À la recherche de la bonne échelle pour faire monter l'éducation prioritaire
Quelle est la bonne échelle de l'éducation prioritaire ? Le quartier, comme c'est le cas aujourd'hui pour les REP (réseaux d'éducation prioritaire) ? Ou l'école, comme le suggère France Stratégie dans une note d'analyse illustrée d'une jolie infographie ? La logique territoriale a-t-elle fait son temps ? Faudrait-il désormais, au nom du pragmatisme, adopter une logique de label attribué à des écoles selon l'origine sociale de ses élèves, qui donnerait droit à des services particuliers (dédoublement des classes, enseignants supplémentaires…) ?
La précédente réforme de l'éducation prioritaire, pensée par le ministre Vincent Peillon et lancée en 2014 par son (bref) successeur Benoît Hamon, avait voulu abolir les "zonages". "ZEP", pour "zone d'éducation prioritaire", c'était jugé stigmatisant pour les enfants et les habitants du quartier. En mettant l'accent sur le concept de "réseau" constitué d'un collège et ses écoles de secteur, les "REP", "réseaux d'éducation prioritaire", conservaient pourtant une assise territoriale. La cartographie des REP reprenait celle des ZEP, et était quasi identique à celle de la politique de la ville réformée parallèlement. Logique, puisque les deux cartes étaient tracées à partir de données sur la concentration de familles précaires.
Les ZEP devenaient REP, les ZUS devenaient QPV (quartiers prioritaires de la politique de la ville), leurs cartes se superposaient mais il n'était pas question de les fusionner, l'Education nationale voulant en conserver la maîtrise… notamment la maîtrise d'engager une nouvelle réforme. On y est, la réforme est en réflexion, Jean-Michel Blanquer a annoncé son application pour la rentrée 2020. France Stratégie y met au débat une contribution intitulée "Ecoles primaires : mieux adapter les moyens aux territoires".
Mixité sociale et écoles orphelines
6.000 écoles primaires et 1.000 collèges sont aujourd'hui en REP ou REP+. Mais tous les enfants de familles défavorisées n'y sont pas, alors que certains enfants de familles plus favorisées en sont. On peut s'en réjouir du point de vue de la mixité sociale, ou y voir une injustice à corriger. France Stratégie note que "1 écolier sur 7 est scolarisé dans une école dont le label ne correspond pas au niveau de vie du territoire" (par "label", il entend le label "REP", le "HEP" étant l'acronyme de "hors éducation prioritaire"). La faute à la situation des écoles dites "orphelines" : celles qui sont situées dans des quartiers défavorisés mais "ne font pas partie de l’éducation prioritaire", et celles situées dans des quartiers non défavorisés "mais intégrés au sein de l’éducation prioritaire", surnommées écoles "embarquées".
France Stratégie propose quatre pistes visant à "rendre la labellisation et la dotation des écoles plus lisibles et plus justes".
Affiner le ciblage
Il faudrait d'une part constituer une base de données sur l'origine sociale des élèves, école par école, pour la fin de l'année 2019 (piste 1).
Cette base de données pour chaque école permettrait (piste 2) d'"affiner le ciblage de l'éducation prioritaire" via deux voies : "soit en labellisant directement les écoles ; soit en modulant davantage les moyens en fonction des besoins".
Par ailleurs, il faudrait "rendre plus transparentes les données sur l'allocation des moyens des écoles pour informer les élus et les parents et corriger les situations de sur, ou sous-dotations injustifiées" (piste 3). Et enfin "élargir la logique du dédoublement des CP/CE1, en fixant des 'cibles indicatives de moyens par élève' calculées selon le degré de difficulté sociale des territoires, pour toutes les écoles publiques et tous les niveaux, à l'horizon 2025".
On attend par ailleurs, pour le début de l'été, le rapport de la mission Azéma-Mathiot (voir nos articles du 3 et 5 octobre 2018) dont l'objet est "d’apporter une vision globale de ce que doit être la politique territoriale de l’Education nationale" dans "les quartiers relevant de la politique de la ville" et "le monde rural".