Julien Denormandie présente le bilan de la politique de la ville du gouvernement au 22 mai 2019
Julien Denormandie a présenté ce 22 mai en conseil des ministres un bilan de la politique de la ville un an après les grandes annonces présidentielles. Une mise au point du travail interministériel réalisé en matière d'éducation, d'accès à l'emploi, de rénovation urbaine, de sécurité, de culture...
Il y a tout juste un an, le 22 mai 2018, le président de la République appelait à l'Élysée à la "mobilisation nationale de tous pour les habitants des quartiers" (voir notre article ci-dessous). C'est cette date anniversaire qui a été choisie par le gouvernement pour établir un bilan en conseil des ministres, et par l'Association des maires de Ville & Banlieue pour affirmer : "Un an après, les 'mâles blancs' n'ont plus à pâlir" (voir notre encadré ci-dessous). Référence à la parole malheureuse d'Emmanuel Macron, qui avait ce jour-là voulu justifier sa distance vis-à-vis du rapport Borloo remis un mois plus tôt et des "cahiers de la coconstruction" issus d'une grande concertation dans laquelle s'étaient plongés les élus.
Une grande journée de mobilisation le 13 juin
C'est donc la date d'anniversaire de la parole présidentielle qui a été choisie pour dresser un bilan de la politique interministérielle en faveur des quartiers, et non pas sa traduction dans la feuille de route présentée en conseil des ministres par Julien Denormandie le 18 juillet 2018 (voir notre article ci-dessous).
Au conseil des ministres du 22 mai 2019, celui-ci a annoncé le prochain grand rendez-vous : une "journée de mobilisation" le 13 juin à la grande halle de la Villette, "pour promouvoir la dynamique d’une 'grande équipe de la réussite républicaine'", précisant que "l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, les acteurs culturels, éducatifs, sportifs et les citoyens engagés y ont toute leur place".
5,7 milliards d'euros engagés par l'Anru
Au titre du bilan, Julien Denormandie a cité en premier lieu "l’accélération du nouveau programme national pour le renouvellement urbain (NPNRU)", rappelant qu'entre mai 2018 et avril 2019, le comité d'engagement de l'Anru a approuvé la moitié des projets de renouvellement urbain concernant 238 quartiers dans lesquels elle mettra 5,7 milliards d’euros qui généreront, avec l'effet levier, 19 milliards d’euros de travaux tous financeurs confondus (voir notre article du 14 mai 2019 "Un an après l'instauration des nouvelles règles, la moitié des projets Anru 2 est validée").
Il a rappelé le lancement, en octobre dernier à Marseille, du plan de lutte contre les propriétés dégradées concernant 684 copropriétés, dont 128 particulièrement en grande difficulté sur 14 sites faisant l’objet d’un suivi et d’une priorité nationale (voir notre article du 10 octobre 2018 "Copropriétés dégradées : le gouvernement lance une stratégie nationale d'intervention à 2,74 milliards d'euros").
Le ministre en charge de la politique de la ville a évoqué en second lieu le déploiement de la police de sécurité du quotidien (PSQ). Il y a désormais 47 quartiers de reconquête républicaine (voir notre article du 8 février 2019 "Christophe Castaner annonce 17 nouveaux quartiers de reconquête républicaine") et "ils seront au moins 60 en 2020", a-t-il ajouté, qui bénéficieront de la création de 1.300 postes de policiers et gendarmes, "soit entre 10 et 30 créations nettes d’effectifs par QRR".
Réussite éducative : les dédoublements, les cités... mais pas que
Au registre de l'éducation, le dédoublement des classes bénéficie aujourd'hui à près de 190.000 élèves de CP et CE1 de REP+ et REP depuis la rentrée 2018 (voir notre article du 23 janvier 2019 "Éducation prioritaire - Le ministère publie un premier bilan "encourageant" du dédoublement des classes de CP en REP +"). Ils seront 300.000 à la rentrée prochaine, a-t-il confirmé aux journalistes lors de la conférence de presse organisée à l'issue du conseil des ministres.
L’augmentation sur trois ans de la prime aux 60.000 personnels de l’Éducation nationale exerçant dans les établissements REP+ a été mise en place.
Les dispositifs "devoirs faits" et "plan mercredi" ont été déployés, a rappelé Julien Denormandie sans plus de détails (voir aussi notre article du 30 novembre 2018). "La médiation à l’école, pour prévenir et gérer les conflits et le harcèlement, va être renforcée", a-t-il annoncé.
Il a naturellement évoqué la labellisation, pour la rentrée scolaire, de 80 territoires en "cités éducatives". Dispositif visant à créer "un écosystème favorable autour de l’école et du collège, et ainsi offrir aux enfants et aux jeunes une éducation de qualité pendant le temps scolaire et hors temps scolaire" (voir notre article du 2 mai 2019). L’État accompagne le dispositif avec 100 millions d’euros sur la période 2019-2021.
Le dispositif d'offres de stages de 3e n'a pas encore tout donné
L'offre massive de stages de 3e pour les collégiens scolarisés en REP+ était l'une des nouveautés annoncées par Emmanuel Macron il y a un an. Le portail monstagedetroisieme.fr a été créé, 33.000 offres de stages ont été mises à leur disposition, mais seules 8.000 ont été pourvues. Le gouvernement se donne un objectif de 15.000 l'année prochaine, en améliorant le dispositif "grâce à l’élaboration d’une nouvelle plateforme".
