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PLF 2018 - La prime d'activité n'a pas fait de perdants

La prime d'activité, qui va faire l'objet d'un rebasage budgétaire, bénéficie en moyenne chaque mois à 2,5 millions de foyers, avec un taux de recours de l'ordre de 70%, soit plus que prévu. Un rapport de la députée Stella Dupont détaille ces données.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, Stella Dupont, députée (LREM) du Maine-et-Loire et rapporteur spéciale de la commission des finances pour les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, consacre une part importante de son rapport à une analyse et un bilan partiel de la prime d'activité. Depuis le 1er janvier 2016, celle-ci remplace à la fois le RSA activité et la prime pour l'emploi (PPE).

Un rebasage budgétaire de 18%

Ce focus est d'autant plus justifié que le PLF 2018 prévoit un important rebasage des crédits affectés à l'action 11 "Prime d'activité et autres dispositifs". Ces crédits devraient en effet être portés à 5,67 milliards d'euros en 2018, dont 5,1 milliards d'euros pour la prime d'activité (+18%) et 476 millions d'euros pour la "prime de Noël". Ce rebasage a fait dire ainsi au Haut conseil des finances publiques que la budgétisation pour 2018 apparaissait "plus réaliste".
Il intègre la revalorisation de 20 euros par mois qui doit intervenir en octobre 2018. Celle-ci s'inscrit dans l'engagement d'Emmanuel Macron d'augmenter de 100 euros le revenu mensuel moyen des travailleurs rémunérés au Smic (voir notre article ci-dessous du 20 septembre 2017). Le solde sera obtenu par une augmentation ultérieure du bonus individuel (60 euros pour les salariés au Smic) et, pour les 20 euros restants, par la suppression des cotisations sociales salariales pour la maladie et le chômage.

Un taux de recours de 71%

La rapporteure spéciale rappelle que la prime d'activité est aujourd'hui versée, en moyenne mensuelle, à 2,55 millions de foyers bénéficiaires résidant en Métropole et dans les DOM (y compris Mayotte). Au total et en cumulé sur 2016 - année de mise en place de la prestation -, 4,3 millions de foyers relevant du régime général ont bénéficié de la prime d'activité au moins un mois dans l'année, pour un montant moyen de 156 euros par mois.
Le rapport de la commission des finances confirme un taux de recours à cette prestation nettement supérieur aux estimations initiales, même si sa très rapide montée en charge dès le début de 2016 tient surtout à l'automaticité de l'ouverture des droits pour les bénéficiaires du RSA activité. Le rapport évalue le taux de recours actuel à 71% des bénéficiaires potentiels, quand les évaluations initiales tablaient plutôt autour de 50%. La dématérialisation de toute la procédure de demande de la prime d'activité a sans doute été un facteur important dans cette réussite.

51% des allocataires sont des familles monoparentales

En termes de profils démographiques, les bénéficiaires de la prime d'activité sont fortement concentrés dans la tranche d'âge 30-49 ans. Au final, seuls 35% des allocataires ont moins de 30 ans et 18% plus de 50 ans. Les moins de 25 ans - qui n'avaient pas droit au RSA - représentent néanmoins plus de 400.000 bénéficiaires.
En termes sociologiques, l'élément le plus frappant est que la moitié (49%) des bénéficiaires de la prime d'activité sont des femmes seules (dont 22% avec enfant(s) et 27% sans enfant). S'y ajoutent 25% d'hommes seuls et 26% de couples avec ou sans enfant. Au total, 51% des allocataires sont des familles monoparentales.
En termes de revenus, les deux tiers des bénéficiaires de la prime d'activité se situent dans les trois premiers déciles et ont donc un niveau de vie inférieur à celui de 70% de la population générale. Conclusion de la rapporteure : "La prime d'activité apparaît donc moins concentrée sur les bas revenus que le RSA activité, mais l'est davantage que la prime pour l'emploi".
Dernier point, qui avait fait polémique lors de la création de cette prestation : l'existence d'éventuels "perdants" à la réforme. Pour la rapporteur spéciale, ce ne sont en définitive que des "perdants statistiques", autrement dit "des personnes qui auraient pu bénéficier de la prime pour l'emploi et qui ne sont plus éligibles à la prime d'activité, comme des nouveaux entrants sur le marché du travail en fin d'année ou des couples qui ne font pas de déclaration conjointe de revenus".

La sous-évaluation persisterait pour la prime de Noël

A noter : comme la prime d'activité, la "prime de Noël" fait l'objet d'un important rebasage budgétaire. La dotation affectée est d'ailleurs directement prise en charge par le budget de l'Etat depuis la suppression du Fonds national des solidarités actives par la loi de finances initiale pour 2017. En 2016, L'Etat avait versé seulement 408 millions d'euros aux organismes de sécurité sociale qui assurent le paiement de cette prime, d'où une créance de ces derniers à hauteur de 110 millions.
La loi de finances pour 2017 prévoyait en conséquence 556 millions d'euros pour les primes de Noël, sans que l'exécution soit connue à ce jour compte tenu du caractère saisonnier de la prime. La rapporteure spéciale estime par conséquent que la dotation de 476 millions d'euros pour 2018 "pourrait donc être sous-estimée". Toujours selon la rapporteure spéciale, il pourrait en être de même pour la composante "jeunes actifs" du RSA socle, "dont la dotation s'élève à 5,4 millions d'euros pour 2018, soit près de deux fois moins que la dotation pour 2017 et bien en deçà de l'exécution en 2016 (8 millions d'euros)".