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Patrimoine - La question des bâches publicitaires sur les chantiers de monuments historiques rebondit à Lille

Il y a quelques semaines, un amendement adopté en première lecture à l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la biodiversité suscitait de vives réactions parmi les acteurs du patrimoine et les entreprises de restauration des monuments historiques (voir nos articles ci-contre des 23 et 26 mars 2015). Déposé par le groupe EELV (Europe Ecologie Les Verts), cet amendement supprime en effet le régime dérogatoire instauré par l'article L.621-29-8 du Code du patrimoine, qui autorise l'installation de bâches publicitaires lors de travaux sur des bâtiments classés ou inscrits.

Pas de "manne financière magique"

Si on peut comprendre les considérations esthétiques - mais aussi anti-publicité - qui ont inspiré le texte, les adversaires de la mesure n'ont pas manqué de faire valoir que ces bâches publicitaires apportent, le temps du chantier, de précieuses recettes pour financer les travaux de rénovation, à une époque où l'Etat ne cesse de réduire ses dotations.
Ce débat national vient de rebondir à Lille, comme le révèle le quotidien La Voix du Nord. L'affaire concerne la première tranche de la restauration des toitures du palais des Beaux-Arts, propriété de la ville, qui doit débuter cet été. Lors de la séance du conseil municipal du 13 avril, les élus ont en effet adopté le lancement de cette première tranche, tout en autorisant l'apposition d'une grande bâche publicitaire - dont les dimensions exactes restent à préciser -, qui cachera les échafaudages installés sur la façade du musée, place de la République.
Mais le groupe EELV du conseil municipal s'est refusé à voter cette délibération, ce qui n'a toutefois pas empêché son adoption. Tout en admettant la nécessité de rechercher des recettes nouvelles, les Verts ont indiqué - par la voix de l'adjoint au maire chargé du patrimoine - qu'ils ne souhaitent pas cautionner l'idée d'une "manne financière magique" qui résulterait du recours à la publicité.

Esthétisme ou pragmatisme

Plus pragmatique, Martine Aubry a affirmé qu'elle "continue de penser qu'aller chercher de l'argent un peu partout quand on a des travaux à réaliser est une bonne chose". La maire de Lille a également rappelé à son adjoint qu'ils avaient arrêté de concert la feuille de route sur la politique en faveur du patrimoine. La question est loin d'être théorique, puisque cette bâche pourrait rapporter entre 400.000 et 900.000 euros, pour un chantier dont le coût est estimé à huit millions d'euros.
S'en est suivi un débat assez confus sur le distinguo entre publicité et sponsoring. Martine Aubry a toutefois promis qu'elle veillera à ne pas laisser apposer "n'importe quoi" sur la façade du palais des Beaux-Arts. Elle a ainsi précisé que la marque où le logo qui seront choisis pour y figurer devront être compatibles avec la vocation culturelle du bâtiment et les valeurs de la ville de Lille.
D'ici l'apposition de la bâche, prévue pour septembre prochain, la réponse pourrait venir du Sénat. Celui-ci pourrait en effet revenir sur l'amendement du groupe EELV. Le gouvernement - par la voix de Ségolène Royal - s'étant lui-même montré très réservé sur la mesure, le sort final de l'amendement est en effet des plus incertains.