Rénovation urbaine : l'État tiendra-t-il ses engagements ?
Un rapport sénatorial élaboré dans le cadre du PLF se félicite de la mobilisation de l'Anru et les bons résultats du nouveau programme (NPNRU) mais questionne l'engagement de l'État qui semble "vouloir étaler sa participation financière".
Dans le cadre de l'examen du PLF 2020, Annie Guillemot, sénatrice (PS) du Rhône et rapporteure pour avis, au nom de la commission des affaires économiques, sur les crédits du ministère de la Cohésion des territoires (politique de la ville), s'est penchée sur le plan de financement de l'Anru (Agence nationale de la rénovation urbaine). Le bilan qu'elle tire de l'activité de l'Anru et du bilan – partiel – du NPNRU (nouveau programme national de renouvellement urbain) balance entre la satisfaction sur la mobilisation de l'organisme et les bons résultats du nouveau programme d'un côté et les doutes sur l'engagement de l'État de l'autre.
Un financement tripartite
Les 10 milliards d'euros d'équivalent subvention du NPNRU – dont le doublement a été annoncé en 2017 avant d'être suspendu, puis relancé à la mi-2018 dans le cadre du pacte de Dijon – sont apportés par Action Logement (6,6 milliards), le secteur du logement social via la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) pour 2,4 milliards, et l'État pour un milliard.
La rapporteure considère que les freins techniques au déploiement du NPNRU ont également été levés, notamment par le biais de la loi Elan du 23 novembre 2018, qui prévoit le passage à une comptabilité industrielle et commerciale au 1er janvier 2021 et a supprimé le plafond d'emploi. En matière de validation de dossiers – et donc de projets financés –, le rapport observe qu'"un travail considérable a été accompli depuis un an" et que "l'Anru est véritablement sortie de la léthargie dans laquelle elle se trouvait" (voir nos articles ci-dessous)
Le bilan parle de lui-même : à la fin de 2018, le NPNRU avait généré 45 milliards d'euros d'investissements, soit : 157.080 démolitions engagées et 148.090 livrées (94% de taux de réalisation), 137.370 constructions engagées et 125.490 livrées (91%), 336.310 réhabilitations engagées et 322.080 livrées (96%) et 345.430 résidentialisations engagées et 321.670 livrées (93%).
"Il y a lieu de s'inquiéter"
Si la rapporteure pour avis décerne ainsi un satisfecit à l'Anru et au NPNRU, elle estime en revanche qu'"il y a lieu de s'inquiéter sur l'engagement de l'État dans le financement du NPNRU". Le plan de financement arrêté entre l'État, les bailleurs sociaux et Action Logement sur la durée du quinquennat a bien été respecté par l'État en 2018 et 2019, avec 200 millions d'euros d'autorisations de programme inscrites en deux fois. En revanche, seuls 25 millions d'euros sont inscrits en crédits de paiement en 2019, "faisant peser le doute sur la volonté du gouvernement de respecter la croissance de sa contribution sur le quinquennat et d'atteindre effectivement 200 millions en 2022", alors qu'Action Logement et les bailleurs sociaux respectent les décaissements prévus.
Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le ministère a d'ailleurs indiqué que "les arbitrages rendus dans le cadre de la préparation du triennal 2020-2022 ont prévu la stabilisation de la contribution de l'État au financement du NPNRU au niveau inscrit en loi de finances initiale 2019, soit 25 millions d'euros par an sur la période 2020-2022". Dans ces conditions, calcule la rapporteure, "la contribution de l'État sur le quinquennat plafonnerait à 115 millions d'euros au lieu des 200 millions d'euros promis. À ce rythme, l'État mettrait 40 ans pour verser le milliard d'euros prévu pour le NPNRU !". Le rapport estime que "le gouvernement a vraisemblablement décidé de remettre à après 2022 le gros de ses versements et la réalisation de ses engagements", reportant l'effort sur les autres financeurs et tout particulièrement Action Logement qui, "selon les informations fournies, [...] devrait être mis une nouvelle fois à contribution"
La commission rétablit les versements de l'État
Le gouvernement justifie cette position en faisant valoir que les dépenses liées au NPNRU ne devraient pas dépasser celles du PNRU avant 2021 et en insistant sur le niveau de la trésorerie de l'Anru, "qui devrait être positive de 343 millions d'euros fin 2019 et le rester jusqu'en 2022 à hauteur de 333 millions d'euros".
Mais pour la rapporteure pour avis, "la manière dont l'État semble vouloir étaler sa participation financière est un signal très négatif. Ne contribuant déjà qu'à un dixième du programme, il est incompréhensible de le voir demander à ses partenaires d'anticiper leur participation quand il reporte la sienne". Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission des affaires économiques a donc approuvé un amendement de principe rétablissant les versements de l'État au niveau attendu.