Au chapitre culturel, le jumelage des institutions culturelles avec les quartiers de la politique de la ville "va s’appuyer sur une méthodologie inédite, en cours de finalisation", a annoncé Julien Denormandie. Elle reposera "en particulier sur le suivi des remontées d’information des territoires, permettant de cartographier les actions réalisées". Le déploiement des "micro-folies" devrait y contribuer. Question bilan, 20 "micro-folies" sur les 26 ouvertes en France le sont dans des communes intégrant un ou plusieurs quartiers politique de la ville (QPV).
Formation et insertion professionnelle : tout est dans le PIC
Très attendues : les mesures en faveur de la formation et de l’insertion professionnelle. Julien Denormandie a rappelé que, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC), 2 milliards d’euros ont été fléchés pour le financement de parcours de formation qui devront bénéficier, d’ici 2022, à 150.000 jeunes sans qualification et 150.000 chômeurs de longue durée résidant dans les quartiers (soit 15% du PIC). Trois appels à projets ont déjà été lancés pour soutenir les expérimentations dans une logique d’essaimage ("prépa-apprentissage", "100 % inclusion", "Repérer et mobiliser les publics invisibles").
Des dispositifs de "deuxième chance" sont aussi développés dans le cadre du PIC avec des objectifs précis exprimés en nombre de bénéficiaires issus des QPV. L’objectif est toujours de doubler le nombre d’apprentis dans les QPV.
Devant les journalistes, Julien Denormandie n'a pas pu donner d'éléments de bilan, au motif que les signatures des "Pric" avec les régions sont toujours en cours (voir aussi notre article du 25 avril 2019 "PIC : les régions ont presque toutes signé leur pacte").
Emplois francs : le ministre compte sur l'extension du zonage et l'assouplissement du dispositif
Les territoires d’expérimentation des emplois francs ont été considérablement étendus depuis l’arrêté du 22 mars 2019 et le décret du 30 mars (voir notre article du 26 avril "Assouplissement des aides aux emplois francs : le décret est paru"). Plus de la moitié des habitants vivant en QPV sont désormais éligibles (contre un quart précédemment). L'objectif est toujours de parvenir à 20.000 emplois francs à la fin de l'année, il y en aurait aujourd'hui autour de 6.000.
Julien Denormandie a évoqué la première vague de "testing" sur les discriminations à l’embauche de demandeurs d’emploi issus des QPV qui a concerné 40 entreprises issues de l’indice boursier SBF 120. Plus de 10.000 tests ont été effectués. "Les résultats ont permis de nouer un dialogue avec les entreprises testées, afin de susciter une démarche de progrès et d’engagement, notamment dans le cadre du pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises (PaQte)", a commenté le ministre.
Sur le "conseil présidentiel des villes", il a assuré aux journalistes qu'il avait lui-même passé beaucoup de temps avec ses membres.
Soutien aux associations de grandes et petites tailles
Concernant les associations, il a indiqué qu'un appel à manifestation d’intérêt, #TremplinAsso, doté de 15 millions d’euros, avait été lancé afin de soutenir 44 associations "structurantes", "tout en préservant les crédits existants destinés aux associations de proximité" (voir notre article du 19 février 2019 "Un appel à manifestation d’intérêt pour favoriser le "changement d’échelle" de projets associatifs dans les quartiers").
Il a également fait référence au plan "Associations de proximité", annoncé par le président de la République à Évry, en précisant qu'il était "en cours d’élaboration pour mieux répondre aux attentes des associations de plus petite taille" (voir aussi notre article du 26 avril 2019 "Soutien aux associations dans les quartiers prioritaires : les 44 projets de "réussite républicaine" sont dévoilés").
Les "mâles blancs" de Ville & Banlieue rédigent à leur manière le carton d'anniversaire
"22 MAI 2019 : UN AN APRÈS, LES 'MÂLES BLANCS' N'ONT PAS À PÂLIR". C'est le titre du communiqué rédigé ce jour-là par l'association d'élus Ville et Banlieue. Manifestement, ils n'ont toujours pas digéré la réunion à l'Élysée du 22 mai 2018, où ils ont, disent-ils, été "qualifiés de 'mâles blancs' par le chef de l'État". Ce jour-là, "les élus locaux, pourtant acteurs de première ligne de la rénovation urbaine et de l'accompagnement social des 6 millions d'habitants des quartiers fragilisés, étaient mis à l'écart, notamment avec la création d'un conseil présidentiel des villes duquel ils furent d'emblée exclus".
L'eau a un peu passé sous les ponts et ils reconnaissent aujourd'hui que "des mesures ont été obtenues". Ils citent : la "dynamisation" de l'Anru, les cités éducatives, le prolongement de la durée des contrats de ville, la nouvelle vague de création de "quartiers de reconquête républicaine", le soutien aux associations. Toutefois, "un an après la douche froide", demeurent selon eux d'énormes chantiers. Ils citent : les finances locales, les dispositifs de péréquation solidaire, l'habitat social, la tranquillité publique et la sécurité, l'accès à la formation et l'accompagnement vers l'insertion par l'emploi. La réforme des contrats aidés et des missions locales, notamment, "fragilisent gravement les outils en faveur des habitants les plus en rupture", estiment-ils.