notre article du 14 mai 2019), il a insisté sur la nécessité de revoir cette gouvernance – une question de son point de vue bien plus cruciale que le montant de la participation de l'Etat.

A noter que, outre le changement de gouvernance de l'Anru, le décret du 7 janvier 2020 prévoit des allègements dans le contrôle économique et financier de l'Anru à partir de mars prochain. Par ailleurs, l'Anru met en avant dans un communiqué de ce jour les 9,5 milliards d'euros de concours financiers attribués depuis 2018 aux projets de renouvellement urbain.

Une cour d'équité territoriale pour garantir l'"obligation de moyens"

L'ancien ministre de la Ville a plus globalement insisté sur l'exigence d'une méthode pour agir en faveur de l'ensemble de ces "zones délaissées" et de la jeunesse qui y vit. Ces zones englobent selon lui les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais aussi des territoires ruraux isolés et des bassins en "grave déprise", ainsi que les départements d'outre-mer – une approche déjà défendue dans le rapport de 2018 et confortée par la crise des gilets jaunes qui a suivi. En France, "il y a une telle dispersion des moyens ou des capacités de décision qu'il est très compliqué d'avoir une action opérationnelle", a-t-il mis en avant. Pour Jean-Louis Borloo, il importe de dépasser cette apparente complexité par une méthode – "une mission, un chef et des moyens" – permettant aux acteurs de partager une feuille de route. "La France est à la fois désinvolte et capable de se mobiliser collectivement avec une efficacité absolument redoutable", a-t-il encouragé.

Interrogé sur le manque de moyens et sur la nécessité de permettre à ces quartiers d'accéder à des services de droit commun, Jean-Louis Borloo est revenu sur l'idée, du rapport de 2018, de mettre en place une cour d'équité territoriale. Dans ce cadre, chaque responsable public – Etat, régions, départements, etc. – devrait annuellement faire le point sur "les moyens mis cette année pour réduire un peu l'écart" ; à défaut d'un engagement sur les résultats, il y aurait au moins "une obligation de moyens" et "le minimum vital d'espoir républicain", a défendu l'ancien maire de Valenciennes.

Plan banlieues de 2018 : "l'important, c'est que des mesures soient reprises"

Jean-Louis Borloo a également évoqué la nécessité d'une "fondation du rattrapage", qui serait largement dotée grâce notamment aux moyens d'Action logement, pour mener "un programme de 70 à 80 milliards d'euros et mettre les moyens là où il faut les mettre pour la Nation". C'est un projet "nécessaire", "rentable" pour les comptes publics et "enthousiasmant", a-t-il fait valoir, considérant que les 500.000 jeunes de ces territoires représentaient une "réserve de croissance" actuellement inexploitée.

Devant des sénateurs conquis, l'ancien ministre de Jacques Chirac a insisté à de nombreuses reprises sur le rôle du Parlement, l'invitant à être dans un "contrôle au sens britannique du terme".

Sur l'accueil réservé au rapport commandité par le président de la République en 2018, celui qui est désormais éloigné de la vie politique a préféré relativiser la séquence désagréable. "C'était peut-être un peu trop prêt, un peu trop organisé, avec un peu trop d'enthousiasme", a-t-il tenté d'expliquer. "Ce qui est important c'est qu'on regarde les mesures, qu'on les reprenne même six mois après", a-t-il choisi de retenir, alors que plusieurs idées du rapport, telles que les Cités éducatives, ont été finalement mises en œuvre. Interrogé sur la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires, Jean-Louis Borloo s'est contenté de souffler... Avant d'insister une nouvelle fois sur l'importance de la "méthode par programme".

(1) Jean-Louis Borloo a pointé la transformation du statut de l'Anru d'un Epic (établissement public industriel et commercial, avec un contrôle budgétaire a posteriori) en un EPA (établissement public d'aménagement, avec un contrôle a priori). Après vérification, l'Anru est toujours un Epic.

 

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